Chapitre 6

Point de vue d'Ariane

Adam tend les fleurs à l'une des domestiques, lui demandant de les mettre dans un vase ou quelque chose du genre. Il tousse pour tenter de dissimuler sa gêne devant sa mère, sa sœur et les domestiques, mais échoue complètement.

« Ces fleurs ne sont pas pour toi », dit-il d'une voix sèche, en me fixant un instant. Je ressens presque rien en entendant cela, car je n'en ai plus rien à faire. Je veux juste fuir cette maison et ne jamais revenir. Je me fiche même de mes affaires qui ne sont pas encore emballées, je veux simplement échapper à cette vie misérable. J'entends Éva rire discrètement.

Adam semble vouloir me dire quelque chose, mais il finit par renoncer et se tourne vers sa mère.

« Maman, rends-lui ce bracelet. »

Elle émet un bruit de mépris et secoue obstinément la tête. « Je ne vais pas la laisser partir avec. »

Adam pousse un grognement, signe qu'il perd patience. « Maman, je n'ai jamais vu ce bracelet, il est à Ariane. S'il te plaît, rends-le. »

La mère d'Adam ne bouge pas immédiatement pour obéir, mais dès qu'elle le fait, c'est d'un air agacé en jetant le bracelet sur moi. Je l'attrape de la paume de ma main, tandis qu'elle retourne s'asseoir là où elle était quand je suis entrée dans le salon.

Je me mets à genoux près des vêtements éparpillés par les domestiques, et commence à tout ranger précipitamment pour pouvoir partir rapidement, en finir avec ce sentiment de honte incessant. Adam reste là, à me regarder ramasser les affaires que sa mère a jetées, et aucun d'eux ne s'excuse, ce qui renforce encore ma honte.

Une fois que je termine, je me relève et fais face à Adam, le regardant dans la tenue qu'il porte plus tôt au cimetière, ce qui me rappelle une fois de plus pourquoi je prends cette décision.

« Comme je l'ai dit avant, c'est fini entre nous. Le contrat de divorce et ma lettre de démission te parviendront bientôt », dis-je, ignorant l'expression déformée sur son visage, « Au revoir, Adam. »

Je n'attends même pas sa réponse et me tourne pour partir. Je ne veux plus le voir, plus jamais. Je m'éloigne de lui, allant droit vers la porte, et tourne la poignée, espérant que ce soit la dernière fois.

À peine ai-je franchi le seuil de la porte qu'Adam attrape fermement mon bras et me tourne vers lui. J'ai travaillé avec lui pendant sept ans, dont quatre comme sa secrétaire, et cela m'a suffi pour comprendre quel genre d'homme est Adam Meunier. Il est généralement composé, avec une expression neutre qui montre à quel point il est maître de la situation.

Mais ce moment-là est différent. Adam n'est ni calme ni maître de lui-même. Il semble qu'il ait perdu prise, et le sens de ces mots n'a même plus d'importance pour lui alors qu'il me tient fermement par le bras. Je lutte pour me libérer de sa prise.

« Lâche-moi », lui dis-je d'une voix ferme, mais Adam plisse les yeux et me fixe avec colère, ses yeux bleus enflammés de rage.

« Tu ne peux pas partir comme ça, Ariane. » Gronde-t-il.

« Tu n'as pas le droit de me donner des ordres, Adam. Pas maintenant en tout cas. Lâche-moi ! »

« Tu crois que ça a du sens, tout ça ? » Il hurle à mon visage tout en relâchant mon bras et en se passant une main dans les cheveux. « Tu ne peux pas me sortir ce genre de merde comme ça. »

« Si tout ceci était déjà écrit depuis le moment où nous avons échangé nos vœux, ce n'est pas vraiment soudain. Tu as trahi nos vœux, et nous savons tous deux que ce mariage n'aurait jamais dû avoir lieu. Alors arrête de parler et laisse-moi partir, » dis-je, presque furieuse, puis je me tourne pour essayer de m'en aller.

