Mia
Je cours. Mes jambes battent le pavé froid, ma respiration est un souffle court et précipité, mais je ne peux pas m’arrêter. Chaque pas m’éloigne de lui, de ce regard pénétrant qui semblait lire en moi comme dans un livre ouvert. Pourtant, au fond de moi, un tremblement persiste, cette sensation d’être à la fois chassée et retenue par quelque chose d’indéfinissable.
Le vent mord ma peau, mais je ne sens que ce frisson qui ne veut pas s’éteindre. Autour de moi, la ville bruisse, mais tout semble soudain flou, comme si je traversais un rêve dont je ne contrôle ni le temps ni le sens. Mon cœur tambourine, je serre les poings pour ne pas céder à la panique.
Je ne sais pas qui il est. Je ne sais rien de lui. Et pourtant, son nom, Dorian, résonne encore dans ma tête comme un écho insistant, une invitation au mystère, ou peut-être un avertissement.
Je cherche un refuge, un lieu où le tumulte de cette nuit s’éloignera, où je pourrai enfin respirer. Mais dans chaque rue, dans chaque ombre, je sens sa présence, invisible et pourtant si lourde.
Mes pensées s’entrechoquent, mes souvenirs me trahissent. Pourquoi est-ce que je ressens cette peur ancienne, cette terreur sourde d’être à nouveau prise au piège ? Pourquoi ce feu qu’il voit en moi m’effraie-t-il autant ?
Je me remémore les fragments de mon passé, les cicatrices invisibles que j’ai apprises à cacher. Ce feu, c’est aussi la douleur, la solitude, la colère. Une flamme qui consume tout sur son passage si on ne la maîtrise pas.
Je m’arrête enfin, accrochée au mur d’une ruelle étroite, cherchant à calmer ce chaos intérieur. Je ferme les yeux, je respire profondément, mais c’est comme si son ombre était gravée dans ma peau.
Dorian
Je la vois fuir, ce mélange de peur et de confusion qui déchire son âme. Je comprends, parce que moi aussi j’ai fui mes propres démons. Mais ce n’est pas une fuite possible. Pas cette fois.
Je me lance à sa poursuite, avançant dans les rues sombres, mon cœur battant à l’unisson du sien, bien que je sois invisible à ses yeux.
Je murmure son nom, une prière désespérée, une promesse que je veux lui offrir, même si elle ne veut pas l’entendre.
— Mia... attends.
Je ne veux pas la blesser. Je ne veux pas qu’elle se perde dans ses peurs. Mais je ne peux pas la laisser seule face à ce vide.
Alors que je la rejoins dans une ruelle, avec ma vitesse vampirique , je m’arrête à quelques pas, respectant sa volonté mais sans abandonner.
— Je ne suis pas ton ennemi, Mia. Je ne veux que te protéger. Je sais que tout cela est effrayant, mais tu n’as pas à le traverser seule.
Mia
Je tourne la tête, mes yeux embués de larmes que je refuse de laisser couler. Sa voix est douce, presque un murmure qui s’infiltre malgré moi.
— Pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi est-ce que je ressens ce lien, ce poids que je ne comprends pas ?
Je sens que mes barrières se fissurent, mais je résiste. Trop de fois j’ai cru pouvoir me reconstruire seule, sans dépendre de personne, sans laisser personne voir mes failles.
— Je ne sais pas si je peux faire ça, Dorian. Je ne sais même pas qui tu es vraiment.
Dorian
Je m’approche encore, la distance se réduit, mais je laisse de l’espace, conscient que la confiance ne se donne pas, elle se gagne.
— Je suis celui que tu cherches sans le savoir. Celui qui a marché dans tes rêves, dans tes peurs, dans ta solitude. Nous sommes liés, Mia. Pas par hasard, mais par un destin que nous devons affronter ensemble.
Je tends la main, cette fois pour qu’elle saisisse la mienne si elle le veut, sans la contraindre.
— Laisse-moi te montrer ce que nous sommes. Ce que nous pouvons être.
