Chapitre 1

Point de vue d'Ariane

Mon mari et patron, Adam, rit à gorge déployée en écoutant chaque blague de son premier amour, tandis que je les observe à travers la porte en verre qui sépare nos bureaux. Cela fait sept ans que je me dévoue entièrement à lui, préparant comme d'habitude les documents qu'il doit signer, organisant ses réunions du jour. Cependant, depuis l'arrivée de Sophie, je ne parviens plus à travailler en paix.

À chaque rire d'Adam, une douleur aiguë me serre la poitrine. À l'idée qu'il n'a jamais ri de cette manière devant moi, les larmes me montent aux yeux. Je fixe la silhouette élancée de Sophie, ses cheveux noirs et épais qui, même lorsqu'elle incline la tête en riant, rebondissent immédiatement à leur place, et sa posture pleine de grâce. Sophie incarne l'élégance féminine à la perfection, chaque trait de son visage montre pourquoi, même après l'avoir quittée des années auparavant, Adam ne l'a jamais oubliée - même après notre mariage.

Les stores à lamelles sombres du bureau d'Adam sont soudainement tirés, bloquant ma vue, ne laissant place qu'à l'obscurité. Comme si Adam voulait délibérément m'empêcher de regarder, mais je suis sa femme, il ne devrait pas y avoir de secrets entre nous, surtout pas à propos de l'une des femmes qu'il a tant aimée.

Je me souviens encore de l'instant, plus tôt, où elle est entrée dans le bureau, ses talons hauts résonnant nettement sur le carrelage, et mon choc intérieur. Avant de lever les yeux pour voir son visage, j'ai déjà aperçu ses pieds chaussés de talons rouges étincelants.

« Ariane, je ne savais pas que tu travaillais encore ici ! C'est incroyable, vous êtes mariés, et il t'a laissée travailler. Ce gars est vraiment méchant, non ? »

Elle a dit cela en souriant doucement, ses lèvres rouges comme du sang qui me sembleraient affreuses si j'osais essayer cette teinte de rouge à lèvres. Je ne pouvais rien dire, prise par la stupéfaction en la regardant face à face après toutes ces années, surtout qu'elle dégageait toujours cette aura de richesse et de confiance que je connaissais. En un instant, je me suis sentie inférieure, gênée par mon ensemble professionnel gris, mon chignon serré et mon visage presque sans maquillage.

« Sophie ! »

La voix d'Adam m'a réveillée de ma torpeur. Il est sorti du bureau et l'a prise dans ses bras comme un vieil ami retrouvé, avant de la ramener dans son bureau, sans même me jeter un regard.

Maintenant, ils sont seuls dans le bureau, les stores fermés, et je ne peux plus les voir, me contentant d'entendre de temps en temps leur conversation basse et les éclats de rire d'Adam. À chaque éclat de rire, je me tortille sur ma chaise, m'accrochant fermement au bord du bureau. Ils sont là, tous les deux, et je ne peux m'empêcher de me sentir agitée, incapable de me concentrer sur mon travail.

Je fixe le calendrier sur mon bureau, le jour d'aujourd'hui entouré de rouge. Je soupire profondément. Est-ce qu'il se souvient que c'est notre troisième anniversaire de mariage ? Il semble que c'est toujours moi qui me souviens de ce jour spécial, et maintenant, avec l'arrivée de Sophie, je pressens que cette journée passe comme toutes les autres, sans éclat.

Je savais déjà qu'elle viendrait aujourd'hui. En tant que sa secrétaire, c'était la seule façon pour moi de connaître ces détails qu'Adam voulait me cacher. Il m'avait mentionné brièvement qu'un nouveau partenaire commercial, revenu au pays il y a deux mois, pourrait venir au bureau à tout moment. Mais je ne pensais pas, ou plutôt il m'avait délibérément caché, que ce fameux partenaire commercial était Sophie Bradley. Peut-être que c'est pour cela qu'il est devenu plus froid et distant depuis son retour.

Cela me serre le cœur, mais ce qui me fait encore plus mal, c'est de savoir que je ne peux rien y faire. Dans le cœur d'Adam, je n'avais jamais compté, alors que lui, il représentait tout pour moi. Depuis le jour où il m'a sauvée il y a des années, je suis tombée amoureuse de lui, mais je ne peux pas en dire autant de lui.

Il me fait toujours comprendre, sans le vouloir, que notre mariage n'est qu'une façon de satisfaire les désirs de son grand-père. Je savais que s'il en avait le choix, il ne me prêterait même pas attention, encore moins accepterait de se marier avec moi.

L'affection de son grand-père est peut-être ce qui me permet de garder ma raison dans ce mariage sans amour. Cet vieil homme me témoigne toujours son affection sans réserve, mais quand est-ce que ça a suffi ? J'ai épousé Adam, pas sa famille.

L'horloge continue de faire tic-tac, tandis qu'Adam reste toujours dans son bureau avec elle.

Soudain, leurs rires cessent, et je n'entends presque plus ce qu'ils disent. Je ne peux plus supporter cette torture. Avant que l'anxiété ne me dévore, je me lève. Je suis sa femme, j'ai le droit de savoir ce qu'ils font. Pour paraître naturelle, je prépare rapidement deux cafés. Après tout, c'est aussi une partie de mon travail en tant que secrétaire.

Je m'avance nerveusement vers son bureau, des gouttes de sueur perlant sur mon front. Je prends une profonde inspiration et j'ouvre la porte. La scène qui se présente à moi fait battre mon cœur plus fort : Adam et Sophie sont assis sur le canapé du bureau, proches l'un de l'autre, détendus, comme s'ils étaient dans un monde à eux. Je réprime la douleur intérieure, m'efforçant de marcher d'un pas calme vers le bureau.

