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Chapitre 7 — Les regards qui brûlent

Author: Khadi
last update Last Updated: 2025-11-25 23:40:10

Le couloir paraît soudain plus étroit en quittant le bureau du PDG.

L’air semble se comprimer autour de moi, comme si ce qu’il vient de se passer ne voulait pas me laisser filer.

Je marche vite, presque trop.

Si quelqu’un me croise en cet instant, il verrait une fille qui tient debout uniquement parce que ses jambes ont décidé d’avancer toutes seules.

Mon cœur, lui, s’est décroché depuis longtemps.

“Beau travail. Continuez comme ça.”

Sa voix trotte encore dans ma tête.

Personne ne m’a jamais dit ça avec ce poids-là.

Avec cette chaleur froide capable de caresser et de couper en même temps.

Je regagne mon petit bureau, ce cube de verre coincé entre les services qu’on oublie toujours.

Dès que je m’assois, mes mains tremblent légèrement.

Pas de peur.

Juste… l’effet Noah Ewane.

Et je déteste ça.

Car je sais que ce genre d’effet n’a rien à faire dans l’histoire que j’essaie de me construire.

La matinée défile sans respiration.

Mails, dossiers, tableaux, corrections, rapports.

La routine reprenait ses droits, comme si la veille n’avait été qu’une parenthèse lumineuse qu’on referme trop vite.

Pourtant…

Quelque chose a changé.

Les gens du service me saluent.

Les collègues que je ne voyais jamais me sourient.

Certains me lancent un “bravo pour hier”.

Je réponds avec des gestes timides, encore surprise d’exister à leurs yeux.

Mais malgré les félicitations, je sens les regards analyser mes moindres mouvements.

Curiosité, admiration, jalousie.

Un cocktail dont je me serais bien passée.

Vers midi, Sandra s’approche de mon bureau.

Son pas est rapide, ses ongles claquent sur la paroi.

Elle me fixe avec des yeux où se mêlent agacement et… quelque chose que je n’arrive pas à nommer.

— On doit revoir la stratégie entreprise après ton intervention d’hier, m’annonce-t-elle sèchement. Le PDG veut une synthèse avant vendredi.

— Vendredi ? Mais… c’est dans deux jours.

— Je sais. Et tu ferais mieux de ne pas bafouer la confiance qu’il t’accorde. Ça ne durera pas éternellement.

Elle tourne les talons sans attendre ma réponse.

Je reste figée un instant.

La confiance qu’il m’accorde.

Ce mot “confiance” sonne presque trop grand pour moi.

Mais la pique qui vient derrière…

Ça, c’est bien Sandra.

Elle connaît Noah depuis plus longtemps que moi.

Elle sait lire ses humeurs.

Elle sait quand il s’intéresse à quelque chose… ou à quelqu’un.

Et ça ne lui plaît pas.

À treize heures, je déjeune seule à la cafétéria.

J’aurais pu rejoindre les autres, mais j’avais besoin de silence.

Le bruit des couverts, les conversations rapides, l’odeur des plats réchauffés…

Tout ça m’apaise étrangement.

Je me laisse tomber sur une chaise quand mon téléphone vibre.

“Maman” s’affiche.

Je décroche aussitôt.

— Nadège ? Ta pause va finir bientôt ?

— Oui, maman, je mange rapidement.

— Je voulais juste te dire que j’ai parlé au propriétaire. Il accepte qu’on paie le loyer samedi.

Une vague de soulagement me traverse.

— D’accord, merci de me le dire.

— Et… tu as réussi hier soir ?

Un sourire me monte aux lèvres sans que je le contrôle.

— Oui. Enfin… je crois. Ça s’est bien passé.

— J’en étais sûre, ma fille. Tu as cette lumière que les autres n’ont pas.

Je me raidis.

Sa phrase ressemble à un écho lointain de ce que Noah m’a dit ce matin.

La lumière attire les regards.

— On se parle ce soir, d’accord ?

— D’accord maman. Repose-toi un peu.

Je raccroche et reste quelques minutes immobile.

Ma mère ne le sait pas, mais chaque fois qu’elle me dit qu’elle croit en moi, ça m’ajoute une pression douce et lourde à la fois.

Parce que je n’ai pas le droit d’échouer. Je le fais pour elle. Pour nous.

Je retourne au bureau. Nouvelle rafale de tâches. Nouveaux dossiers à reprendre.

Mais vers seize heures, une présence me traverse le dos.

Une ombre familière. Je relève les yeux. Et Noah est là. Pas dans l’encadrement. Pas dans le couloir. Juste un peu derrière moi, comme s’il cherchait à me surprendre… sans vraiment y arriver.

Son costume sombre absorbe la lumière du néon. Ses mains sont croisées derrière son dos. Son regard coule sur l’écran, puis sur moi.

— Je vois que vous n’avez pas perdu de temps, dit-il calmement.

Je déglutis.

— J’ai commencé la synthèse que vous demandez pour vendredi.

— Bien.

Il ne se déplace pas, ne prend pas de distance.

Il reste juste là, trop près, trop dans ma bulle, trop… lui.

— Vous… aviez besoin de quelque chose, monsieur ? demandé-je timidement.

Un léger silence s’installe.

Pas froid.

Pas menaçant.

Juste suspendu.

— J’évalue, répond-il simplement.

Je fronce les sourcils.

— Évaluer… quoi ?

Ses yeux plongent dans les miens.

Ils ont cette intensité qui vous fouille, qui déshabille vos certitudes, qui ébranle votre calme.

— Jusqu’où vous pouvez aller.

Mon souffle s’arrête.

— Pardon ?

— Votre potentiel, Nadège.

Il parle comme s’il énonçait une réalité mathématique.

Comme si le doute n’avait jamais existé pour lui.

— Beaucoup pensent que votre succès d’hier n’est qu’un hasard. Moi, je pense l’inverse.

Je n’arrive pas à détourner les yeux.

— Mais je ne vous ménagerai pas, reprend-il. Si vous échouez, je serai le premier à vous le dire.

— Je n’attends pas qu’on me ménage, dis-je sans réfléchir.

Un éclat brille dans son regard. Pas un sourire.Pas une approbation. Mais Un intérêt,brut,Net, glacial et brûlant à la fois.

— Vous pouvez continuer, dit-il enfin en se reculant d’un pas. Je vous laisse travailler.

Il tourne les talons.

Mais juste avant de franchir le couloir, il ajoute, sans se retourner :

— Et Nadège… n’oubliez pas que dans cette entreprise, la lumière attire autant qu’elle dérange.

La porte se referme doucement.

Mon cœur, lui, cogne comme s’il cherchait à s’échapper.

La fin d’après-midi se traîne.

Je travaille avec acharnement, presque pour fuir l’effet qu’il me fait. Tout ce qu’il touche devient tension. Tout ce qu’il dit reste en suspens.

À dix-huit heures passées, je range enfin mes affaires. Je suis épuisée.

Mais une chose est certaine : cette journée marque un tournant.

Je ferme mon ordinateur, attrape mon sac et jette un dernier regard au bureau vide.

Pour la première fois, je réalise que je ne suis plus invisible ici. Et que Noah Ewane le sait. Ce qui est à la fois la meilleure, et la pire, des choses.

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