Share

chapitre 5

Author: Marcia778
last update Last Updated: 2025-07-24 18:34:49

⊰᯽⊱

Durant ses deux dernières années, Alessia pouvait énumérer les moments qui l'avaient vraiment rendue heureuse. Elle n'était pas bien nombreuse, mais c'était déjà suffisant.

La première fois avait été lorsqu'elle avait pris la petite Jun dans ses bras pour la première fois, la deuxième fois avait été lors de ses premiers pas et la troisième avait été lorsqu'elle l'avait appelée "maman". Elle n'était peut-être pas sa fille, mais l'avoir portée dans son ventre avait été une expérience gratifiante et elle faisait chacune de ses joies. Mais par moments, elle ne cessait de se demander comment serait sa vie si elle n'avait pas accepté d'aider Eleanor. Peut-être serait-elle plus heureuse.

Après le repas chez les BlackWood, les jours s'étaient succédé. Alessia avait fait plus ample connaissance avec Liam et Kaëlle, devenant amie avec ces derniers, mais toujours pas au point de se confier. Elle espérait que cela change un jour. Elle se cachait toujours de son garde du corps ; elle ne voulait pas que cela atteigne les oreilles de son mari. Elle ne savait pas pourquoi elle le lui cachait.

C'était un sentiment qu'elle ne pouvait décrire.

Durant cette même semaine, Alessia avait reçu ses beaux-frères. Depuis le repas, Nathaniel n'arrêtait pas de la coller, et Alessia avait laissé faire. Comme en ce moment.

— Alessia, tu m'écoutes ? fit la voix douce de Nathaniel, la sortant de sa rêverie.

— Oui ! Oui, je t'écoute, Nathaniel, répondit-elle d'une voix évasive.

— Mouais… Je disais : et si on allait en boîte ce soir ? Ça fait longtemps que je ne me suis pas éclaté, roucoula Nathaniel.

— C'est pas possible, Nathaniel.

— Pourquoi ce ne serait pas possible ? Ses joues s'étaient gonflées en une moue boudeuse. Je ne peux pas y aller seul, t'es ma seule amie.

Alessia voyait bien que son beau-frère voulait y aller, mais elle ne pouvait pas. Elle n'était déjà pas maîtresse de sa propre vie, alors décider si elle devait oui ou non sortir n'était pas de sa responsabilité. Elle posa tout de même les vêtements sur le lit et prit place près de lui. Jun jouait dans un coin de la pièce.

— Nate… Faisons un truc, prit-elle une voix plus douce et calme. Allons nous promener.

Nathaniel l'avait regardée un moment avant de finalement hocher la tête. Ce n'était peut-être pas une sortie en boîte, mais c'était déjà ça. Alessia lui sourit alors et se leva.

— Laisse-moi juste aller me changer.

Et elle avait disparu. Nathaniel secoua la tête. Il la trouvait tellement mignonne. Sa mère avait raison, elle était un amour, toujours à penser aux autres mais jamais à elle. Alessia était revenue peu après, ses mains étaient remplies de ses vêtements et de ses produits de beauté. Nathaniel fronça les sourcils.

— C'est quoi ça ? Sa voix dure surprit Alessia.

— Ce sont mes vêtements, répondit-elle, comme une évidence.

— Je vois bien que ce sont tes vêtements, mais ce que je veux savoir, c'est pourquoi tu te changes ici.

Alessia parut déstabilisée par sa question. Elle baissa la tête un moment avant de simplement lui faire un signe de la main, puis elle alla s'enfermer dans la salle de bain. Nathaniel ne comprenait plus rien à tout ça. Il est vrai qu'il n'avait pas été là pour son frère depuis plus de sept ans. Sa mère lui avait raconté les circonstances de son mariage avec Alessia, et il pensait que tout allait bien.

Mais ce qu'il voyait là ne lui plaisait pas.

Il essaya de se distraire en allant jouer avec la petite. Elle était très mignonne, mais elle n'avait aucun trait de ressemblance avec son frère, ni même avec Alessia. Elle ressemblait peut-être à sa défunte femme, pensa-t-il. Luna était venue prendre Jun pour son repas au même moment où la porte de la salle de bain s'ouvrit.

— Je vais lui donner son repas, l'informa la nourrice.

Alessia hocha la tête en serrant la petite cuvette qui contenait ses produits de soins.

— Au revoir, fit la petite Jun, un large sourire faisant fondre le cœur d'Alessia.

— Au revoir, mon amour. Elle lui rendit son geste, un faible sourire sur les lèvres.

