Chapitre 4 — Pensées interdites
ESPOIR
Elle est entrée comme une provocation silencieuse.
Un battement de cils. Une démarche maîtrisée.
Une tempête camouflée sous du satin et du sang-froid.
Margo.
Je connais son prénom. Je l’ai prononcé une fois, presque par erreur, et déjà il me reste en bouche comme un poison lent.
Il s’impose dans mon esprit comme un mot interdit. Margo.
Quatre lettres qui cognent sous mes tempes.
Quatre lettres qui, chaque jour, redessinent les frontières de mon contrôle.
Elle n’est pas comme les autres. Ce n’est pas une phrase que l’on dit pour flatter son ego. C’est un constat. Brut. Irrévocable.
Elle ne ploie pas.
Elle ne se perd pas dans les regards.
Elle ne s'excuse jamais d’exister.
Et ça…
C’est dangereux.
Je suis un homme de principes. De silences. De décisions tranchées.
Je bâtis des empires avec la rigueur d’un chirurgien.
Je gère des crises, des chiffres, des hommes, des égos, des deals en sang-froid.
J’ai appris, tôt, que l’attachement est une dette, et que le désir est une faille.
Ce que tu convoites t’affaiblit.
Ce que tu désires te détruit.
Et pourtant…
Depuis qu’elle a mis un pied ici, tout mon système menace de s’effondrer.
Je l’observe.
En silence.
De loin. De près. De trop près.
Je la devine dans mes angles morts. Je reconnais le rythme de ses talons sur le parquet. Le parfum léger qu’elle laisse derrière elle.
Son souffle presque imperceptible lorsqu’elle s’installe à son bureau.
Je l’entends même lorsqu’elle ne parle pas.
Elle sent ma présence. Elle en joue. Elle la provoque.
Elle ne détourne jamais les yeux.
Elle me cherche.
Et je la trouve.
Chaque jour. Chaque heure.
Dans ce pli de jupe qui remonte un peu trop quand elle croise les jambes.
Dans cette gorge nue offerte sous sa chemise.
Dans cette bouche, cette foutue bouche, toujours légèrement entrouverte, comme si elle s’apprêtait à gémir mon prénom sans le savoir.
Elle est dangereuse.
Pas parce qu’elle séduit.
Parce qu’elle est la séduction incarnée. Sans effort.
Et moi, je suis censé être imperméable à ça.
Mais je la veux.
Et je ne veux pas la vouloir.
Je suis en guerre avec moi-même.
Et elle gagne.
À chaque regard, à chaque silence, à chaque mouvement de hanche.
Je croyais pouvoir l’intimider. La tester. L’effacer par la froideur.
Je pensais qu’elle courberait l’échine, comme les autres avant elle.
Mais elle reste droite.
Solide.
Fière.
Et diablement provocante.
Elle me regarde comme si elle savait que ma chute était une fatalité.
Comme si elle avait déjà vu ce moment où je perds pied, où je la saisis, où je m’abandonne.
Et aujourd’hui…
Elle a osé.
Elle m’a touché.
Un simple frôlement de main.
Mais sa chaleur a remonté mon bras comme une décharge.
Un signal. Un piège. Une ouverture.
J’ai senti son trouble. Son hésitation. Son audace mêlée de peur.
Et j’ai senti mon propre feu monter.
Ancien. Brutal. Violent.
Un feu que j’ai étouffé pendant des années.
Un feu que je croyais mort.
Je me suis refermé.
Parce que je suis bon à ça.
À dresser des murs. À transformer le désir en menace.
À congeler tout ce qui me trouble.
Mais elle…
Elle n’a pas reculé.
Elle n’a même pas baissé les yeux.
Elle sait ce qu’elle fait.
Elle s’infiltre. Lentement. Inexorablement.
Je me hais de penser à elle, encore, la nuit, quand tout est calme et que mes draps sont vides.
Je me hais de me réveiller en sueur, son prénom en bouche, mes mains crispées sur des draps qui ne sont pas sa peau.