Mia
Je regarde sa main tendue, hésitante. Ce simple geste, ce contact possible, me déchire autant qu’il me rassure.
Je suis à la croisée des chemins : fuir pour sauver ce qu’il me reste d’identité, ou accepter ce lien, cette promesse qui pourrait tout changer.
Je ferme les yeux, puis lentement, je tends la main vers la sienne.
Une nouvelle peur s’installe, mais aussi une lueur d’espoir fragile.
Peut-être que cette nuit, au cœur des ombres, je commence à comprendre que fuir ne suffit plus.
Que je ne suis plus seule.
Que lui, Dorian, est à la fois mon plus grand danger et ma seule chance.
Le silence entre nous est lourd de non-dits, mais il est aussi le début d’un chemin qu’aucun de nous ne pourra ignorer.
Autour, la ville continue de vivre, indifférente, tandis que nous faisons face à l’inconnu, ensemble, pour la première fois.
Je ne lui dis rien d’autre. Pas encore. Les secrets que je porte, les vérités que je cache, restent verrouillés dans l’ombre.Il ne sait pas ce que je suis, ni ce que je risque d’être.
Il ignore ce que ce feu en moi peut vraiment déchaîner.
Je sens ses yeux chercher quelque chose au-delà de mes mots, au-delà de mon silence. Mais je ne peux pas lui révéler cela ce soir.
Pas avant qu’il comprenne que le lien qui nous unit n’est pas qu’une promesse douce, mais un pacte fragile suspendu entre lumière et ténèbres.
Alors je serre sa main doucement, sans rien dire, laissant l’inconnu nous emporter, prêts à affronter ce que demain nous réserve.
La nuit est épaisse autour de nous, lourde de mystères et de dangers. Mais pour la première fois depuis longtemps, je ne cours plus seule.
ÉLÉNAJe la regarde comme on observe quelqu’un qu’on aime déjà un peu trop, la flamme d’une bougie joue dans ses yeux et révèle des choses tendres qui n’attendaient qu’une main pour s’animer, elle respire en dents de scie, parfois court, parfois long, et ce rythme devient notre conversation muette, je passe la paume près de sa clavicule, je sens la chaleur de sa peau et tout à coup l’acte le plus ancien parait presque banal, comme si le monde n’était qu’une pièce où nous venons improviser .La maison écoute sans jugement, la pierre a cette patience des vieux qui savent tout et ne parlent jamais, la voûte nous enveloppe et on se surprend à chuchoter, à rire même, parce qu’il y a moins de solennité que je ne l’avais prévu, on n’est pas en examen ici mais en partage, je veux qu’elle devienne une inhabituelle compagne de nuit, pas parce que je la force, mais parce qu’elle veut entrer, tracer ses propres pas dans l’obscurité, alors je baisse la garde et je laisse le geste venir plus doux,
DORIANJe sais qu’elle est vivante parce que je meurs avec elleJe marche depuis des heures, peut-être des jours, le ciel s’efface, la terre respire à peine sous mes pas, et à chaque souffle je sens sa peur me traverser comme un courant glacé, un vertige d’absence qui creuse dans ma poitrine un vide impossible à combler. Mia n’est plus là, mais elle est partout, dans ma peau, dans mes nerfs, dans ce goût de fer qui m’emplit la bouche chaque fois que je prononce son nomJe ferme les yeux, je l’entends, pas sa voix, pas encore, mais le rythme de son cœur, irrégulier, lointain, battant à travers les murs d’un autre monde. Quelque chose la retient, quelque chose qui n’a pas de visage, et plus j’avance, plus la douleur grandit, comme si la distance entre nous se tordait, se resserrait, se nourrissait de ma rageLa nuit est vivante autour de moi, l’air vibre, les ombres bougent. Il y a ce parfum d’humidité et de pierre, un écho dans le vent, un murmure trop bas pour être un mot, mais qui pr
