CHAPITRE 35 — Il n’était plus làMARGO00h12Je ne suis pas rentrée chez moi.Je ne sais même plus à quel moment j’ai dit oui.Ni avec quelle voix. Ni avec quels yeux.C’était flou. Mais fluide.Il m’a regardée. J’ai soutenu. Pas par séduction.Par absence.Une absence habillée comme une décision.Il m’a tendu la main. J’ai suivi.Pas parce que j’avais confiance.Mais parce que je m’en fichais.Il ne portait pas de masque, lui. Pas comme moi.Et ça m’a semblé… reposant.Je ne me souviens pas de son prénom.Je ne veux pas m’en souvenir. Je veux que cette nuit reste sans attaches, sans angles, sans mémoire.Juste un glissement.00h44L’appartement est nu.Presque impersonnel. Comme une planque.Pas de livres. Pas de photos.Rien qui dise je vis ici.Le parquet grince à peine sous mes pas.Il ne parle pas. Pas plus que moi.Je m’assois. Il sert deux verres de vin rouge.Pas un mot. Pas un regard appuyé.Un silence qui n'attend rien.Et ce rien-là…je m’y précipite.Je bois.Le vin est s
CHAPITRE 34 — Tu ris encore. Mais ça sonne un peu faux.MARGOVendredi, 19h44.— Sors un peu. T’as besoin de décrocher.C’est ce qu’elles m’ont dit.Alors j’ai mis une robe.Pas celle qui fait trop.Pas celle qui attend.Une autre. Inoffensive. Couleur champagne, matière fluide.Un entre-deux qui ne tranche rien. Comme moi, ce soir.On est dans ce bar que Zoé adore.Briques apparentes. Néons pastel. Verres embués.Les cocktails portent des noms absurdes. Les serveurs ont des tatouages au cou.La playlist hésite entre disco cynique et électro euphorisante.Autour, tout le monde parle fort, rit un peu trop.Moi, je fais comme si.Je ris, oui. Je ris même bien.Mais il y a un battement de retard, dans tout.Une micro-fracture entre mes gestes et mes pensées.Je m’efforce de rester là. D’être dans le présent.Mais quelque chose en moi flotte en dehors de la scène.Une spectatrice en hauteur, qui observe sans intervenir.Et ce bruit de fond.Toujours.Comme un bourdonnement intérieur.Un é
CHAPITRE 33 — L’air a changéMARGOLundi, 8h07.C’est peut-être une coïncidence.Le badge d’entrée a buggé une seconde avant de reconnaître mon accès.Une micro-latence. Deux secondes à peine.Mais assez pour créer un frottement dans la mécanique.Je m’arrête devant l’ascenseur.La lumière du bouton clignote une fois de trop.Mon reflet dans la paroi d’acier est plus pâle qu’hier.Tout fonctionne.Mais l’air a changé.Et personne ne semble le remarquer.Les murs, eux, ne parlent pas.Mais ils se souviennent.Et moi, je sens. Pas encore de la peur. Mais une crispation. Un déplacement.8h11.Paul est absent.Pas de gobelet de café sur son bureau.Pas de sac négligemment posé.Juste son ordinateur allumé.Et une réunion planifiée à 8h pile.Avec Elias.Je n’ai pas été invitée.Je m’installe. J’ouvre mes fichiers. Je tente de me concentrer.Mais quelque chose tourne en tâche de fond.Comme une mise à jour lancée à mon insu.Un programme parallèle.9h02.Paul revient.Il évite mon regard.
CHAPITRE 32 — Tu m’as exposé. Tu vas apprendre ce que ça coûte.ELIASJe ferme la porte de la salle de réunion.Je ne claque pas.Je ne tremble pas.Je ne fuis pas.Je ferme. Lentement. Précisément.Comme on referme un dossier classé sensible.Comme on efface une scène de crime.Je marche.Couloir. Pas feutrés. Têtes baissées. Personne n’ose me regarder.Ils ont senti. L’électricité dans l’air.L’anomalie.Et ce silence… ce silence autour de moi, je le connais.Il précède toujours quelque chose.Un mouvement. Une décision. Un retour de balancier.Je rentre dans mon bureau.Je verrouille.Pas parce que j’ai besoin d’intimité.Parce qu’il faut contrôler l’espace.Fixer les limites.Effacer l’ouverture.Je reste debout. Immobile.Pas de gestes brusques.Pas de cris.Le bruit, c’est pour ceux qui n’ont plus d’arme.Le chaos est un aveu.Moi, j’observe.Je recalcule.Je réévalue.Comme on redéfinit une ligne de feu après une frappe inattendue.Elle m’a exposé.Devant lui.Devant elle-même.
CHAPITRE 31— On ne joue pas avec ce que je ne veux plus perdreMARGOJe le vois.Le glissement. Le basculement.Il commence à la septième minute.Juste là. Silencieux. Viscéral.Paul parlait encore avec aplomb, s’appuyait sur les chiffres, les dates, les clauses comme sur une rampe solide. Il maîtrisait. Il croyait maîtriser.Et puis Elias a commencé.Pas frontalement.Jamais frontalement.C’est un serpent, Elias.Il s’insinue. Il goûte la faille avant de planter les crocs.— Le contrat de sous-traitance… Tu l’as validé toi-même, Paul ?Paul hoche la tête. Confiant.— Oui, bien sûr. Revu avec le service compliance. La dernière version est de moi.Elias incline doucement la tête. Un sourire presque encourageant.— Intéressant.Un seul mot.Mais moi, je sais ce qu’il fait.Ce n’est pas une observation.C’est une amorce.Et il va l’effriter, centimètre par centimètre.12h13Elias ouvre le document imprimé, lentement, comme s’il révélait une pièce à conviction.Il le tourne vers Paul. Un
CHAPITRE 30 — Tu n’es rien pour me jugerMARGOJe n’ai pas dormi.Ou alors mal. , par à-coups.Des rêves confus, sans logique, sans chronologie.Des flashs : un regard noir. Une main qui serre. Une voix qui murmure trop près de l’oreille.Je me suis réveillée plusieurs fois, suffocante. Les draps humides. Le cœur affolé.Et toujours ce message dans ma tête. Tu es sortie dîner.Sept mots. Une déclaration, pas une question.Un constat. Un verdict.Presque une gifle.Je l’ai lu, relu, re-relu.Comme s’il contenait un piège que je n’avais pas encore déchiffré.Et à 3h12 du matin, dans l’obscurité, le visage brûlé de sommeil et de colère, j’ai tapé une réponse.Je ne l’ai pas envoyée. Pas tout de suite.Je l’ai gardée. Nourrie. Mastiquée.Je voulais que ça coupe net. Que ça morde.Message envoyé — 08:41> Tu n’es rien pour me juger. Occupe-toi de ta femme.Rien d’autre.Pas de signature. Pas de justification.Pas d’adoucissant.Trois minutes passent.Pas de réponse.Il a vu. Je le sais.M