Je me hais de rêver à la faire plier sur mon bureau, ses ongles dans le bois, sa voix brisée dans ma gorge.
Je me hais de la vouloir soumise, alors qu’elle me domine sans un geste.
Je suis censé être le maître ici.
On chuchote mon nom dans les étages.
On évite mon regard.
On redoute mes silences.
Mais avec elle…
Je suis devenu autre chose.
Je perds mes contours.
Je deviens feu.
Rage.
Besoin.
Elle a franchi une limite. Une fois.
Elle en franchira d’autres.
Et quand elle le fera…
Ce ne sera pas elle que je punirai.
Ce sera moi.
Parce que je saurai, à cet instant précis, que j’aurai tout perdu.
Et elle ?
Elle ne sait pas encore ce qu’elle déclenche.
Elle ignore qu’elle marche au bord d’un gouffre et que ce gouffre, c’est moi.
Elle croit pouvoir jouer avec la bête.
Mais moi, je sais comment ça finit.
Toujours.
Quand je tomberai, ce sera avec elle.
Contre elle.
En elle.
Et ce jour-là…
Elle comprendra ce que signifie désirer un homme qui ne sait plus faire la différence entre plaisir et destruction.
MARGO
Je suis en retard.
Volontairement.
Trois minutes exactement. Juste assez pour provoquer. Pour effleurer cette règle invisible qu’il croit pouvoir m’imposer.
Je n’ai pas changé ma tenue. Jupe crayon noire. Blouse blanche légèrement transparente. Rien de vulgaire. Juste une promesse. Une suggestion. Une affirmation tranquille de ce que je suis : une femme qui sait qu’on la regarde. Une femme qui décide qui a le droit de la regarder.
Et lui, il regarde.
Il regarde toujours.
Je frappe une seule fois.
Une voix sèche, comme un fil de rasoir :
— Entrez.
Le cœur bat vite. Pas de stress. Pas de peur.
D’excitation.
Je pénètre dans son bureau. Toujours aussi glacé. Toujours aussi vaste.
Il est là, debout, près de la baie vitrée, les mains croisées dans le dos, la silhouette taillée dans l’ombre. Sa chemise blanche contraste avec le ciel de fin de journée, bleuté, presque métallique.
Il ne se retourne pas. Il sait que je suis là.
— Trois minutes, dit-il calmement.
— Je sais.
Un silence. Il ne bouge pas. J’avance de deux pas.
Le parquet absorbe le son de mes talons.
Mais je sais qu’il m’entend. Qu’il sent mon parfum.
Que chaque seconde sans parole est un combat de plus.
— Pourquoi ? murmure-t-il enfin, sans me regarder.
— Parce que je peux me le permettre .
Il se fige.
Et enfin, il se retourne.
Ce regard. Toujours.
Froid. Dur.
Mais cette fois… fissuré.
— Vous jouez avec le feu.
— Peut-être.
Je m’approche encore. Lentement.
Je ne le touche pas. Pas encore.
Mais je suis là. Toute entière.
— Ce n’est pas un jeu, Margo.
— Non , bien sûr que non .
Il incline la tête, ses yeux glissent sur moi. Ils me déshabillent.
Mais je ne suis plus une cible.
Je suis l’arme.
— Pourquoi êtes-vous venue ? demande-t-il.
— Pour les dossiers. (Je tends une chemise cartonnée.) Et pour vous voir.
Il prend le dossier sans me quitter des yeux.
— Pour me voir ?
— Oui.
Il s’approche, cette fois. Lentement. À son tour.
Nous sommes à quelques centimètres.
Je sens sa chaleur. Son odeur.
Ce parfum de pouvoir. De menace.
— Vous ne mesurez pas ce que vous déclenchez, souffle-t-il.
— Si. Très bien même.
Je lève le menton. Je ne flanche pas.
Je sens son souffle sur mon visage.
Et dans ses yeux, quelque chose de plus profond.
Pas seulement du désir.
Du trouble.
