DAMON
Je raccrochais mon téléphone et le posai sur la table de nuit de ma chambre, les mots de Cassidy encore suspendus dans l’air.
— « Elle va foutre en l’air tout ce qu’on a préparé. »
Willow. Quelque chose clochait chez elle. Depuis qu’on était arrivés chez ses parents, je sentais qu’elle m’échappait. Son regard n’était plus le même. Elle doutait. Elle soupçonnait quelque chose.
Mais non. Si elle nous avait surpris, elle aurait déjà explosé. Willow était trop émotive pour garder un secret. Trop pure pour jouer aux stratèges.
Elle ne savait rien.
Elle ne connaissait de moi que ce que j’avais bien voulu lui montrer : l’homme parfait. Doux, fidèle, patient. L’amoureux modèle. Elle avait toujours été une proie facile. Naïve. Rêvant de contes de fées. Il m’avait suffi de jouer le prince.
Richard Valdrake , mon vrai père. Il m’avait fixé une mission : infiltrer le Groupe Leclair, le démanteler de l’intérieur. Et en échange, il ferait de moi son héritier. Son fils reconnu. Fini les humiliations. Fini l’ombre. Place à Damon Valdrake et Maxime Valdrake son fils légitime pourrait aller se rhabiller.
Willow était la clé de tout. Son nom. Son empire. Son cœur fragile.
Comment tout avait commencé ? Je me souvenais encore de mon premier jour au Groupe Leclair.
J’étais un simple employé, un assistant anonyme dans le département des finances.
William Leclair, le père de Willow, était un homme intimidant, un requin des affaires qui jaugeait tout le monde avec suspicion. Mais j’avais étudié ses failles.
Il valorisait le travail acharné, la loyauté, et, plus que tout, sa précieuse fille.
Lors d’une réunion, une crise avait éclaté : une erreur dans un contrat menaçait de coûter des millions. Les cadres s’embourbaient dans leurs disputes, et moi, depuis le fond de la salle, j’avais saisi ma chance.
J’avais levé la main et proposé une solution claire, précise, salvatrice.
William m’avait fixé, impressionné. « Bien joué », avait-il murmuré. À partir de ce moment, je m’étais rendu indispensable. Je restais tard, apportais des idées, flattais son ego sans en faire trop.
Et quand je lui avais parlé de mon « enfance difficile », un tissu de mensonges bien ficelé, il avait baissé sa garde.
« Tu me rappelles ma jeunesse », m’avait-il dit un jour, une main sur mon épaule.
J’avais souri, mais intérieurement, je jubilais. Le grand William Leclair était à ma merci, et sa fille allait bientôt suivre.
Et Cassidy ?
Une simple pièce de plus sur l’échiquier.
Une fille recueillie, rongée par l’envie.
Elle m’avait été livrée sur un plateau.
Sa haine pour Willow était une mine d’or que j’avais creusée jusqu’à la moelle.
Aujourd’hui, elle m’écoutait, elle m’obéissait, elle aurait fait tout pour moi.
J’avais fait ma demande. En bonne et due forme.
Willow hésitait ? Très bien. J'allais la briser doucement. La pousser à dire oui. Lui faire comprendre qu'un homme comme moi, pouvais largement se satisfaire d'autres femmes !
Ensuite, tout s’enchaînerait. Un mariage somptueux, où tout le monde admirerait le couple parfait. Un voyage de noces dans un coin paradisiaque, loin des regards. Et puis… un tragique accident de voiture. J’avais déjà tout imaginé : les freins sabotés, une route glissante, un ravin. Les journaux feraient leurs gros titres : « Le voyage de l’horreur », pleureraient-ils, tandis que moi, le veuf éploré, je recueillerais la compassion du monde entier. Cassidy, elle, s’occuperait de William Leclair. Un homme brisé par la mort de sa fille serait une proie facile. Elle saurait comment le faire basculer : un verre de trop, un médicament mal dosé, une crise cardiaque qu’on mettrait sur le compte du chagrin, et sa charmante femme mettrait fin a ses jours par désespoir.
Le Groupe Leclair tomberait entre nos mains, vidé de ses forces.
Rien ne m’arrêterait. Rien ne nous arrêterait !
Je voulais récupérer mon rang, celui que mon père m’avait promis si je réussissais et par la même occasion, je comptais m'occuper du fils légitime de mon père, mon demi frère Maxime !
Lui aussi aurait une fin tragique !
Cassidy rêvait de l’héritage, de cette fortune que Willow avait eue sans effort, alors qu’elle avait l’impréssion de n’avoir que des miettes.
On était liés par la même rage, la même soif. La vie nous avait volé ce qui nous revenait de droit, et on allait le reprendre, quoi qu’il en coûte.
