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La limite franchie

Author: Les élites
last update Last Updated: 2025-07-02 01:55:14

Chapitre 3 — La limite franchie

MARGO

Lundi. Premier jour dans ce bureau glacial où chaque seconde semble s’étirer en une éternité. Dès l’aube, je me suis imposée un rythme effréné, comme si la vitesse pouvait effacer le poids du regard d’Espoir qui pèse sur moi. Je veux prouver que je ne suis pas qu’un joli visage, qu’on ne peut réduire à une proie facile, une distraction passagère.

Je m’applique à chaque détail. Je classe, j’anticipe, je prépare. Pourtant, au fil des heures, la tension monte, sourde, insidieuse. Comme une vague prête à déferler.

Il est là, partout et nulle part, cette présence invisible. Dans le couloir, derrière les portes closes, dans le silence qui précède ses pas lourds et mesurés. Son regard, comme une épée froide, traverse les murs et m’atteint en plein cœur.

Je sens qu’il m’observe, qu’il pèse chacun de mes gestes. Et ça me brûle.

À la pause, alors que je traverse le grand hall pour rejoindre la machine à café, une collègue au regard avisé me glisse, à voix basse :

— Fais attention à lui. Il n’a jamais laissé personne s’approcher sans briser sa carapace.

Un avertissement ? Un défi ? Je ne sais plus.

Je porte ma main à mes lèvres, sentant le rouge à lèvres que j’ai appliqué ce matin. La couleur m’a toujours donné une sorte de pouvoir, une confiance qui vacille encore un peu.

Je me surprends à penser à mon corps, à cette beauté que je me suis forgée.

Je sais que je ne passe pas inaperçue. Mes longs cheveux bruns tombent en cascade, soyeux et brillants, encadrant un visage fin où chaque détail semble pensé pour fasciner et déstabiliser. Mes yeux sombres captent la lumière avec une intensité presque hypnotique. Mon regard est une arme, parfois douce, parfois tranchante, qui sait faire plier ou brûler.

Ma peau dorée, satinée, contraste avec les tissus noirs ou blancs que je choisis avec soin, sculptant mes formes avec une précision étudiée. Cette silhouette élancée, mes courbes calculées, sont autant d’alliées dans ce jeu dangereux.

Je suis consciente de cet effet, de ce pouvoir que je détiens presque malgré moi. Cette beauté fatale que j’ai apprise à manier comme une langue secrète, une invitation voilée ou un avertissement clair.

Mais c’est aussi une arme à double tranchant.

Je suis cette fille qui a grandi dans un quartier populaire, loin des paillettes et du pouvoir, où la survie passe par la débrouillardise et la confiance en soi. Entre les ruelles étroites, les murs couverts de graffitis et les marchés grouillants, j’ai appris à me faire une place, à séduire pour avancer, à être à la fois fragile et redoutable.

Chaque jour, dans ce quartier vibrant, les regards sont francs, parfois brutaux. J’ai su transformer ces regards en force, en volonté.

Et pourtant, ici, dans ce bureau de verre et d’acier, tout est différent.

Ici, le silence est pesant, la froideur omniprésente. Et lui… Espoir.

Dans son bureau, alors que je lui présente un dossier, la tension que je ressens depuis des jours atteint son paroxysme.

Il me regarde, ses yeux perçants comme des glaçons, sans un mot.

Mon souffle se fait court.

Dans un élan d’audace presque irréfléchi, je pose doucement ma main sur la sienne. Sa peau est froide, tendue, immobile.

Le silence tombe, lourd, presque palpable.

Je cherche son regard, cherchant une réponse, une faille. Mais il me fixe intensément, et ses yeux ne laissent rien passer.

— Vous dépassez les règles, dit-il enfin, sa voix basse, glaciale, chargée d’autorité.

Un frisson me traverse, un mélange de défi et de soumission.

— Je voulais juste…

— Ne justifiez rien.

Sa main se retire avec lenteur, imposant une distance, un mur invisible entre nous.

— Je ne tolère aucune faiblesse.

Je baisse les yeux, le cœur battant à tout rompre.

— Pas de faiblesse ?

— Vous avez franchi une limite. Une fois. Deux fois, et vous serez dehors.

Chaque mot résonne en moi comme une mise en garde, mais aussi comme une promesse silencieuse, une invitation à un jeu dangereux.

— Vous comprenez ?

Je hoche la tête, incapable de parler.

Alors qu’il replonge dans ses papiers, une pensée obstinée me traverse :

Je veux franchir cette limite. Encore et encore.

Je suis fatale.

Je le sais.

Et pourtant, ce n’est pas une question de vanité, mais de survie. Cette beauté que je porte, ce charisme latent, c’est ma force dans ce monde impitoyable.

J’ai appris à en jouer. À hypnotiser un regard, à faire plier une volonté, à garder le contrôle même lorsque tout vacille.

Je suis cette femme que l’on remarque dans une pièce, que l’on veut posséder ou éliminer, qui fascine autant qu’elle fait peur.

Mais avec lui, c’est différent.

Espoir n’est pas un homme comme les autres.

Son regard glacial traverse mes défenses, dissèque mes mensonges, et pourtant, je sens son feu sous cette glace implacable.

Il m’attire. Il me fait peur.

Et il me pousse à vouloir me dépasser, à chercher cette frontière invisible entre contrôle et abandon, pouvoir et soumission.

Je suis prête à jouer ce jeu dangereux.

Demain, je retournerai dans ce bureau.

Je chercherai encore ce regard qui me déshabille sans jamais me toucher.

Je me demanderai combien de temps je tiendrai avant de franchir encore cette limite.

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