Les yeux d’Ezral luisaient comme deux phares d’argent dans la brume. Son pelage noir semblait absorber toute lumière, toute chaleur. Il ne bougeait pas, mais son souffle puissant déformait l’air autour de lui, créant comme une onde invisible, un champ magnétique fait d’intimidation pure. Alma sentit son cœur battre si fort qu’elle crut qu’il allait exploser. À ses côtés, Liora s’était figée, les lèvres tendues, ses doigts serrant le pendentif en pierre de lune suspendu à son cou.
Mais ce n’était pas la peur qui paralysait Liora. C’était autre chose. Une rage ancienne. Une promesse de vengeance. Ezral ne grogna pas. Il se redressa à demi sur ses pattes arrière, et dans un mouvement fluide, il reprit forme humaine. Nu, imposant, la peau zébrée de cicatrices et de tatouages anciens, il s’approcha lentement. Ses longs cheveux noirs encadraient un visage marqué par le temps, mais toujours d’une beauté sauvage. Ses yeux, eux, restèrent lupins. — Alma, dit-il, sa voix grave brisant le silence comme un orage lointain. — Tu n’étais qu’un murmure… une hypothèse. Mais te voir... te respirer… Voilà la confirmation que le sang est bien vivant. Le sang des deux lunes. Celui qui fera tomber les anciens pactes. Alma recula d’un pas, mais Liora l’arrêta d’un bras tendu. — Ne l’écoute pas. Il t’ensorcellera avec ses mots. Comme il a ensorcelé ta mère. Ezral la dévisagea, un sourire moqueur aux lèvres. — Liora… la sœur veule. L’ombre d’Iseult. Toujours à ramper dans le secret, à prêcher l’équilibre. Regarde ce qu’il en reste. Une forêt gangrenée. Des meutes perdues. Et une fille qui ne connaît même pas sa nature… — Alma est humaine. Elle a été élevée dans la lumière. Elle n’est pas des vôtres. — Humaine ? répéta Ezral en riant. Vraiment ? Alors pourquoi son odeur fait-elle frémir les miens ? Pourquoi la Lune saigne-t-elle dans le ciel depuis son retour ? Alma sentit un frisson la traverser. Elle leva les yeux. Et là, elle comprit. La Lune n’était plus tout à fait ronde. Une entaillure rouge en rongeait le flanc gauche, comme une morsure. Et autour d’elle, les étoiles semblaient plus pâles, comme si leur lumière reculait. — Qu’est-ce que c’est ? murmura-t-elle. Qu’est-ce qui arrive à la Lune ? Ezral s’approcha encore, plus près maintenant. Elle pouvait sentir son souffle, entendre le rythme profond de sa respiration. — La Lune a toujours été notre mère. Notre boussole. Mais elle vous a observés, vous les humains. Vos armes. Vos villes. Vos trahisons. Elle saigne… parce que vous l’avez blessée. Il tendit la main vers Alma. — Rejoins-moi. Tu peux la guérir. Tu es l’Élue du croisement. Le sang d’Iseult et de Daël. Une sorcière et une louve. Tu n’as pas à choisir. Tu es le choix. Liora se plaça entre eux, brandissant le pendentif. — Si tu la touches, Ezral, je jure par les cendres d’Iseult que je t’envoie dans l’autre monde. Un grognement profond monta de la gorge du loup déguisé en homme. — Tu n’as pas cette puissance, sorcière brisée. — Tu veux essayer ? Un éclair jaillit du pendentif. Un halo d’argent, brûlant, s’élança vers Ezral qui recula en rugissant, la peau fendue là où la lumière l’avait frappé. La brume tourbillonna, et aussitôt, d’autres silhouettes surgirent entre les arbres. Une demi-douzaine de loups, tous massifs, le poil hérissé, les babines retroussées. Alma sentit son corps se raidir, chaque muscle tendu. Son sang appelait. Une part d’elle voulait hurler avec eux. Mais la voix de Liora la ramena à la réalité. — Cours, Alma. Cours jusqu’à la vieille chapelle. Là-bas, tu trouveras le cercle. Entre dans la crypte. Et surtout… ne regarde pas derrière toi. Alma hocha la tête. Elle n’avait jamais couru si vite. Les branches lui fouettaient le visage, la brume l’enveloppait comme une cape glacée. Elle entendait les hurlements derrière elle, des bruits de lutte, des cris humains et bestiaux. Elle ne se retourna pas. Le sol était boueux. Glissant. Elle trébucha deux fois, se releva, haletante. Ses poumons brûlaient, mais elle vit enfin la silhouette de la chapelle, noyée dans la brume, ses murs de pierre fissurés, ses vitraux brisés. La