AlejandroLa pluie tambourine contre les vitres, régulière, presque apaisante.Elle dort. Enfin.Recroquevillée sur le canapé, ses cheveux en bataille, sa respiration irrégulière.Et moi, je reste là. Assis en face d’elle. Immobile.La boîte est toujours sur la table, posée comme une bombe. Fermée. Silencieuse.Je n’ai pas bougé depuis qu’elle s’est endormie.Je n’ose pas.Derrière moi, la maison vit. Ou plutôt, elle respire à travers les autres. Les hommes postés dans le couloir, armés, discrets mais bien présents. Je les ai fait venir après l'incident.Pas parce qu’elle est en danger.Mais parce qu’elle l’est.Pour elle-même. Pour moi.Je leur ai dit de ne pas la lâcher.Pas une seconde.Elle est libre, oui.Mais dans une cage que j’ai forgée de mes propres mains.Je l’ai enfermée dans mes bras, dans mes mots, dans ma peur de la perdre.Et je ne sais plus comment la libérer sans qu’elle s’échappe pour toujours.Je me lève doucement. Je vais jusqu’à la baie vitrée.Le domaine s’étend
LenaJe marche vite.Trop vite.Comme si fuir à pied pouvait effacer ce qu’il m’a dit.Ce qu’il m’a fait.Ce qu’il veut.Les couloirs de la demeure sont longs. Trop longs.Ils résonnent de mes pas précipités.J’ignore les regards des gardes.Ils ne me parlent pas.Mais ils me suivent.Toujours deux, à bonne distance.Pas pour me protéger.Pour m’empêcher de disparaître.Je traverse le hall.Je passe la grille de fer.Il ne fait même pas mine de m’arrêter.Il sait que je reviens. Il sait que je ne vais jamais bien loin.Il a mis les murs autour de moi. Et maintenant, c’est en moi qu’il s’est enfermé.La pluie me cueille dès la première seconde dehors.Froide. Cinglante.Mais je m’en fous.Je veux sortir de sa peau.De sa voix.De sa tête.De ce piège qu’il appelle amour.Le garde me rattrape.Un mot dans l’oreillette. Il ne me touche pas. Mais il est là.Toujours à quelques pas.Il ne dit rien. Il n’a pas besoin.Je presse le pas.Le trottoir est loin.Ici, tout est isolé.On ne vit pa
AlejandroElle marche dans l’appartement comme un souffle contrarié.Ses gestes sont vifs, presque brusques.Sa nuque est tendue, ses épaules figées.Elle évite mon regard comme on évite le feu.Mais je la connais.Et je sais ce qu’elle pense.Ce qu’elle redoute.Elle a dormi contre moi.Elle s’est réveillée nue, la peau encore collée à la mienne.Et maintenant, elle se rhabille à la hâte comme si mon corps lui collait à l’âme.Elle cherche son sac.Ses doigts tremblent à peine, mais je le vois.Elle remet son jean sans le fermer. Enfile un pull trop large.Et ses cheveux tombent devant son visage comme un rempart.Je me lève, lentement.Nu, sans honte, sans gêne.Elle m’aperçoit du coin de l’œil et fait un pas en arrière, presque imperceptible.Comme si ma peau était toxique. Comme si mes yeux la brûlaient.— Je t’emmène.Ma voix est calme. Trop calme.— Non. Je peux y aller seule.Elle répond vite. Trop vite.Elle croit que je vais l’enfermer. Que je vais l’empêcher.Elle a peur.Je
AlejandroElle est là.Debout, nue, face au miroir.Et moi derrière.Je ne touche pas. Pas encore.Je regarde.Je grave.Son dos fragile. Ses épaules raides.Ses jambes tremblantes.Son silence.Elle croit que je ne vois pas.Mais je sens tout.La colère. La honte. Le désir. Le vide.Je les ai laissés là, comme une traînée de poudre dans son ventre.Et je sais ce que je fais.Je sais ce que je suis.Je suis ce poison qu’elle ne veut pas recracher.Ce feu qu’elle serre contre sa poitrine.Je suis la faille. L’implosion. Le gouffre.Et je l’aime comme ça.Brisée. Belle. Incandescente.Je l’observe se débattre contre elle-même.Je l’observe se haïr de me vouloir encore.Et ça m’excite plus que tout.Pas parce que c’est malsain.Parce que c’est réel.Pur. Cru. Absolu.Elle ne ment pas. Pas dans son regard. Pas dans la façon dont ses doigts se contractent quand j’approche.Elle ne peut pas tricher avec moi.Elle est nue… jusqu’à l’os.Et moi, je suis là, à me battre contre ce que je ressen
Alejandro Je veux m’imprimer en elle. Qu’elle ne puisse plus penser sans m’entendre. Qu’elle me cherche même dans ses cauchemars.Et je sais qu’elle y est déjà.Je le vois dans ses tremblements.Je me penche. L’embrasse sur le front.Et je chuchote à son oreille :— Tu es à moi, Léna. Que tu le veuilles ou non. Que tu t’en défendes ou pas. Tu es à moi, comme je suis à toi. Et maintenant… c’est trop tard.Je quitte la pièce.Mais pas pour fuir.Pour préparer la suite.Parce que l’amour n’est pas la fin.Ce n’est que le début du ravage.LénaJe ne sais plus si je dors.Je flotte.Quelque part entre le souvenir de ses mains et l’ombre de ses yeux.Un endroit trouble, collant.Comme un cauchemar dont je ne parviens pas à me réveiller…Ou un rêve trop vrai pour ne pas laisser de cicatrice.Il n’est plus là. Mais tout en moi hurle sa présence.Il me manque comme une drogue.Et je le hais pour ça.Mon ventre se contracte encore.Mes cuisses sont douloureuses, tendues comme si elles attendai
