LOGIN⊰᯽⊱
Durant ses deux dernières années, Alessia pouvait énumérer les moments qui l'avaient vraiment rendue heureuse. Elle n'était pas bien nombreuse, mais c'était déjà suffisant. La première fois avait été lorsqu'elle avait pris la petite Jun dans ses bras pour la première fois, la deuxième fois avait été lors de ses premiers pas et la troisième avait été lorsqu'elle l'avait appelée "maman". Elle n'était peut-être pas sa fille, mais l'avoir portée dans son ventre avait été une expérience gratifiante et elle faisait chacune de ses joies. Mais par moments, elle ne cessait de se demander comment serait sa vie si elle n'avait pas accepté d'aider Eleanor. Peut-être serait-elle plus heureuse. Après le repas chez les BlackWood, les jours s'étaient succédé. Alessia avait fait plus ample connaissance avec Liam et Kaëlle, devenant amie avec ces derniers, mais toujours pas au point de se confier. Elle espérait que cela change un jour. Elle se cachait toujours de son garde du corps ; elle ne voulait pas que cela atteigne les oreilles de son mari. Elle ne savait pas pourquoi elle le lui cachait. C'était un sentiment qu'elle ne pouvait décrire. Durant cette même semaine, Alessia avait reçu ses beaux-frères. Depuis le repas, Nathaniel n'arrêtait pas de la coller, et Alessia avait laissé faire. Comme en ce moment. — Alessia, tu m'écoutes ? fit la voix douce de Nathaniel, la sortant de sa rêverie. — Oui ! Oui, je t'écoute, Nathaniel, répondit-elle d'une voix évasive. — Mouais… Je disais : et si on allait en boîte ce soir ? Ça fait longtemps que je ne me suis pas éclaté, roucoula Nathaniel. — C'est pas possible, Nathaniel. — Pourquoi ce ne serait pas possible ? Ses joues s'étaient gonflées en une moue boudeuse. Je ne peux pas y aller seul, t'es ma seule amie. Alessia voyait bien que son beau-frère voulait y aller, mais elle ne pouvait pas. Elle n'était déjà pas maîtresse de sa propre vie, alors décider si elle devait oui ou non sortir n'était pas de sa responsabilité. Elle posa tout de même les vêtements sur le lit et prit place près de lui. Jun jouait dans un coin de la pièce. — Nate… Faisons un truc, prit-elle une voix plus douce et calme. Allons nous promener. Nathaniel l'avait regardée un moment avant de finalement hocher la tête. Ce n'était peut-être pas une sortie en boîte, mais c'était déjà ça. Alessia lui sourit alors et se leva. — Laisse-moi juste aller me changer. Et elle avait disparu. Nathaniel secoua la tête. Il la trouvait tellement mignonne. Sa mère avait raison, elle était un amour, toujours à penser aux autres mais jamais à elle. Alessia était revenue peu après, ses mains étaient remplies de ses vêtements et de ses produits de beauté. Nathaniel fronça les sourcils. — C'est quoi ça ? Sa voix dure surprit Alessia. — Ce sont mes vêtements, répondit-elle, comme une évidence. — Je vois bien que ce sont tes vêtements, mais ce que je veux savoir, c'est pourquoi tu te changes ici. Alessia parut déstabilisée par sa question. Elle baissa la tête un moment avant de simplement lui faire un signe de la main, puis elle alla s'enfermer dans la salle de bain. Nathaniel ne comprenait plus rien à tout ça. Il est vrai qu'il n'avait pas été là pour son frère depuis plus de sept ans. Sa mère lui avait raconté les circonstances de son mariage avec Alessia, et il pensait que tout allait bien. Mais ce qu'il voyait là ne lui plaisait pas. Il essaya de se distraire en allant jouer avec la petite. Elle était très mignonne, mais elle n'avait aucun trait de ressemblance avec son frère, ni même avec Alessia. Elle ressemblait peut-être à sa défunte femme, pensa-t-il. Luna était venue prendre Jun pour son repas au même moment où la porte de la salle de bain s'ouvrit. — Je vais lui donner son repas, l'informa la nourrice. Alessia hocha la tête en serrant la petite cuvette qui contenait ses produits de soins. — Au revoir, fit la petite Jun, un large sourire faisant fondre le cœur d'Alessia. — Au revoir, mon amour. Elle lui rendit son geste, un faible sourire sur les