LOGINJulienLa voiture fend la nuit huileuse, un cocon d'acier et de verre où le seul bruit est le ronronnement feutré du moteur et le souffle rauque que je retiens au fond de ma gorge. À mes côtés, elle est un spectre silencieux, son front contre la vitre froide, son reflet pâle traversé par les réverbères qui défilent comme des âmes en peine. Je garde une main négligente sur le volant, l'autre, lourde de possession, sur sa cuisse. La soie fine de sa robe est un mensonge sous ma paume ; je sens le muscle frémir, la chaleur de sa peau traverser l'étoffe. Une possession tranquille, animale. Elle ne sursaute pas. Juste un frisson, une onde sismique qui part de son corps et vient mourir contre le mien, et le tissu se tend imperceptiblement sous mes doigts.— Tu veux que je te dépose où ?Ma voix est un gravier rauque, plus grave, plus éraillée que je ne le voudrais. Elle trahit l'adrénaline qui coule encore dans mes veines, le goût de fer de la conquête.Elle tourne la tête avec une lenteur d
JulienLe son qu’elle a étouffé contre mon cou résonne encore dans mes os. C’est l’écho d’une victoire que je n’avais pas anticipée, la preuve que je l’avais brisée, mais que c’était pour la reconstruire en quelque chose de plus vrai, de plus sauvage. La sentir s’effondrer contre moi, vulnérable et vibrante, est une puissance plus enivrante que n’importe quel pouvoir.Je la serre plus fort, un grognement sourd au fond de ma gorge. Mes mains parcourent son dos, sentant les derniers frissons de son orgasme se dissiper sous ses vertèbres.— Regarde-moi, Camille, j’exige, la voix rauque, empreinte d’une autorité que la passion n’a fait qu’aiguiser.Elle soulève un visage marqué par l’abandon, ses yeux noyés, la bouche légèrement tuméfiée par mes baisers. Je plonge mon regard dans le sien, sans permission, et j’y vois les décombres fumants de sa défense. C’est le plus beau spectacle de ma vie.— Tu vois ? murmuré-je en traçant la ligne de sa mâchoire avec mon pouce. Tu vois ce que tu es qu
CamilleSon baiser n’est pas une question, c’est une revendication. Une réponse définitive à tous les regards volés, à tous les frémissements étouffés. Quand ses lèvres rencontrent les miennes, un silence assourdissant envahit mon crâne, annihilant les derniers murmures de la raison.Je succombe.Non pas avec la résignation de la défaite, mais avec la fureur de la libération. Mes bras, qui s’étaient tenus croisés en rempart, se dénouent et s’enroulent autour de son cou, l’attirant plus près, abolissant le dernier millimètre qui nous séparait. Un son rauque, presque un grognement, s’échappe de sa gorge, et la main qui était sur ma tempe s’enfonce dans mon chignon, libérant mes cheveux dans un bruissement de soie.Le monde se réduit à cette sensation. À la pression habile et insistante de sa bouche, à la saveur de café et de pure audace qui est la sienne. C’est un assaut, et je rends chaque coup, mordillant sa lèvre inférieure, goûtant le sel sur sa peau. Mes doigts s’enfoncent dans ses
CamilleLa réserve. Un titre qui sonne faux pour ce sanctuaire du désir et de l’interdit. L’air y est immobile, chargé de poussière et de mémoire. Je me tiens au centre de la petite pièce, les bras croisés, feignant une sérénité que je suis loin de posséder. Les rayonnages d’archives nous enferment comme les murs d’un cachot privé.20h. La réserve. N'oubliez pas le dossier.Mon message était un appel auquel je savais qu’il ne pourrait résister. Une provocation déguisée en ordre. Maintenant, j’en porte le poids, le cœur battant à tout rompre contre ma cage thoracique.Le bruit de la poignée tournant dans la serrure est un coup de feu étouffé. La porte s’ouvre, puis se referme avec un clic sourd. Je ne me retourne pas. Je sens sa présence dans mon dos, plus tangible qu’une caresse.— Vous avez le dossier ? ma voix est plus rauque que je ne l’aurais souhaité.Il ne répond pas tout de suite. Son silence est une torture exquise. Je l’entend respirer, lent, profond.— Le dossier était un pr
CamilleLe stylo en argent est froid entre mes doigts. Trop froid. Une piqûre de glace qui contraste violemment avec la chaleur qui m'habite depuis cette maudite , bénie , soirée. Je signe le document d'un trait raide, espérant que ma signature ne trahisse pas le tremblement intérieur.Camille de Lavallière.L'encre noire sur le papier blanc. Un contraste net, définitif. Tout le contraire du chaos qui règne en moi.Julien.Son nom est une vibration sourde dans ma poitrine, un écho perpétuel. Le stagiaire. Non. L'homme. L'homme qui a mis un genou entre les miens sous une table en acajou et qui a réduit en cendres des années de contrôle absolu.Je repousse le document d'un geste sec. Je dois me concentrer. La réunion de coordination dans dix minutes. Bertrand sera là. Et lui aussi.La pensée est une décharge électrique. Mon corps, cette ennemie si bien dressée, se souvient. Il se souvient de la pression de son genou, du chemin de feu de son pied sur mon mollet. Il se souvient de son sou
JulienLa porte de mon minuscule appartement d'étudiant claque derrière moi, un son creux et misérable qui résonne comme un adieu à l'élégance feutrée de la Fondation Durand. Le contraste est violent. Ici, l'air est saturé d'odeurs de plâtre humide, de vieux livres et des restes d'un repas solitaire, un univers en décalage absolu avec le cuir vieilli et le parfum de Camille. Son parfum. Un sillage de jasmin, de peau chaude et de femme accomplie qui hante encore mes narines, un fantôme obsédant accroché à ma veste.Je lance mes clés avec une rage contenue. Elles glissent sur la table bancale et atterrissent avec un bruit métallique sur le sol carrelé. La victoire que j'ai ressentie dans le bureau de Bertrand a maintenant un goût de cendres et de trahison. La trahison de mes propres nerfs. J'avais planifié cette attaque, ce genou contre le sien, ce pied remontant son mollet. J'avais voulu la voir se décomposer, preuve vivante de mon pouvoir. Et j'avais réussi. J'avais vu la rougeur lui