Je pose ma main sur sa chemise, juste là, sur son torse. Là où son cœur bat, plus vite qu’il ne le voudrait.
Il attrape mon poignet. Fermement. Pas violemment. Mais avec autorité.
— Ne me poussez pas à bout.
— Pourquoi ? Vous avez peur de céder ?
Un éclat passe dans son regard. Furtif.
Un feu noir.
Une faille.
— Je n’ai pas peur, murmure-t-il. Mais vous, vous devriez.
Je penche la tête.
— Peut-être que j’ai envie de voir ce qui arrive quand vous perdez le contrôle.
Le silence est un cri.
Et alors, il recule.
Un seul pas. Mais un pas de trop.
Il rompt la tension. Il brise le fil.
Mais moi, je ne bouge pas. Je reste là, au centre de son bureau, comme un défi vivant.
— Reprenez vos dossiers, dit-il, sa voix plus basse. Plus rugueuse.
— Et partez, avant que je ne regrette de vous avoir engagée.
Je souris. Lentement.
— C’est déjà trop tard, non ?
Il ne répond pas.
Je prends les papiers, sans détourner les yeux. Je m’avance vers la porte.
Avant de sortir, je murmure, presque sans voix :
— Ce n’est pas moi qui suis en danger ici, Espoir.
Et je referme doucement la porte derrière moi.
Mais dans ma poitrine, tout hurle.
Mon cœur. Ma peau. Mes reins.
Je le veux.
Et il me veut.
La seule question, maintenant, c’est :
Qui cédera le premier ?
Chapitre 73 — Flammes cachéesEspoirJe traverse les couloirs de l’entreprise, chaque pas résonnant comme un avertissement silencieux. L’air climatisé n’a aucun effet sur la chaleur qui m’envahit. Chaque seconde passée loin de Margot me brûle de l’intérieur, et je sens mes mains devenir moites rien qu’à l’idée de la voir avec De Roche. Elle est là, concentrée, ordonnant les dossiers avec une précision parfaite. Et pourtant, malgré la distance physique, je sens que chaque mot qu’elle prononce pour lui me transperce comme une lame invisible.Je l’aperçois enfin, penchée sur son rapport, son dos droit, le front légèrement froncé. Une image anodine pour un œil extérieur, mais pour moi, c’est une invitation au chaos. Je dois me contrôler, mesurer chacun de mes gestes, chaque pas. Je suis conscient que le moindre faux mouvement pourrait tout détruire — sa confiance, sa sécurité, et mon propre cœur.Je m’avance lentement, la main crispée sur le rebord de la table. Elle relève la tête et nos
Chapitre 72 — Frictions et révélationsMargotLa cafétéria est presque vide, un havre de calme dans la tourbée de la journée. Je m’assois à notre table habituelle, posant mes dossiers avec un soupir silencieux. De Roche est parti pour un rendez-vous client, et j’ai un moment de répit. Enfin… presque.Je n’ai pas le temps de respirer qu’Espoir apparaît à l’entrée. Je le vois avant qu’il ne me voie, et mon cœur s’accélère malgré moi. Chaque pas qu’il fait est une promesse de trouble, chaque mouvement un rappel du passé que je n’ai pas totalement laissé derrière moi.— Margot.Il s’arrête à quelques pas, et je lève les yeux. Nos regards se croisent, et une étincelle invisible traverse l’air, brûlante et fragile.— Tu… tu as un instant ? sa voix est calme, mais je sens l’intensité qui coule sous ses mots.Je secoue légèrement la tête, hésitante, mais il avance, déterminé.— Margot, il faut qu’on parle, insiste-t-il. Je… je ne peux pas rester silencieux.Mon estomac se noue. Je sais ce qu’