lèvres. La porte se referma derrière eux, les laissant seuls. Nathaniel n'avait pas arrêté de la regarder. Il essayait de comprendre, de déchiffrer ces expressions. Mais Alessia le coupa dans son observation. Elle le dépassa et ouvrit la porte. Nathaniel se mit à la suivre. — Alessia, dis-moi ce qui se passe ici, Nathaniel n'avait pas cessé de demander. Alessia s'arrêta devant une porte que Nathaniel devina être celle qu'elle partageait avec son frère. Alessia avait poussé la porte, et lorsqu'elle avait mis un pied à l'intérieur, il comprit tout. La chambre était remplie de photos de mariage d'Ethan et de sa sœur, et la plus grande de toutes se trouvait contre la tête du lit. On ne pouvait pas la manquer. Nathaniel avait été tellement obnubilé par tout ça qu'il ne s'était même pas rendu compte qu'Alessia était déjà revenue vers lui. — A… Alessia… Il baissa les yeux, ne sachant que dire. Je ne sais pas quoi dire. Alessia s'était avancée vers lui. Elle porta à son tour un regard sur cette chambre, celle qui devait normalement lui appartenir mais dont elle n'avait aucun droit. Il y avait ses affaires un peu partout, et d'un autre côté, elle avait l'impression que cette chambre n'avait rien d'elle. — T'as rien à dire, Nate. Cette vie, je l'ai renoncée au détriment de ma sœur. Ses yeux restèrent fixés sur ceux de sa sœur. Elle avait l'impression de se faire narguer, juger et dénigrer, et chaque jour, cela devenait insupportable. Nathaniel était venu la mettre face à lui, les mains sur ses épaules. — Tu ne peux pas laisser faire ça. Certes, t'as décidé d'aider ta défunte sœur, mais elle est morte, et Ethan est ton mari. Donc cette chambre est à toi, tu peux faire ce que tu veux. Nathaniel avait dit ça avec tellement de colère. Il détestait l'injustice que subissait sa belle-sœur. Alessia n'avait pas retenu ses larmes de couler. — Mais rien de tout cela n'est à moi. C'était douloureux, mais c'était une nouvelle constatation qu'elle se faisait : elle n'avait rien à elle ici. . . . « Eleanor, je déteste cette vie. »~ ʚĭɞ ~Le bonheur est un sentiment étrange, insaisissable et doux comme la brume du matin. Nous ne savons toujours pas comment l'expliquer, comment il peut, d'un seul coup, nous saisir les entrailles, nous soulever de terre et nous donner cette impression de flotter entre ciel et terre, le cœur battant au rythme effréné d'un bonheur presque effrayant. Aimer, c'est aussi savoir libérer l'être aimé, c'est dire au revoir avec un sourire tremblant et lui souhaiter d'être heureux, même si ce bonheur se construit un peu sans nous.C'était la philosophie de Jun. Aujourd'hui était son jour, le jour où elle allait enfin dire « oui » à son alpha. Elle, une simple bêta, allait s'unir à un alpha. Une part d'elle tremblait, hantée par le spectre de sa défunte mère, dont l'histoire d'amour avait fini en tragédie. Mais l'autre part, la plus forte, la plus vibrante, se sentait si confiante, si sûre, que tous ses doutes se dissolvaient comme neige au soleil devant le simple sourire de Yoonbin. Yoonbi
~ ʚĭɞ ~Un calme précaire, lourd de non-dits et de cicatrices récentes, était retombé sur la maison. La vie, inexorable, avait repris son cours. Les enfants étaient retournés à l’école, absorbés par le tourbillon des révisions du BAC – Tae-ho, Ji-hoon et Ta-ri plongés dans leurs manuels, le silence de leurs chambres seulement troublé par le grattement fébrile des stylos. À l’université, Leifa enchaînait les partiels pour valider son premier semestre, le cœur mêlé d’excitation et d’appréhension. Quant au petit Rin, il se débattait encore avec les complexités du lycée, mais avait franchi avec succès le premier obstacle de ses examens, une petite victoire qui lui avait valu un rare sourire de fierté.Parmi eux, Jun était celle qui brûlait d’une flamme nouvelle, presque expiatoire. Partagée entre les exigences de l’université et son besoin viscéral de retrouver la chaleur familiale, elle se donnait à fond. Elle savait, avec une lucidité qui lui tordait le ventre, qu’elle ne pouvait pas ef
