Chapitre 3 — La limite franchie
MARGO
Lundi. Premier jour dans ce bureau glacial où chaque seconde semble s’étirer en une éternité. Dès l’aube, je me suis imposée un rythme effréné, comme si la vitesse pouvait effacer le poids du regard d’Espoir qui pèse sur moi. Je veux prouver que je ne suis pas qu’un joli visage, qu’on ne peut réduire à une proie facile, une distraction passagère.
Je m’applique à chaque détail. Je classe, j’anticipe, je prépare. Pourtant, au fil des heures, la tension monte, sourde, insidieuse. Comme une vague prête à déferler.
Il est là, partout et nulle part, cette présence invisible. Dans le couloir, derrière les portes closes, dans le silence qui précède ses pas lourds et mesurés. Son regard, comme une épée froide, traverse les murs et m’atteint en plein cœur.
Je sens qu’il m’observe, qu’il pèse chacun de mes gestes. Et ça me brûle.
À la pause, alors que je traverse le grand hall pour rejoindre la machine à café, une collègue au regard avisé me glisse, à voix basse :
— Fais attention à lui. Il n’a jamais laissé personne s’approcher sans briser sa carapace.
Un avertissement ? Un défi ? Je ne sais plus.
Je porte ma main à mes lèvres, sentant le rouge à lèvres que j’ai appliqué ce matin. La couleur m’a toujours donné une sorte de pouvoir, une confiance qui vacille encore un peu.
Je me surprends à penser à mon corps, à cette beauté que je me suis forgée.
Je sais que je ne passe pas inaperçue. Mes longs cheveux bruns tombent en cascade, soyeux et brillants, encadrant un visage fin où chaque détail semble pensé pour fasciner et déstabiliser. Mes yeux sombres captent la lumière avec une intensité presque hypnotique. Mon regard est une arme, parfois douce, parfois tranchante, qui sait faire plier ou brûler.
Ma peau dorée, satinée, contraste avec les tissus noirs ou blancs que je choisis avec soin, sculptant mes formes avec une précision étudiée. Cette silhouette élancée, mes courbes calculées, sont autant d’alliées dans ce jeu dangereux.
Je suis consciente de cet effet, de ce pouvoir que je détiens presque malgré moi. Cette beauté fatale que j’ai apprise à manier comme une langue secrète, une invitation voilée ou un avertissement clair.
Mais c’est aussi une arme à double tranchant.
Je suis cette fille qui a grandi dans un quartier populaire, loin des paillettes et du pouvoir, où la survie passe par la débrouillardise et la confiance en soi. Entre les ruelles étroites, les murs couverts de graffitis et les marchés grouillants, j’ai appris à me faire une place, à séduire pour avancer, à être à la fois fragile et redoutable.
Chaque jour, dans ce quartier vibrant, les regards sont francs, parfois brutaux. J’ai su transformer ces regards en force, en volonté.
Et pourtant, ici, dans ce bureau de verre et d’acier, tout est différent.
Ici, le silence est pesant, la froideur omniprésente. Et lui… Espoir.
Dans son bureau, alors que je lui présente un dossier, la tension que je ressens depuis des jours atteint son paroxysme.
Il me regarde, ses yeux perçants comme des glaçons, sans un mot.
Mon souffle se fait court.
Dans un élan d’audace presque irréfléchi, je pose doucement ma main sur la sienne. Sa peau est froide, tendue, immobile.
Le silence tombe, lourd, presque palpable.
Je cherche son regard, cherchant une réponse, une faille. Mais il me fixe intensément, et ses yeux ne laissent rien passer.
— Vous dépassez les règles, dit-il enfin, sa voix basse, glaciale, chargée d’autorité.
Un frisson me traverse, un mélange de défi et de soumission.
— Je voulais juste…
— Ne justifiez rien.
Sa main se retire avec lenteur, imposant une distance, un mur invisible entre nous.
— Je ne tolère aucune faiblesse.
Je baisse les yeux, le cœur battant à tout rompre.
— Pas de faiblesse ?