La porte se referma derrière eux, les laissant seuls. Nathaniel n'avait pas arrêté de la regarder. Il essayait de comprendre, de déchiffrer ces expressions. Mais Alessia le coupa dans son observation. Elle le dépassa et ouvrit la porte. Nathaniel se mit à la suivre.

— Alessia, dis-moi ce qui se passe ici, Nathaniel n'avait pas cessé de demander.

Alessia s'arrêta devant une porte que Nathaniel devina être celle qu'elle partageait avec son frère. Alessia avait poussé la porte, et lorsqu'elle avait mis un pied à l'intérieur, il comprit tout.

La chambre était remplie de photos de mariage d'Ethan et de sa sœur, et la plus grande de toutes se trouvait contre la tête du lit. On ne pouvait pas la manquer. Nathaniel avait été tellement obnubilé par tout ça qu'il ne s'était même pas rendu compte qu'Alessia était déjà revenue vers lui.

— A… Alessia… Il baissa les yeux, ne sachant que dire. Je ne sais pas quoi dire.

Alessia s'était avancée vers lui. Elle porta à son tour un regard sur cette chambre, celle qui devait normalement lui appartenir mais dont elle n'avait aucun droit. Il y avait ses affaires un peu partout, et d'un autre côté, elle avait l'impression que cette chambre n'avait rien d'elle.

— T'as rien à dire, Nate. Cette vie, je l'ai renoncée au détriment de ma sœur. Ses yeux restèrent fixés sur ceux de sa sœur.

Elle avait l'impression de se faire narguer, juger et dénigrer, et chaque jour, cela devenait insupportable.

Nathaniel était venu la mettre face à lui, les mains sur ses épaules.

— Tu ne peux pas laisser faire ça. Certes, t'as décidé d'aider ta défunte sœur, mais elle est morte, et Ethan est ton mari. Donc cette chambre est à toi, tu peux faire ce que tu veux.

Nathaniel avait dit ça avec tellement de colère. Il détestait l'injustice que subissait sa belle-sœur. Alessia n'avait pas retenu ses larmes de couler.

— Mais rien de tout cela n'est à moi.

C'était douloureux, mais c'était une nouvelle constatation qu'elle se faisait : elle n'avait rien à elle ici.

.

.

.

« Eleanor, je déteste cette vie. »

Continue to read this book for free
Scan code to download App

Latest chapter

  • Porte Mon Bébé    chapitre 63

    ʚĭɞ L'obscurité habituelle n'était plus. La prairie verdoyante, remplie de ses magnifiques fleurs, de sa colline, du vent frais et rafraîchissant, n'était plus. Seul un blanc immaculé à perte de vue subsistait. C'était froid, d'un froid absolu et stérile, et silencieux, trop silencieux, un silence de cathédrale engloutie.Elle ne savait pas où elle se trouvait. Debout, elle se mit à pivoter sur elle-même, mais rien, pas une âme qui vive, aucun point de repère dans ce néant laiteux. Désespérée, elle s'affaissa, ne sachant pas si la surface qui la soutenait était le sol, le ciel, ou l'entrecroisement des deux. Aucune frontière ne délimitait cet espace hors du monde.Alors qu'une panique glaciale menaçait de submerger son être tout entier, une voix, qu'elle aurait reconnue entre un milliard, s'éleva dans le brouillard. Une petite silhouette se dressa devant elle, son visage flouté, indistinct, comme protégé par un voile d'énergie pure.« Pourquoi tu ne t'es pas battue ? » Sa voix calme

  • Porte Mon Bébé    chapitre 62

    ❈Une voix grave, striée de cette neutralité clinique propre aux annonces tragiques, fendit l’air étouffant de la salle d’attente via le système de hauts-parleurs. « Code rouge. Arrêt cardiorespiratoire en salle de réveil, chambre 4. Équipe de réanimation, stat. »Le cœur d’Ethan Blackwood se bloqua net, comme sidéré, avant de repartir dans un martèlement chaotique qui lui monta à la gorge. Avant même que son cortex cérébral n’ait achevé de traiter l’information, son corps d’alpha avait réagi. Un instinct primal plus fort que la raison. Il fut debout dans un mouvement fluide et violent, enjambant presque le banc où il était assis avec son frère, propulsé par une vague d’adrénaline pure.Il fonça, visant le couloir, ce boyau aseptisé qui menait à l’unique chose qui importait. Damien était à ses trousses, tentant de rattraper son élan désespéré. À peine arrivé devant la porte numérotée 4, une infirmière – un bloc infranchissable en tunique bleue – le repoussa fermement d’une poussée sèc