« J'ai fait du café. » dis-je, mais ils semblent complètement indifférents à ma présence, plongés dans leur conversation. Je regarde Sophie un moment. Elle est assise en tailleur, ses jambes longues et blanches bien visibles, une main jouant négligemment avec ses cheveux châtain clair, un sourire éclatant sur son visage. Je n'arrive même pas à dire si ce sourire est sincère ou non.

J'ai envie de tourner les talons et de partir, mais mes pieds semblent cloués au sol. Je ne peux pas simplement m'en aller. Combien de temps vais-je continuer à me taire et à encaisser ?

« Monsieur. » j'appelle, en fixant directement Adam. Bien que nous soyons mariés, il me rappelle toujours de le traiter comme un patron au travail. Adam ne lève même pas les yeux, ce qui fait monter en moi une colère sourde.

« Monsieur. » Je l'appelle de nouveau. Cette fois, il me jette un regard froid, qui me fait frissonner de peur, mais je m'efforce de ne pas reculer.

« J'ai quelque chose d'important à te dire. » Je mens comme je respire. Je sens le regard perçant de Sophie, comme si elle veut me transpercer, mais je n'ose pas la regarder, de peur de perdre ce peu de courage qu'il me reste.

Adam fait simplement un geste de la main, me signifiant de m'en aller.

« Ça peut attendre. Comme tu peux le voir, j'ai un invité. »

« Ça ne peut pas attendre. » Réponds-je d'une voix plus ferme, mais il tourne à nouveau son attention vers Sophie, un sourire aux lèvres, écoutant ses paroles avec l'attention d'un jeune amoureux. Je l'appelle encore plusieurs fois, mais ne pouvant plus contenir ma colère, je crie son nom.

« Adam ! »

Tous les deux lèvent les yeux vers moi. Adam a les yeux pleins de colère, tandis que Sophie affiche une nette impatience. Je sais qu'elle ne m'aimait pas. Autrefois, quand j'étais juste la secrétaire d'Adam et qu'elle était sa petite amie, elle trouvait toujours à redire sur chaque chose que je faisais.

« Adam, c'est quoi ça ? Tu laisses vraiment ton employée te manquer de respect comme ça ? » Elle dit cela avec dégoût et mépris.

Je suis choquée par ses paroles et ne peux m'empêcher de rire froidement. Une employée ? Elle sait très bien que je ne suis pas qu'une simple employée, mais elle choisit délibérément de me rabaisser ainsi.

Adam se lève. Sa grande silhouette se dresse au-dessus de moi, et je tiens fermement mon plateau de café, mes doigts devenant blancs sous la pression.

« Ariane, sors, tout de suite ! » Il ordonne, et mon cœur se serre comme si une douleur vive me traverse. Mes mains tremblent, mes lèvres aussi.

« Pourquoi devrais-je partir ? J'ai le droit d'être ici, et j'ai aussi le droit de finir ce que j'ai à te dire. »

Sophie se lève immédiatement.

« On dirait que ta femme cherche à me provoquer. Je ne veux pas subir cette humiliation ici. »

Elle se tourne pour partir, et Adam la suit naturellement. Je tente de lui laisser passer, mais elle me heurte délibérément d'épaule. Je perds l'équilibre, trébuche quelques pas en avant et, ainsi, le café bouillant se renverse sur sa robe qui semble très chère. Il éclabousse également mon propre corps. Elle crie et recule de quelques pas, me fixant d'un regard furieux.

« Qu'est-ce qui va pas chez toi ? » hurle-t-elle. Moins d'une minute plus tard, Adam arrive à ses côtés, préoccupé par la robe tâchée, lui tendant même son mouchoir. Pendant ce temps, moi, toute trempée de café, je vois mon mari prendre soin d'une autre femme. Les larmes montent dans mes yeux, mais pleurer devant cette femme ne sert à rien.

« Je n'arrive pas à y croire ! Qu'est-ce que je t'ai fait ? Vas-y, déteste-moi autant que tu veux, mais il y a des limites, et tu viens de les dépasser. » Elle dit cela, rouge de colère.

Adam se tourne vers moi, et son regard, rempli de rage, me fait frissonner. L'idée qu'il s'emporte contre moi à cause d'une autre femme m'est insupportable.

« Excuse-toi tout de suite ! » ordonne-t-il. Je souris amèrement. Je n'ai rien fait de mal, comment peut-il être de son côté ?

« Pourquoi devrais-je m'excuser ? Je n'ai rien fait de mal, c'est elle qui m'a heurtée ! » Je me défends, ma voix tremblant sous l'émotion.

« Je n'ai rien fait de tel ! » Sophie rétorque, mais ses yeux en disent long.

« Tu m'as entendu, Ariane. Excuse-toi tout de suite. » Adam répète, me fixant toujours intensément. Après trois ans de mariage, c'est la première fois qu'il me regarde ainsi, et c'est pour une autre femme. À cette pensée, j'ai presque envie de rire.

Je secoue la tête, trouvant tout cela difficile à croire.

« Donc tu préfères la croire, elle, plutôt que moi ? Ses paroles comptent mais les miennes ne valent rien ? Je suis ta femme ! »

« Une femme que je n'ai jamais voulu épouser ! » crie-t-il.

Mon cœur, déjà brisé, se brise encore davantage sous le poids de ses mots.