Chapitre 71 — Collision des désirsEspoirJe marche dans les couloirs modernes de notre entreprise, chaque pas résonnant sur le parquet comme un tambour de guerre. La lumière froide des néons ne parvient pas à dissiper la chaleur qui monte en moi. Aujourd’hui, nous avons une réunion stratégique avec un partenaire clé. Et ce partenaire, c’est De Roche.Mon cœur se serre avant même de l’apercevoir, car Margot sera là aussi. Elle est notre assistante sur ce projet, la seule capable de jongler entre nous deux et de garder un semblant de normalité professionnelle. Mais moi, je n’ai aucune normalité en ce moment. Rien n’est normal quand il s’agit d’elle.Je la vois au loin, concentrée sur ses notes, son stylo glissant avec fluidité sur le papier. Ses cheveux captent la lumière des néons, et je sens ce mélange familier de désir et de culpabilité me saisir. Elle m’ignore ostensiblement, comme si elle savait que je ne devrais pas exister dans sa bulle tranquille. Mais moi, je ne peux détourner
Chapitre 70 — L’écho des souvenirsEspoirLa lumière de l’après-midi tombe doucement à travers les persiennes de mon bureau, mais elle ne suffit pas à éclairer l’ombre qui pèse sur mes pensées. Chaque dossier sur mon bureau, chaque écran allumé, chaque tic-tac de l’horloge semble me rappeler sa présence. Margot. Son nom résonne dans ma tête comme un écho que je ne peux étouffer.Je tente de me concentrer sur le travail, sur les réunions à venir, sur les clients qui m’attendent. Mais rien n’a d’importance. Tout est flou, tout est périphérique. Son visage s’impose, encore et encore, cette lueur de sécurité qu’elle a trouvée dans les bras de De Roche, ce sourire que je ne reverrai jamais de la même façon. Et moi, ici, à essayer de rattraper le temps perdu avec des gestes vains, des paroles inutiles.Je me lève de ma chaise, marchant lentement jusqu’à la fenêtre. La ville s’étend devant moi, animée, indifférente, mais je ne la vois pas vraiment. Je ne vois qu’elle. Chaque souvenir de nos
Chapitre 69 — Après la tempêteMargoLe matin s’invite doucement dans l’appartement, filtrant à travers les rideaux comme un voile de soie. La pluie a cessé, mais l’humidité reste accrochée aux vitres, et la ville semble encore endormie sous le gris du ciel. Je suis toujours blottie contre De Roche, la chaleur de son corps ancrée contre le mien comme une certitude dont je ne veux pas me détacher.Je ferme les yeux un instant, essayant de graver ce moment dans ma mémoire. Rien dans cette journée, rien dans ces semaines, n’a pu préparer mon cœur à cette sensation de sécurité et d’apaisement. Je n’ai jamais cru que cela était possible, mais ici, dans ses bras, le monde extérieur n’existe plus. Les tempêtes, les menaces, Espoir… tout devient secondaire.Je sens ses mains glisser le long de mon dos, caressant avec douceur et fermeté à la fois. Son parfum boisé me rassure, et j’essaie de ne pas penser à ce que je ressens pour Espoir, à la culpabilité qui tente de remonter malgré moi. Mais l
Chapitre 68 — Les pensées d’EspoirEspoirLa nuit est silencieuse, mais ce silence est lourd, presque oppressant. Je suis allongé près d’elle, ma femme endormie à mes côtés, son souffle régulier ponctué de petits mouvements qui trahissent son sommeil profond. Pourtant, malgré cette proximité, mon esprit ne cesse de vagabonder, s’accrochant à une image que je ne peux chasser : Margo.Je ferme les yeux un instant, mais ses traits s’imposent, encore plus précis dans mon imagination que dans la réalité. Chaque jour, elle devient plus belle, et cette beauté ne réside pas seulement dans ses yeux ou son sourire, mais dans cette lumière intérieure que je n’avais jamais remarquée avant. Elle semble rayonner, vibrer, et je me déteste pour l’admettre. Je me déteste d’avoir joué avec ses sentiments, d’avoir cru pouvoir contrôler les choses, d’avoir cru que je pourrais me passer de ce qu’elle représentait pour moi.Je tourne la tête, fixant le plafond de notre chambre, imaginant sa silhouette dans