✍L'air de la salle d'attente était lourd, saturé d'une anxiété aussi épaisse que la fumée d'un incendie. Chaque seconde qui s'écoulait, froide et impersonnelle, ricochait contre les murs blancs et semblait frapper Ethan Blackwood en plein cœur. Il arpentait l'espace restreint, un fauve en cage, les poings si serrés que ses ongles creusaient des demi-lunes écarlates dans sa paume. La culpabilité était un acide qui rongeait ses entrailles. Il avait laissé le travail, ce monstre vorace, lui dévorer l'âme, négligeant l'essentiel : sa famille. Et aujourd'hui, le prix de son absence avait été prélevé sur la chair de sa femme. Une rage impuissante monta en lui, brûlante et incontrôlable. Son poing s'écrasa contre le mur avec un bruit sourd et mat, un écho misérable à la tempête qui faisait rage en lui.— T'as pas besoin de tout casser, grogna une voix rauque à l'entrée.Nathaniel se tenait là, adossé au chambranle, silhouette élancée et visage de marbre. Ses yeux en amande, d'une lucidité t
✍La terrasse, ce havre de paix oublié, dominait la propriété de son promontoire. C'était un espace spacieux, autrefois animé par les rires et le doux cliquetis des tasses de thé. Les tables de bois, maintenant pâlies par le soleil et la pluie, et les chaises aux coussins défraîchis, racontaient des jours meilleurs. Un balcon rouillé supportait encore les pots de fleurs desséchées, squelettes d'une beauté passée. Alessia, craignant pour la sécurité des plus jeunes, en avait interdit l'accès, scellant ce lieu dans le silence.Mais aujourd'hui, le silence était brisé. Jun se tenait là, le cœur battant à se rompre, prisonnière de Luna, son ancienne nourrice, sa confidente. Cette femme en qui elle avait déposé tous ses secrets, ses peurs d'adolescente, ses rêves fragiles. Elle lui avait offert une confiance aveugle, et en retour, Luna avait tissé sa trahison avec une patience diabolique. Elle s'était servie de Jun comme d'une arme pour blesser sa mère, pour lui briser le cœur à coups de m
✍Sur le chemin du retour, Nathaniel avait lancé l’appel, ses doigts se crispant sur le cuir du volant au point que ses articulations blanchirent, telles des éclats d’os sous sa peau. Son regard, déjà, était un brasier où dansaient des flammes jaunes et rouges, et son sourire carnassier stria son visage d’une promesse de violence. Une excitation presque palpable émanait de lui. C’était drôle, songea-t-il, comme certains croyaient le posséder ou le deviner. Il surpassait ses frères en ruse et en patience ; la traque était pour Lui un art sacré.La voix de Mark, nette et précise, s’éleva dans l’habitacle, brisant le rugissement feutré du moteur.« Monsieur Sterling, vous l’avez trouvée ? » demanda Mark à l’autre bout du fil.Une chaleur fugace, douce et familière, embrasa les joues de Nathaniel. Il adorait la façon dont le nom de sa femme résonnait, même dans la bouche d’un subalterne. Vingt ans de mariage, et pourtant, une flamme persistante lui chauffait la poitrine à chaque évocation
✍La nuit avait été interminable pour Jun. Chaque minute écoulée avait été une éternité à ruminer dans l’obscurité, le souvenir cuisant de la gifle de son oncle encore brûlant sur sa joue. Comme une marque au fer rouge, cette douleur physique avait réveillé en elle une lucidité brutale. Les mots cinglants de Nathaniel, ses questions sur Luna, étaient encore suspendus dans l’air de la chambre, un poison persistant qu’elle respirait malgré elle. Il était parti depuis une quinzaine de minutes, la laissant seule face au silence et à la honte.Quand la sonnerie de son téléphone avait déchiré le calme, ce fut comme une décharge électrique. Le cœur battant à tout rompre, elle avait déverrouillé l’écran. Les lettres semblaient vaciller, danser devant ses yeux embués, se refusant à former un sens cohérent. Puis, elle avait lu. Yoonbin. Un froid glacial avait immédiatement submergé la chaleur de ses larmes récentes. Ses mots à lui étaient simples, presque cliniques, et c’est cette simplicité mê