porte était entrouverte. Elle la poussa. Le silence à l’intérieur était total. Comme si le monde retenait son souffle. Des chandelles allumées — comment, par qui ? — brillaient dans les coins. Des symboles runiques étaient gravés sur le sol. Et au centre, une trappe de pierre. Elle la souleva. Un escalier descendait, taillé à même la roche. Alma inspira. Puis elle descendit. La crypte était circulaire. Une odeur d’herbes sèches, de cire fondue, et de sang ancien flottait dans l’air. Sur les murs, des fresques effacées montraient des femmes-louves, des arbres en feu, une lune double. Et au centre, un autel. Sur cet autel, un miroir noir. Et devant le miroir, sa grand-mère. Iseult. Ou plutôt… son reflet. Alma s’approcha. Le miroir vibra. Et la voix d’Iseult résonna dans la crypte. — Alma, ma fille. Je t’ai caché tant de choses. Par peur. Par amour. Par devoir. Si tu es ici, c’est que les hurlements ont commencé. Alors écoute-moi une dernière fois. Le miroir s’embrasa d’une lumière pâle. Des images se succédèrent — Iseult jeune, Daël, la naissance d’Alma. Et puis la trahison. Ezral, la meute, le cercle brisé. — Le monde des humains et celui des loups ne peuvent plus coexister dans le secret. La Lune est mordue. Et toi, Alma, tu es la clé. Tu peux refermer la plaie. Ou l’ouvrir davantage. Un silence. Puis : — Pour cela, il te faudra affronter la Bête en toi. Un craquement derrière elle. Alma se retourna. Karn. Essoufflé. Blessé. Du sang sur le front. — Ils arrivent. Ezral a vaincu ta tante. Il est sur tes traces. Il s’approcha, doucement, comme on approche une biche apeurée. — Mais il ne sait pas tout. Il ne sait pas que tu peux te changer sans Lune. Que tu contrôles la bête. Il posa une main sur son cœur. — Je te l’ai dit. Tu n’es pas seule. Alma ferma les yeux. Dans son esprit, un loup. Puis un feu. Puis une voix. Hurle, lui dit-elle. Hurle avec moi. Et Alma… hurla. Le cri monta du plus profond d’elle. Un cri de naissance. De douleur. De renaissance. Sa peau brûla, ses os se tordirent. Elle hurla encore. Mais elle ne perdit pas conscience. Quand elle rouvrit les yeux, elle n’était plus la même. Ni tout à fait humaine. Ni tout à fait louve. Elle était entre deux mondes.Chapitre 24 : Les griffes de la douleurLa clairière de la cascade de Palmarès était un chaos de hurlements, de flammes argentées et d’ombres mouvantes. L’autel, ranimé par les incantations de Lysa, pulsait d’une lueur rouge sang, son énergie alimentant les créatures d’ombre qui harcelaient la Meute de l’Ombre. Les chasseurs de l’Ordre de l’Aube d’Argent, armés de leurs lances d’argent noir et de flèches d’Argent Ardent, resserraient leur étau, leurs tactiques alchimiques semant la désolation. Lena, le médaillon brûlant contre sa poitrine, sentait le lien de la meute vaciller sous le poids des blessures et de la peur. Chaque hurlement de douleur, chaque cri de rage, résonnait en elle comme une blessure physique.Rune, à ses côtés, saignait d’une entaille au flanc, son pelage noir taché de rouge. Sigrid, une flèche d’Argent Ardent fichée dans l’épaule, grognait en maintenant sa position. Théo, le visage crispé par la douleur de sa jambe brûlée, protégeait Mara, dont les runes protectri
Chapitre 23 : Le feu de l’AubeLa clairière de la cascade de Palmarès, baignée par la lumière argentée de la pleine lune, était devenue un champ de bataille chaotique. Les créatures d’ombre, mi-loups, mi-spectres, surgies du sanctuaire éveillé, rôdaient aux abords, leurs yeux rougeoyants scintillant dans la brume. Lena, le médaillon pulsant contre sa poitrine, se tenait au centre de la Meute de l’Ombre, le lien vibrant comme un battement de cœur collectif. Rune, à ses côtés, grognait, ses griffes prêtes à frapper. Mais les chasseurs de l’Ordre de l’Aube d’Argent, loin de battre en retraite, se réorganisaient avec une discipline glaçante, leurs armes d’argent noir luisant d’une lueur mortelle. Lysa, près de l’autel brisé, psalmodiait à nouveau, son collier scintillant comme pour rallumer les runes éteintes. L’Ombre d’Argent, sa capuche relevée sur ses cicatrices pulsantes, brandissait une dague rituelle, ses murmures invoquant une énergie sinistre.« Ils préparent quelque chose », murm
