LOGINLa semaine m’a lessivée. Je traîne ma carcasse depuis lundi, entre les réunions imprévues, les corrections de dernière minute et les regards assassins de certains collègues jaloux depuis la soirée des investisseurs. On dirait que briller dérange toujours quelqu’un.
Ce samedi, je comptais simplement dormir, manger du riz sauté et regarder des vidéos sans réfléchir. Mais Joyce, fidèle à elle-même, vient briser mon programme. Elle m’a appelée au moins six fois. « Nadège, viens on sort ! Tu vas exploser si tu continues à vivre comme une grand-mère. » J’ai refusé… puis elle a insisté… et, au bout d’un moment, mon corps a décidé pour moi. J’avais besoin d’air, d’un espace où personne ne me parle de dossiers urgents. Il est presque 23h quand elle passe me prendre. Le bar est déjà plein quand on arrive. La musique cogne contre les murs, les lumières colorées balayent la salle, et l’odeur du whisky se mêle à celle de la transpiration. Ce n’est pas vraiment mon univers, mais je fais avec. Joyce est déjà dans l’ambiance, souriante, scintillante, prête à danser. Moi… j’essaie seulement de débrancher mon cerveau. On s’assied à une table près du comptoir. La soirée se déroule sans incident, jusqu’à ce qu’un groupe d’hommes entre, trop bruyants, trop sûrs d’eux. Je n’y prête pas attention au début. Ce genre de personnes, on en croise partout à Yaoundé. Je réalise trop tard que l’un d’eux m’observe depuis un moment. Je me lève pour aller aux toilettes, et il m’intercepte sur le chemin. — Hé, beauté, tu viens seule ? Je continue d’avancer, polie. — Je rejoins quelqu’un. Pardon. Il agrippe mon bras. Son odeur d’alcool me percute. — Laisse-moi te parler. Je tire mon bras, mais il serre plus fort. Une peur glaciale grimpe dans ma poitrine. Je déteste ce genre de situation. Les regards autour de nous s’attardent deux secondes puis se détournent. Personne n’intervient. Je suis seule face à cet homme malveillant. Je tente une voix calme : — Monsieur, lâchez-moi. Il éclate de rire. — Tu te prends pour qui ? Il me plaque presque contre le mur, et je sens mon cœur taper contre mes côtes. Je vois Joyce au loin, qui essaie de se frayer un chemin vers moi. Trop tard. La bêtise de cet homme prend de l’ampleur quand il soulève mes cheveux pour regarder mon cou, comme si j’étais un produit sur une étagère. J’ai un mouvement de recul. Il insiste. Et là, un geste brusque. Je panique. Puis tout bascule. La main qui me retenait disparaît d'un coup. Le corps de l’homme recule brutalement. Quelqu’un vient de l’attraper par le col et de le projeter contre la table voisine. Je cligne des yeux, sonnée. L’homme qui vient d’intervenir n’aurait jamais dû se trouver ici. Pas dans ce lieu. Dans cette ambiance qui est l'opposé de sa personnalité, un samedi soir. Mais il est là! Implacable comme toujours. Noah Ewane, vêtu d'un costume sombre. Regard dur. Mâchoire serrée. Dans cette lumière rougeâtre, il ressemble à une tempête prête à ravager tout ce qui se trouve sur son chemin. — Tu la touches encore et je t’arrache les mains, lâche-t-il au type, la voix basse mais tranchante. L’homme tente de se relever, prêt à répondre, mais Warren, le cousin de Noah que j’avais déjà aperçu lors de la soirée, intervient cette fois. Il le maintient au sol, efficace, brutal mais contrôlé. On dirait qu’ils ont fait ça toute leur vie. Le silence autour de nous devient étrange, comme un souffle suspendu. Je tremble. Noah se tourne vers moi. Son regard glisse sur mon bras rougi, puis sur mon visage. Il me dévisage sans un mot, mais je sens chaque question brûler dans son esprit. — Vous n’avez rien ? Sa voix est trop calme. C’est le calme dangereux, celui qui précède un orage. — Non… enfin… je crois pas. secouant ma tête Il inspire profondément, lutte contre quelque chose que je ne comprends pas. On dirait qu’il se retient de retourner frapper l’homme. La sécurité