« Et grand-père alors ? Tu prends une décision aussi importante sans lui en parler, à celui qui a tout fait pour que ça arrive. Celui qui a toujours été bienveillant avec toi. »

Je me retourne, détestant qu'il tente de me faire culpabiliser. Mes pensées vont brièvement vers son grand-père, et j'imagine sa réaction en apprenant que je demande le divorce, lui qui s'est toujours soucié de moi. Mais je ne fléchis pas. Je ne vais pas laisser ces pensées m'empêcher de chercher ma liberté. Je ne vais pas placer les désirs des autres au-dessus de mon propre bonheur.

« Je parlerai à grand-père. Crois-moi, tu n'as pas à t'en faire. » Je tente une nouvelle fois de partir, mais bien sûr, Adam n'abandonne pas et reprend la parole.

« Je ne signerai pas, Ariane, je ne signerai pas ces foutus papiers ! »

« Mais qu'est-ce qui ne va pas chez toi ? » je hurle de colère. « Pourquoi tu ne me laisses pas partir ? »

Il me fixe intensément, obstiné. « Je ne signerai pas ces papiers, et je n'accepterai pas ta démission. L'entreprise a des règles, tu dois les suivre. Tu ne peux pas démissionner sans préavis, surtout avec tout ce travail en cours dans le bureau. Je paie pour que tu fasses ce travail ! »

Je ricane de dédain, incapable de croire qu'il puisse être aussi imbu de lui-même, incapable d'accepter son égoïsme et son absence totale de remords.

« Tu as Sophie, non ? » dis-je en le fixant, il fronce les sourcils.

« Qu'est-ce que tu veux dire par là ? »

« Tout le monde adore Sophie. Elle est intelligente, belle, elle fait bien son travail. Oh, et n'oublie pas qu'elle porte ton enfant ! Comme c'est parfait, non ? »

La mère d'Adam se lève brusquement, affichant un air de surprise évident. Elle venait probablement d'apprendre qu'elle allait être grand-mère.

« Adam, est-ce que c'est vrai ? Tu vas avoir un enfant ? » demande Éva, excitée.

Adam ne laisse rien transparaître. Il ne regarde même pas sa mère ou sa sœur. Il me fixe toujours intensément.

« Ariane, ce qui se passe entre Sophie et moi n'était pas intentionnel, c'était juste… »

« Ne cherche pas d'excuses pour elle ! Qui se soucie de ce qu'elle pense ? Sophie est la femme que tu as toujours méritée. La seule qui mérite d'être ma belle-fille. » La mère d'Adam interrompt, me lançant un regard furieux, mais cela ne m'étonne plus.

Je hausse les épaules pour signifier que j'ai raison. Tout le monde veut Sophie, lui aussi, et il ne peut même pas le nier. Il continue d'ignorer sa mère.

« Ariane, c'était un accident », répète-t-il. Je hoche la tête, comme si je croyais ses paroles.

« Il y a trois ans, tu ne pensais pas ça. Tu n'imaginais pas qu'on ait eu une relation par accident, tu croyais plutôt que j'avais manigancé pour te droguer afin d'avoir des relations avec toi. Qu'est-ce qui a changé, Adam ? Parce que ce que je vois maintenant, c'est un hypocrite qui préfère rejeter ses erreurs sur les autres. »

Je ne m'arrête pas cette fois, je ne me retourne même pas.

« Ariane ! Ariane, tant que je suis encore calme, viens ici ! Ariane, je te jure, si tu franchis cette porte, même si tu te mets à genoux et me supplie, je ne te prendrai plus. Tu as besoin de moi, Ariane. Sans moi, tu ne peux pas vivre ! »

Adam hurle derrière moi, mais je ne m'arrête pas. Ses paroles arrogantes me renforcent dans ma décision de fuir le plus vite possible. J'ouvre la porte et laisse derrière moi la tranquillité et la liberté qui m'attendent, ignorant tout ce qu'il peut dire encore.

Je ne reviendrai plus jamais dans cette réalité misérable.