Chapitre 22 : Les griffes de la meute La clairière autour de la cascade de Palmarès vibrait d’une énergie ancienne, comme si la forêt elle-même retenait son souffle. Les runes brisées de l’autel fumaient encore, leur lueur rougeâtre éteinte, mais un grondement sourd montait des profondeurs, écho de l’éveil du sanctuaire. Lena, le médaillon brûlant contre sa poitrine, se tenait au centre de la tempête, ses yeux verts scintillant d’une lueur lupine. Autour d’elle, la Meute de l’Ombre se regroupait, leurs silhouettes baignées par la lumière argentée de la pleine lune. Les chasseurs de l’Ordre de l’Aube d’Argent, momentanément désorientés par l’extinction des runes, reformaient leurs rangs, leurs armes d’argent noir luisant d’une menace mortelle. Lysa, adossée à l’autel, serrait son collier, son regard oscillant entre fureur et panique. À ses côtés, l’Ombre d’Argent, sa capuche retombée, révélait un visage marqué par des cicatrices argentées qui semblaient pulser comme des veines vivant
Chapitre 21 : Le choc des ombresLa forêt de Palmarès, dense et gorgée de brume, semblait retenir son souffle alors que la Meute de l’Ombre approchait de la cascade. Le rugissement de l’eau, tombant en cascade depuis les falaises moussues, masquait à peine les battements précipités du cœur de Lena. Le médaillon pulsait contre sa poitrine, comme s’il sentait l’imminence du danger. Rune avançait à ses côtés, ses griffes à demi sorties, son regard argenté scrutant les ombres mouvantes entre les arbres. Derrière eux, la meute se déployait en éventail : Sigrid, lances en main, ses cicatrices semblant briller d’une rage contenue ; Théo, sa présence rassurante à la droite de Lena ; Mara, murmurant des incantations pour renforcer les runes protectrices ; Finn, alerte, ses yeux scrutant les hauteurs ; et Kael, grondant doucement, prêt à bondir.Lena leva une main, arrêtant la meute à l’orée d’une clairière où la cascade déversait son éclat argenté dans un bassin scintillant. L’autel de pierre,
Chapitre 20 : Les ombres du passéL’aube peignait la clairière d’une lumière pâle, mais l’ombre de la pleine lune, imminente, semblait encore planer sur la Meute de l’Ombre. Lena se tenait près de l’arche de pierre, le médaillon brûlant contre sa poitrine, son esprit agité par la vision de l’autel des chasseurs et de la femme mystérieuse au collier, si semblable à celui de sa mère. La meute s’affairait autour d’elle, affûtant des lances, gravant des runes protectrices et appliquant les baumes de Mara contre l’Argent Noir. Rune, l’alpha, supervisait les préparatifs, son regard argenté scrutant l’horizon où les chasseurs se rassemblaient. Pourtant, malgré l’unité de la meute, Lena sentait un secret peser dans l’air, une vérité cachée dans les silences de Rune et les regards furtifs des autres.Théo, à ses côtés, vérifiait une pile de lances gravées, son visage marqué par la fatigue mais éclairé par une détermination farouche. « On est presque prêts, Lena », dit-il, sa voix basse. « Mais
Chapitre 19 : Sous l’éclat de la luneLa clairière, encore marquée par les traces de la dernière bataille, semblait vibrer d’une énergie nouvelle. La lune, à quelques heures de sa plénitude, baignait l’arche de pierre d’une lumière argentée, amplifiant la puissance des runes gravées dans la pierre. Lena se tenait au centre de la Meute de l’Ombre, le médaillon pulsant contre sa poitrine, son corps enfin libéré des dernières traces du poison de l’Argent Noir grâce aux herbes de Sigrid. La meute, Rune, Sigrid, Finn, Mara, Kael, Théo, et les autres loups-garous, l’entourait, leurs yeux luisant d’une détermination farouche. Les chasseurs, menés par Elias et l’Ombre d’Argent, frapperaient à la pleine lune, et Lena savait que cette bataille serait décisive. La Meute de l’Ombre devait être prête.Rune, l’alpha, s’avança, sa silhouette massive projetant une ombre imposante. « L’Ordre de l’Aube d’Argent veut ton sang, Lena, pour leur rituel. Ils viendront en force, avec des armes forgées dans l