— Vous avez franchi une limite. Une fois. Deux fois, et vous serez dehors.
Chaque mot résonne en moi comme une mise en garde, mais aussi comme une promesse silencieuse, une invitation à un jeu dangereux.
— Vous comprenez ?
Je hoche la tête, incapable de parler.
Alors qu’il replonge dans ses papiers, une pensée obstinée me traverse :
Je veux franchir cette limite. Encore et encore.
Je suis fatale.
Je le sais.
Et pourtant, ce n’est pas une question de vanité, mais de survie. Cette beauté que je porte, ce charisme latent, c’est ma force dans ce monde impitoyable.
J’ai appris à en jouer. À hypnotiser un regard, à faire plier une volonté, à garder le contrôle même lorsque tout vacille.
Je suis cette femme que l’on remarque dans une pièce, que l’on veut posséder ou éliminer, qui fascine autant qu’elle fait peur.
Mais avec lui, c’est différent.
Espoir n’est pas un homme comme les autres.
Son regard glacial traverse mes défenses, dissèque mes mensonges, et pourtant, je sens son feu sous cette glace implacable.
Il m’attire. Il me fait peur.
Et il me pousse à vouloir me dépasser, à chercher cette frontière invisible entre contrôle et abandon, pouvoir et soumission.
Je suis prête à jouer ce jeu dangereux.
Demain, je retournerai dans ce bureau.
Je chercherai encore ce regard qui me déshabille sans jamais me toucher.
Je me demanderai combien de temps je tiendrai avant de franchir encore cette limite.
Chapitre 73 — Flammes cachéesEspoirJe traverse les couloirs de l’entreprise, chaque pas résonnant comme un avertissement silencieux. L’air climatisé n’a aucun effet sur la chaleur qui m’envahit. Chaque seconde passée loin de Margot me brûle de l’intérieur, et je sens mes mains devenir moites rien qu’à l’idée de la voir avec De Roche. Elle est là, concentrée, ordonnant les dossiers avec une précision parfaite. Et pourtant, malgré la distance physique, je sens que chaque mot qu’elle prononce pour lui me transperce comme une lame invisible.Je l’aperçois enfin, penchée sur son rapport, son dos droit, le front légèrement froncé. Une image anodine pour un œil extérieur, mais pour moi, c’est une invitation au chaos. Je dois me contrôler, mesurer chacun de mes gestes, chaque pas. Je suis conscient que le moindre faux mouvement pourrait tout détruire — sa confiance, sa sécurité, et mon propre cœur.Je m’avance lentement, la main crispée sur le rebord de la table. Elle relève la tête et nos
Chapitre 72 — Frictions et révélationsMargotLa cafétéria est presque vide, un havre de calme dans la tourbée de la journée. Je m’assois à notre table habituelle, posant mes dossiers avec un soupir silencieux. De Roche est parti pour un rendez-vous client, et j’ai un moment de répit. Enfin… presque.Je n’ai pas le temps de respirer qu’Espoir apparaît à l’entrée. Je le vois avant qu’il ne me voie, et mon cœur s’accélère malgré moi. Chaque pas qu’il fait est une promesse de trouble, chaque mouvement un rappel du passé que je n’ai pas totalement laissé derrière moi.— Margot.Il s’arrête à quelques pas, et je lève les yeux. Nos regards se croisent, et une étincelle invisible traverse l’air, brûlante et fragile.— Tu… tu as un instant ? sa voix est calme, mais je sens l’intensité qui coule sous ses mots.Je secoue légèrement la tête, hésitante, mais il avance, déterminé.— Margot, il faut qu’on parle, insiste-t-il. Je… je ne peux pas rester silencieux.Mon estomac se noue. Je sais ce qu’
