La vraie fête venait de commencer. Ce n'était plus un anniversaire à demi-mot, réservé à quelques intimes autour d'un gâteau. C'était devenu une célébration en grand, à la manière de chez nous, pleine de couleurs, de danses, de cris de joie, de musique entraînante et de parfums épicés.La cour de la maison maternelle se transforma peu à peu en un espace festif complet. Les lampions suspendus aux branches des arbres s’allumaient un à un, projetant des lueurs tamisées et multicolores sur les visages des invités. Une tente avait été dressée, couverte de tissus à motifs traditionnels et de guirlandes lumineuses. Le balafon résonnait en harmonie avec les tambours ; la flûte poussait des notes douces qui semblaient danser au rythme des pas.Des dames en tenues traditionnelles virevoltaient, des verres en main, riant aux éclats, tandis que les hommes formaient déjà des petits groupes autour des bouteilles de vin de palme, de bière blonde et d’autres breuvages plus nobles. Ma mère, Valentine,
Nous étions toujours là, à l'honneur, savourant ce moment. Christelle, un moment, tourna légèrement la tête vers moi, une expression curieuse, presque délicate, sur le visage.— Dis, Fred… je peux te poser une question ?Je hochai doucement la tête, l’encourageant.— Je me demandais… Il n’y a aucun de tes amis ici ? Enfin, je veux dire… des amis proches, des collègues peut-être ?Je marquai un temps de silence. Sa question m’avait surpris, mais pas blessé. Elle avait observé avec attention. C’était une remarque juste, une question profonde, et je l’appréciais pour cela.Je pris une inspiration, posai mon regard droit dans le sien.— Tu as raison de demander. Il n’y a aucun ami ici… parce qu’en réalité, je n’ai pas vraiment d’amis proches.Elle me regarda, attentive.— Comment ça ?— J’ai grandi dans un monde… un peu isolé. Ma mère ne m’a jamais appris à m’ouvrir aux autres. À l’école, c’était juste les cours, et puis la voiture venait me chercher. On ne jouait pas dans la cour. Je n’é
Pendant que nous nous dirigions vers le canapé en rotin, placé non loin du manguier dans la cour, je sentais mes pas devenir plus lourds. Pourtant, mon corps semblait glisser tout seul, guidé par une force invisible entre l’excitation et le doute. Mon cœur battait, mais pas comme tous les autres jours. C’était un battement en deux temps : une pulsation d’espoir et une résonance de peur.Christelle marchait à côté de moi, silencieuse, mais pas fermée. Elle semblait lire le moment avec ses sens, attentive à ce qui allait se passer. Chaque pas résonnait dans mon esprit comme une promesse que je n’étais pas encore sûr de pouvoir tenir.Nous nous assîmes côte à côte, une distance raisonnable entre nous, mais pas glaciale. Elle croisa ses jambes, moi je regardai un instant mes chaussures, puis le ciel, puis je laissai mon regard errer vers la porte du salon restée entrouverte.Je n’avais pas besoin d’être à l’intérieur pour entendre ce que je croyais qu’elles disaient. Dans ma tête, les voi
Je repris place à la table, mon cœur battant légèrement plus fort qu'à l'accoutumée. Christelle avait baissé les yeux sur son assiette, puis jeté un rapide coup d'œil en coin lorsque je m'étais assis. Le silence entre nous était désormais plus pesant qu’agréable, et pourtant, il y avait dans cet instant suspendu quelque chose d’intime, quelque chose de fragile.Je sentais les regards autour de nous, ceux des tantes, des amis de la famille, de Gisèle sans doute, et bien sûr, de ma mère. Chacun semblait scruter le moindre geste, la plus petite interaction, comme s'ils attendaient un signe, une confirmation, un aveu.Je n’aimais pas cette impression d’être observé, encore moins celle d’être mis en scène, mais il fallait bien briser la glace. Ne serait-ce que pour reprendre le contrôle.Je toussotai doucement, comme pour me donner du courage, puis me penchai légèrement vers elle, assez pour qu’elle m’entende malgré le fond musical et les bavardages.— Tu... tu savais que tu allais être "l
Sur la grande table généreusement garnie, Christelle, avec une discrétion et une grâce naturelles, se servit en premier. Elle choisit quelques mets avec une délicatesse qui la rendait presque irréelle : une portion modeste de riz parfumé, un morceau de poulet bien doré, quelques tranches de plantains et une cuillerée de légumes sautés.Chaque geste était mesuré, réfléchi, presque pudique.Je suivis son exemple, m'efforçant de ne pas trop remplir mon assiette. L’appétit, pour tout dire, m’avait quitté depuis un moment, chassé par une excitation nerveuse et douce qui me tenait le ventre serré. Nous reprîmes ensemble le chemin de notre table d'honneur, cette table légèrement surélevée, qui dominait la terrasse comme un trône d'apparat.Deux chaises avaient été installées côte à côte, recouvertes de tissus satinés, comme pour mieux nous mettre en valeur aux yeux de tous. Nous nous assîmes avec lenteur, en silence, presque à l’unisson, comme si un fil invisible nous liait déjà.Un léger "B
Alors que je continuais à découper et distribuer les parts du gâteau avec un sourire étiré jusqu’aux oreilles, ma mère, dans son éternelle discrétion teintée de stratégie, revint doucement vers moi. À son bras, marchant avec une grâce presque chorégraphique, se tenait une jeune femme que je n’avais pas encore aperçue jusque-là.Elle était d'une beauté saisissante, mais d'une beauté sans excès, une beauté naturelle qui ne demandait ni fard, ni parure pour se révéler. Son visage, encore empreint de la fraîcheur de ses vingt ans, rayonnait d'une candeur presque enfantine, mais ses gestes, eux, trahissaient une élégance mûrie, réfléchie.Elle avançait avec souplesse, les épaules droites, le port altier, la démarche assurée sans être arrogante, comme une princesse qui se serait égarée dans une fête de village. Ses cheveux, coiffés avec un soin délicat, retombaient en de longues mèches soyeuses, et ses yeux, d'un brun profond, capturaient la lumière comme des perles rares. Elle portait une