MIAJe ne sais pas combien de temps dure le trajet, chaque seconde se replie sur la suivante comme un animal blessé, le coffre me secoue et chaque cahot devient un battement de mon cœur, je compte les respirations pour ne pas sombrer, je murmure des mots sans sons, des noms qui n’ont plus de visage, je pense à Léa, à Dorian, à la vie d’avant comme à une photo froissée qu’on aurait oubliée dans un livre. L’air sent le caoutchouc et le métal, mais à travers les fentes je perçois une odeur qui n’a rien à voir avec une voiture, un parfum de mousse humide et de pierres froides, comme si nous roulions sous terrePuis la voiture s’arrête, brutalement, le silence est plus lourd que le bruit, il colle à ma peau comme une sueur glacée. La portière s’ouvre, je sens un souffle d’air, pas celui du matin mais celui des caves, et la main d’Éléna vient me chercher sans violence apparente mais avec cette fermeté d’acier qui transforme mon corps en marionnette. Elle me hisse hors du coffre, me guide co
Mia Je pense à Léa qui dort peut-être encore, à sa main posée sur la mienne, à la précarité de nos promesses, et ma gorge se serre parce que je sais que même si je crie, même si ma voix se brise, il y a des murs qui filtrent le son, et des vies qui peuvent ignorer ce qui ne les touche pas, mais dans ce tumulte il y a aussi la brûlure qui m’a été imposée, la marque qui me colle à Dorian, et je sens au fond de moi une rage plus profonde que la peur, une rage qui refuse d’être possédée sans combat, je m’accroche à elle comme on s’accroche à une corde dans le vide .La voiture s’arrête enfin, des voix éloignées, des pas qui crissent sur le gravier, la portière s’ouvre, l’air est plus froid, plus pierreux, et l’on me tire dehors, mes pieds touchent la pierre humide, on me pousse vers une ouverture, un portail de service peut-être, et une main me soulève et me guide puis m’enferme dans un lieu de pierre, un lieu qui sent la poussière et les siècles, et là, dans l’ombre compacte, je sens la
MiaJe sens d’abord le froid, un froid qui n’est pas celui de l’air du matin mais un froid d’outre-tombe qui se glisse sous la porte, et quand je redresse la tête la couverture colle encore à mes doigts comme une peau connue, et dans ce froid il y a un pas qui n’est pas le pas de Léa, un pas qui effleure le plancher avec une précision chirurgicale, je pense à Dorian sans le vouloir parce que son nom est devenu une balise au milieu de tout ce qui me traverse, et la porte s’ouvre sans bruit, comme si la chambre avait toujours attendu cette intrusion, et je perçois la silhouette avant de la voir, une ombre qui se découpe dans la clarté grise, des cheveux sombres comme de l’encre, mais ce n’est pas seulement son allure qui me frappe, c’est l’absence de chaleur autour d’elle, une sorte d’hiver concentré, l’air qui se contracte quand elle passe, et mon cœur rate un battement parce que je reconnais cette odeur , pas tout à fait humaine, un relent de fer, de vie saigneuse et d’herbes ancienne
MiaJe laisse échapper un rire bref, amer et humide, parce que ces promesses me brûlent et parce que je sais qu’elle ment pour se rassurer, qu’elle parle pour conjurer sa terreur, mais cette violence douce dans sa voix me donne aussi une force soudaine, perversement consolanteJe m’assois sur le bord du lit, nos genoux se touchent, et j’essaie de décrire ce que Dorian m’a dit, mot par mot, comme si l’énumération pouvait diminuer la peur, comme si la répétition pouvait contenir l’ampleur de la menace— Il a dit que je suis marquée, que quelqu’un m’a choisie sans que je le sache, qu’il y a des signes sur la peau, des choses qu’on ne voit pas tout de suite, mais qui se lisent si on sait regarder, il a dit que certains liens se nouent sans que l’on ait consenti, et que le seul moyen de couper ces liens c’est de partir, d’accepter ce qu’ils proposent, trois jours, il a répété trois jours, comme si c’était peu, comme si trois jours pouvaient changer tout ce qui est en moiLéa ferme les yeux