Chapitre 71 — Collision des désirsEspoirJe marche dans les couloirs modernes de notre entreprise, chaque pas résonnant sur le parquet comme un tambour de guerre. La lumière froide des néons ne parvient pas à dissiper la chaleur qui monte en moi. Aujourd’hui, nous avons une réunion stratégique avec un partenaire clé. Et ce partenaire, c’est De Roche.Mon cœur se serre avant même de l’apercevoir, car Margot sera là aussi. Elle est notre assistante sur ce projet, la seule capable de jongler entre nous deux et de garder un semblant de normalité professionnelle. Mais moi, je n’ai aucune normalité en ce moment. Rien n’est normal quand il s’agit d’elle.Je la vois au loin, concentrée sur ses notes, son stylo glissant avec fluidité sur le papier. Ses cheveux captent la lumière des néons, et je sens ce mélange familier de désir et de culpabilité me saisir. Elle m’ignore ostensiblement, comme si elle savait que je ne devrais pas exister dans sa bulle tranquille. Mais moi, je ne peux détourner
Chapitre 70 — L’écho des souvenirsEspoirLa lumière de l’après-midi tombe doucement à travers les persiennes de mon bureau, mais elle ne suffit pas à éclairer l’ombre qui pèse sur mes pensées. Chaque dossier sur mon bureau, chaque écran allumé, chaque tic-tac de l’horloge semble me rappeler sa présence. Margot. Son nom résonne dans ma tête comme un écho que je ne peux étouffer.Je tente de me concentrer sur le travail, sur les réunions à venir, sur les clients qui m’attendent. Mais rien n’a d’importance. Tout est flou, tout est périphérique. Son visage s’impose, encore et encore, cette lueur de sécurité qu’elle a trouvée dans les bras de De Roche, ce sourire que je ne reverrai jamais de la même façon. Et moi, ici, à essayer de rattraper le temps perdu avec des gestes vains, des paroles inutiles.Je me lève de ma chaise, marchant lentement jusqu’à la fenêtre. La ville s’étend devant moi, animée, indifférente, mais je ne la vois pas vraiment. Je ne vois qu’elle. Chaque souvenir de nos
Chapitre 69 — Après la tempêteMargoLe matin s’invite doucement dans l’appartement, filtrant à travers les rideaux comme un voile de soie. La pluie a cessé, mais l’humidité reste accrochée aux vitres, et la ville semble encore endormie sous le gris du ciel. Je suis toujours blottie contre De Roche, la chaleur de son corps ancrée contre le mien comme une certitude dont je ne veux pas me détacher.Je ferme les yeux un instant, essayant de graver ce moment dans ma mémoire. Rien dans cette journée, rien dans ces semaines, n’a pu préparer mon cœur à cette sensation de sécurité et d’apaisement. Je n’ai jamais cru que cela était possible, mais ici, dans ses bras, le monde extérieur n’existe plus. Les tempêtes, les menaces, Espoir… tout devient secondaire.Je sens ses mains glisser le long de mon dos, caressant avec douceur et fermeté à la fois. Son parfum boisé me rassure, et j’essaie de ne pas penser à ce que je ressens pour Espoir, à la culpabilité qui tente de remonter malgré moi. Mais l
Chapitre 68 — Les pensées d’EspoirEspoirLa nuit est silencieuse, mais ce silence est lourd, presque oppressant. Je suis allongé près d’elle, ma femme endormie à mes côtés, son souffle régulier ponctué de petits mouvements qui trahissent son sommeil profond. Pourtant, malgré cette proximité, mon esprit ne cesse de vagabonder, s’accrochant à une image que je ne peux chasser : Margo.Je ferme les yeux un instant, mais ses traits s’imposent, encore plus précis dans mon imagination que dans la réalité. Chaque jour, elle devient plus belle, et cette beauté ne réside pas seulement dans ses yeux ou son sourire, mais dans cette lumière intérieure que je n’avais jamais remarquée avant. Elle semble rayonner, vibrer, et je me déteste pour l’admettre. Je me déteste d’avoir joué avec ses sentiments, d’avoir cru pouvoir contrôler les choses, d’avoir cru que je pourrais me passer de ce qu’elle représentait pour moi.Je tourne la tête, fixant le plafond de notre chambre, imaginant sa silhouette dans