Alejandro Les mots sont inutiles. Les mots trahissent. Moi, je suis fait de regards, de souffles, de morsures. Je parle avec le corps. Le sien. Le mien. La violence douce des silences.Je la touche.Elle gémit.Pas de douleur. Pas de plaisir. Un mélange des deux.Elle ouvre les yeux. Très lentement. Ils brillent. D’un éclat étrange. Comme si elle était à la frontière du rêve. Ou de la folie.— Tu es encore là…, murmure-t-elle.Elle ne pose pas de question. Elle constate. Et ce constat la trouble plus qu’il ne la rassure.Je l’effraie. Je le sais.Mais elle ne me repousse pas.Je caresse l’arête de son bras. La courbe de sa hanche. Le sillon de sa colonne. Chaque parcelle d’elle m’appelle. Je suis affamé. Encore. Toujours. D’elle. De cette tension entre ses lèvres. De cette lutte dans sa nuque. De cette fatigue dans son regard, quand elle se rend compte que je suis toujours là.Je ne suis pas une étreinte. Je suis un poids.Et elle… elle commence à aimer ce poids.Elle bouge. Son corp
Alejandro Ce souffle court, ce dos nu taché de morsures, ces cuisses repliées comme pour protéger ce que j’ai conquis… Elle tente de se cacher sous les draps froissés, mais même le tissu semble la trahir. Il ne couvre rien. Il souligne. Il expose.Elle croit encore que je ne vois pas.Mais je vois tout.Je me redresse, nu, lentement. Le froid me saisit à peine. Il ne m’atteint plus. Pas depuis elle. Depuis cette nuit. Depuis la première. Depuis qu’elle a hurlé sous moi en m’insultant entre ses dents serrées, et que je l’ai laissée croire qu’elle gardait le contrôle. Alors qu’en réalité, tout ce qu’elle faisait, c’était tomber.Et moi… je l’attendais en bas.Mes pieds nus effleurent le sol glacé. Le parquet gémit sous mon poids. Je traverse la pièce sans un bruit. Chaque pas est un acte. Une décision. Une manière de ne pas rompre le fil tendu entre nous. Ce fil qu’elle refuse de nommer, mais qu’elle sent dans chaque frisson.Je passe devant le miroir. Il me renvoie une image que je ne
Léna MorelJe me réveille en sursaut.Ma gorge est sèche. Ma peau colle aux draps. L’air pèse. Lourd. Saturé.Je suffoque.L’odeur d’Alejandro est partout. Accrochée à mes cheveux. Mes doigts. Mes hanches.Même l’intérieur de mes cuisses en garde la trace.Je la ressens jusque dans mes rêves.Ou mes cauchemars.Je ne fais plus la différence.Il est là. À côté.Allongé. Nu.Torse découvert. La respiration lente. Le bras replié sous sa tête comme s’il dormait vraiment.Comme s’il avait trouvé le repos, lui.Alors que moi, je me suis perdue.Je me redresse, lentement, les reins douloureux, les jambes lourdes d’avoir cédé.Mon corps est un champ de ruines.Et lui ?Il est intact.Pas un mot. Pas un mouvement.Comme s’il n’avait rien fait.Comme s’il n’avait pas recommencé à m’arracher à moi-même.Comme si je n’avais pas hurlé, mordu, gémi, perdu tout ce qui me restait de contrôle.Comme si ce n’était rien pour lui. Une nuit de plus. Une conquête.Je le déteste.Je me lève. Pieds nus sur l
Léna MorelL’air est chargé, lourd de ce que nous venons de faire, de ce que nous n’avons pas dit.Alejandro est toujours là, sa présence accablante, oppressante. Il ne s’éloigne jamais après. Il reste, me laissant engluée dans l’écho de ce que nous sommes en train de devenir.Mon corps est épuisé, mais mon esprit est en ébullition. Je veux lui dire de partir, je veux lui crier de me laisser tranquille, mais la vérité s’étale sous mes yeux, nue et indiscutable. Je ne le veux pas loin.Je le veux contre moi.Et c’est bien ça le pire.Il me scrute du coin de l’œil, son regard sombre et perçant glissant sur ma peau encore marquée par ses mains. Une lueur de satisfaction danse au fond de ses iris, et je me crispe.Il adore ça.Il aime me voir me débattre avec mes contradictions. Il aime me pousser à bout jusqu’à ce que je cède, encore et encore, jusqu’à ce que je n’aie plus rien d’autre que lui.Un silence tendu s’étire entre nous.Puis il bouge.D’un geste lent, il effleure ma hanche du