  • Porte Mon Bébé    chapitre 61

    ❍Ethan Blackwood avait passé la nuit à veiller sur Alessia. « Veiller » était un bien grand mot. Il n’avait été autorisé à rester à son chevet que cinq courtes minutes, le temps de serrer sa main inerte dans les siennes, avant qu’une infirmière ne le prie respectueusement de sortir. Trop de présence, avait-elle expliqué d’une voix douce mais ferme, pourrait nuire à son réveil.Il avait alors rejoint la salle d’attente où Nathaniel l’attendait, immobile et silencieux. Un faible sourire, l’ombre de lui-même, avait étiré les lèvres d’Ethan en l’apercevant. Ils étaient restés là, côte à côte, sans un mot, à observer le ballet silencieux du personnel médical et les angoisses des autres familles en attente. Des heures s’étaient écoulées, rythmées seulement par le tic-tac implacable de l’horloge murale et le bourdonnement étouffé des néons. Lorsque les premières lueurs de l’aube avaient teinté le ciel d’un gris laiteux et que la neige avait commencé à recouvrir la ville d’un linceul immacul

  • Porte Mon Bébé    chapitre 60

    ~ ʚĭɞ ~Ses doigts défilèrent sur son dos nu avec une lenteur délibérée, telle une mélodie de caresses silencieuses. Chaque parcelle de peau, chaque courbe et chaque cicatrice invisible était honorée sous ce toucher possessif et apaisant. Après leur étreinte, Damien s’était retiré, et ce simple geste les fit soupirer en parfaite synchronie, un son lourd de bien-être et de complicité. Puis, sans un mot, il l’avait soulevée dans ses bras, comme si Kaëlle ne pesait pas plus qu’une plume, et l’avait emportée vers la salle de bain.Là, sous la lueur tamisée, il fit couler l’eau de la baignoire, y versant les huiles essentielles que son oméga lui avait tendues. Un parfum envoûtant de vanille et de santal embauma instantanément la pièce, créant un cocon vaporeux. Ils s’installèrent ensemble, l’eau chaude enveloppant leurs corps fatigués. Le dos de Kaëlle vint se coller contre le torse musclé de Damien, et ce dernier enroula fermement ses bras autour de sa taille, l’enserrant dans une bulle d

  • Porte Mon Bébé    chapitre 59

    ~ ʚĭɞ ~Le soleil filtrait ses rayons d’or pâle à travers les voilages, inondant la chambre d’une lumière laiteuse et chaude. Des particules de poussière dansaient comme des paillettes dans l’air, portées par les souffles du vent qui faisaient onduler les rideaux d’un blanc éclatant. Allongée sur le lit immense, Kaëlle avait le bras replié sur son visage, bouclier fragile contre l’assaut de la lumière. Trop épuisée pour se lever, trop vidée pour même fermer complètement les paupières. Depuis son retour de l’hôpital, le sommeil fuyait son corps tendu, son esprit emprisonné dans les mots énigmatiques de Nathaniel, son beau-frère. Une lubie pour le sang… Que cachait cette phrase sibylline ? Un frisson lui parcourut l’échine.Un soupir las, lourd de fatigue et d’interrogations, s’échappa de ses lèvres pulpeuses. Elle se redressa avec une lenteur sensuelle, sculptant son dos cambré contre la tête de lit en acajou massif. Elle glissa un coussin de soie entre ses jambes, un faible réconfort,

  • Porte Mon Bébé    chapitre 58

    ~ ʚĭɞ ~Sur le chemin sinueux qui serpentait vers l’hôpital, Ethan Blackwood sentait son cœur battre à tout rompre contre sa cage thoracique, comme un oiseau affolé pris au piège. Maintenant que l’adrénaline de la crise retombait, une marée noire d’angoisse l’envahissait, lui serrant la gorge et le ventre. Son téléphone vibrait sans relâche contre le cuir de son siège. Il jeta un regard fiévreux à l’écran où le nom de Nathaniel dansait, les lettres semblant flotter dans l’air épais de l’habitacle, telles des lucioles hypnotiques et menaçantes.Il brûlait de répondre, mais une peur viscérale, primitive, lui tordait les entrailles. La perspective d’entendre une mauvaise nouvelle, déformée par la froideur d’un appareil, lui était insupportable. Il devait être là. Il devait voir, entendre, toucher la réalité. Son véhicule, une BMW noire aux lignes agressives, s’immobilisa dans un crissement à peine audible devant l’entrée glaciale des urgences. La portière s’ouvrit avant même que le moteu

More Chapters
Explore and read good novels for free
Free access to a vast number of good novels on GoodNovel app. Download the books you like and read anywhere & anytime.
Read books for free on the app
SCAN CODE TO READ ON APP
DMCA.com Protection Status