arrive enfin et embarque le trouble-fête. L’ambiance du bar recommence à tourner, mais pour moi, tout s’est figé. Je fixe Noah, incapable de digérer ce qui vient de se passer. Qu’est-ce qu’il faisait ici ? Pourquoi lui ? Et pourquoi, bon sang, son regard me fait cet effet-là ? Juste avant qu’il ne me pousse vers la sortie pour m’éloigner du chaos, je me souviens de Joyce. — Attendez ! Mon amie… Joyce est encore à l’intérieur. Noah se tourne vers Warren, un signe de tête suffisant. — Va la chercher. Tu la raccompagnes. Warren acquiesce immédiatement, comme s’il n’avait jamais rien fait d’autre de sa vie. Je souffle, soulagée. Noah m’attrape doucement par le poignet. Pas brusquement. Mais fermement, comme si j’allais m’évanouir. — Suivez-moi. Dehors, l’air est plus frais. Je respire enfin. Mes mains tremblent encore. Il se place en face de moi, les bras croisés. Sa chemise légèrement ouverte dévoile un début de stress qu’il ne montre jamais au bureau. Il me détaille comme si j’étais un dossier prioritaire. Ça me déstabilise. — Vous devriez savoir choisir vos endroits, dit-il. Un reproche. Bien sûr. Même après m'avoir sauvée, il trouve un moyen d’être… lui. Je hoche la tête, incapable de répondre. Je suis encore sous le choc. Il soupire, passe une main dans ses cheveux, agacé. — Vous êtes blessée ? — Non. Merci pour… pour tout à l’heure. Il détourne les yeux, comme si ce merci l’agaçait. Ou le touchait trop. Impossible à dire avec ce type. — Ce n’était rien , dit-il. Mensonge évident. On a tous vu l’énergie qu’il a mise dans ce "rien". Un silence. Un long. Le genre qui attire toute la tension du monde entre deux personnes qui ne devraient pas être dans cette situation. — Je vous raccompagne. Ce n’est pas une question. C’est une décision. Et, étrangement, je n’ai aucune envie de protester.— Mr christian...? Mais qu'est ce que vous faites là!?— Fatigué d'attendre votre approbation pour un dîner ? Je me suis permis de venir chez vous.— Nadège tu ne propose pas à notre invité de s'asseoir ?Je fais un signe de main à mr Christian lui indiquant une place à laquelle il pourrait s'asseoir. Je ne pouvais pas imaginer qu'il puisse arriver à cet extrême. Et ma mère qui ne cesse de me regarder de façon bizarre. J'ai envie de trancher direct pour savoir ce qu'il fait là mais comment faire ? Puisque ma mère est là. Je réfléchis puis pour rompre ce silence perfide je lui propose un café, après tout il s'est imposé à nous comme invité.— Voulez vous quelques choses à boire ? Un café par exemple ?— bien-sûr je ne suis pas de refusJe me dirige d'un pas pressé vers la cuisine. Je m'arrange à y faire plus de temps possible. J'entends des éclats de voix au salon.Ma mère et lui sont entrain de se faire la conversation. Le café est enfin prêt, je m'avance puis je le dépose.— votre ca
Je referme la portière derrière elle. je reste un moment pensif dans la voiture, à imaginer ce qu'elle subit en ce moment par ma faute. Je ne klaxonne pas. Je ne fais pas de geste inutile. Je la regarde simplement disparaître à l’intérieur de la maison. Quand la porte se referme, quelque chose se vide en moi. Pas brutalement. Lentement. Comme un souffle qu’on retient trop longtemps et qu’on relâche enfin. Quelques minutes plus tard je lui fais un message, elle me rassure et je peux partir le cœur léger. Le trajet jusqu’à chez moi se fait presque mécaniquement. La ville défile, familière, indifférente. Les mêmes rues, les mêmes feux, les mêmes visages pressés. Rien n’a changé dehors. Et pourtant, tout a changé à l'intérieur de moi. Une fois dans l’appartement, le silence m’accueille. Ce silence-là n’est pas oppressant. Il est dense. Chargé. Je pose mes clés, enlève mes chaussures, défais les boutons de ma chemise avec lenteur. Mon corps e
Je raccroche lentement, le téléphone encore brûlant dans ma main. Le silence qui s’installe dans la chambre est lourd, presque gênant. Ma mère n’a rien ajouté après sa question, mais je connais ce silence-là. C’est celui qui promet une avalanche de questions dès que je passerai la porte.Je lève les yeux vers Noah. Il n’a pas bougé. Il est assis au bord du lit, les coudes appuyés sur ses cuisses, la tête légèrement baissée. Son visage est tiré, ses traits plus durs que tout à l’heure, comme si la réalité venait de le rattraper lui aussi.— Je dois rentrer, dis-je enfin.Ma voix est plus ferme que je ne l’aurais cru. Peut-être parce que, pour une fois, je n’ai pas le choix.Je me dirige vers la salle de bain sans attendre de réponse. Le carrelage est froid sous mes pieds nus. Je referme la porte derrière moi et m’appuie quelques secondes contre le lavabo. Mon reflet me renvoie une image qui me déstabilise : cheveux en bataille, yeux encore gonflés de sommeil, le t-shirt de Noah qui gli
Le jour s'étire avec l'apparition des premiers rayons de soleil qui s’infiltrent à travers les rideaux. Ma tête cogne tellement fort qu'on dirait qu'elle va exploser. L'amertume dans ma bouche et cette odeur d’alcool qui émane de moi me donne presque la nausée. J'ouvre à peine mes yeux, je tapotte le lit et là je me heurte à la réalité qui me tape de plein fouet. Je ne suis pas seul dans le lit. Mais qui est ce ? C'est au moins une fille je l'espère. Elle est recouverte d'y drap de la tête au pieds. Je me décide de lui ôter le drap du visage et là je sursaute avant de bondir hors du lit. Mon cerveau et mes yeux ne parviennent pas à croire en ce que je vois. — Hey!... réveillez vous! Dis-je en serrant les dents le ton d'emblé d'une colère et d'un agacement naissant — Mais maman laisse moi dormir encore un peu stp — Réveillez-vous Mlle Mballa ! Vous êtes chez moi et dans mon lit bon sang! Cette fois, ma voix est assez audible et je la regarde attentivement reprendre conscience. Ell
dans la peau de Noah Le lounge est un tourbillon de lumières et de sons. Les basses résonnent dans ma poitrine, chaque vibration me traverse comme un choc électrique. Je vois flou. Les silhouettes autour de moi dansent et rient, inconscientes, légères. Moi, je reste figé sur ma chaise, un verre à la main, tremblant légèrement. Je bois, encore et encore, comme si le liquide pouvait noyer mes pensées et mes sentiments, mais ça ne fait qu’amplifier le chaos à l’intérieur. Mes mains tiennent le verre, mais mes yeux cherchent autre chose. Quelque chose que je n’ai jamais osé convoquer avant ce soir. Mon téléphone glisse entre mes doigts. Je navigue dans les contacts, je cherche son nom, le souffle court. Mon cœur tambourine comme si chaque seconde d’hésitation allait me brûler. Une… deux… trois secondes. Je retarde, mais l’impulsion devient plus forte que moi. Et enfin, sans réfléchir, je tape son numéro et appuie sur appeler. La sonnerie résonne dans mes oreilles comme un coup de canon
L’ascenseur se referme dans un souffle feutré.Le silence s’abat aussitôt, lourd, presque oppressant. Les parois métalliques renvoient notre reflet déformé. Noah est juste devant moi. Trop proche. Assez pour que je sente la chaleur de son corps, assez pour que chaque respiration devienne une prise de risque.Il relâche lentement sa prise sur mon poignet, comme s’il venait seulement de réaliser ce qu’il faisait. Le geste est discret, maîtrisé, mais je l’ai senti. Ce retrait contrôlé. Cette retenue presque douloureuse.— Reste ici, dit-il sans me regarder.Sa voix est redevenue professionnelle. Calme. Tranchante. Celle du PDG que tout le monde respecte et redoute.Mais je sais. Je sais que c’est une façade.— Noah… murmuré-je, incapable de supporter cette distance soudaine.Il ferme les yeux une fraction de seconde. Juste assez pour que je comprenne qu’il lutte. Contre lui-même. Contre quelque chose de plus fort que la raison.— Nadège, coupe-t-il doucement, mais fermement. Écoute-moi.