WILLOWMes jambes tremblaient, mais ce n’était plus la peur. C’était la rage, une vague brûlante, presque sauvage, qui montait dans ma poitrine, prête à tout dévaster sur son passage. Diane me regardait, perchée sur son piédestal invisible, son sourire carnassier étirant ses lèvres comme une reine triomphante, ses yeux brillants d’une assurance qui me donnait envie de hurler. Maxime, lui, restait figé derrière son bureau, ses poings serrés si fort que ses phalanges blanchissaient, ses yeux passant de Diane à moi avec une intensité qui trahissait un désarroi profond, un abîme de confusion. Et moi… moi, je n’avais plus envie de subir, de me taire, de laisser son ombre empoisonner ma vie, notre vie.Je lâchai mon sac sur le bureau, le claquement résonnant dans la pièce comme un coup de feu, un son sec qui coupa le souffle de l’air stagnant. Aaron sursauta, sa petite voiture en plastique s’immobilisant sur l’accoudoir du fauteuil, ses yeux ronds levés vers moi, pleins d’une innocence qui
MAXIMEJe n’avais pas prévu sa visite. La porte de mon bureau s’ouvrit sans préavis, un grincement discret qui me fit lever les yeux de mes dossiers. Diane entra, son pas assuré résonnant sur le parquet, Aaron accroché à sa main comme une extension de son ombre. Le petit garçon, ses boucles brunes tombant sur son front, serrait une peluche contre sa poitrine, ses yeux curieux balayant la pièce. L’air sembla se figer autour de moi, un froid soudain envahissant l’espace, comme si la température avait chuté en une seconde. Mon souffle se bloqua, et une vague de colère mêlée de panique monta dans ma gorge.Je me levai d’un bond, ma chaise raclant le sol avec un bruit sec. Mes poings se serrèrent instinctivement, mes ongles s’enfonçant dans mes paumes.— Qu’est-ce que tu fais là, Diane ? lâchai-je, ma voix rauque, tranchante. Je t’interdis de ramener l’enfant ici !Elle ne broncha pas, son visage restant impassible, ses lèvres s’étirant dans ce sourire perfide que je connaissais trop bien,
WillowJe montai les marches du siège d’un pas hésitant, chaque degré semblant vibrer sous mes pieds comme une corde prête à rompre. Le dossier du test ADN, rangé dans mon sac, pesait comme un poids mort, tirant mon épaule vers le bas, un rappel constant de la vérité que je portais. Chaque pas résonnait dans le couloir silencieux, un écho sec comme une gifle, amplifiant le chaos dans ma tête. J’avais besoin de voir Maxime, besoin de lui parler, de poser cette vérité entre nous comme un couperet. Mais les mots refusaient de se former, restant coincés dans ma gorge, lourds, indigestes. Comment lui dire ? Comment détruire son monde avec une seule phrase ? Comment lui annoncer que l’enfant qu’il croyait peut-être être le sien était en réalité celui de son père ?Et puis je m’arrêtai net, le souffle coupé.Au bout du couloir, une silhouette familière venait de franchir la double-porte vitrée du bureau de Maxime. Diane. Son ombre élancée glissait sur le verre comme une tache d’encre, son sa
willowJe pris l’enveloppe, mes mains moites glissant sur le papier. Mon cœur battait si fort que j’avais l’impression qu’il allait déchirer ma poitrine, un tambour incessant qui noyait tout le reste. Mes doigts, maladroits, déchirèrent le rabat, et je dépliai lentement le rapport, chaque mouvement alourdi par une peur viscérale.Les mots me sautèrent au visage, noirs, implacables, imprimés en caractères froids et cliniques : Résultat de la comparaison ADN : Maxime n’est pas le père biologique d’Aaron.Je sentis le sol vaciller sous mes pieds, un vertige soudain qui me fit vaciller sur le canapé. Mes yeux relurent les mots, encore et encore, comme si je pouvais les forcer à changer.— Non… non, ce n’est pas possible…, murmurai-je, ma voix brisée, à peine un souffle. Diane… elle était si sûre… elle disait…Lucy posa sa main sur la mienne, ses doigts chauds contrastant avec la froideur qui envahissait mon corps. Ses yeux, humides, cherchaient les miens, pleins d’une compassion qui me se
WILLOW— Je ne peux pas, Willow, dit-elle, sa voix se brisant. C’est à toi de le faire. Mais quoi qu’il y ait là-dedans, je suis là. On traverse ça ensemble, d’accord ?Je fixai l’enveloppe, mes doigts crispés sur le papier, incapable de faire le moindre mouvement. Elle était là, entre mes mains, une vérité scellée qui pouvait tout détruire ou tout réparer. Mes yeux glissèrent vers Lucy, cherchant un ancrage dans son regard, mais elle semblait aussi perdue que moi, ses mains jointes si fort que ses jointures blanchissaient. Le silence entre nous était étouffant, seulement brisé par le tic-tac d’une vieille horloge dans un coin du salon, chaque seconde amplifiant la tension qui pesait sur mes épaules.— Lucy… commençai-je, ma voix tremblante, à peine audible. Comment je suis censée faire ça ? Et si… et si ça confirme tout ce que Diane a dit ? Si tout ce que je croyais sur Maxime, sur nous, n’était qu’un mensonge ?Lucy se pencha en avant, ses yeux brillants d’une détermination farouche
WILLOWQuelques jours avaient passé, mais le calme qui avait regagné la maison ne m’atteignait pas. Les murs familiers, avec leurs teintes chaudes et leurs cadres soigneusement alignés, semblaient m’observer en silence, comme s’ils connaissaient mes secrets. Le craquement du parquet sous mes pas, l’odeur douce-amère du café qui flottait chaque matin dans la cuisine, la lumière tamisée des lampes que nous allumions le soir – rien de tout cela ne suffisait à apaiser l’écharde plantée dans mon cœur. Elle était là, insidieuse, une douleur sourde qui s’intensifiait à chaque instant de silence entre Maxime et moi. Même blottie contre lui la nuit, son corps chaud pressé contre le mien, son souffle régulier rythmant l’obscurité, je ne pouvais chasser le doute qui s’était insinué en moi. Chaque regard qu’il me lançait, chaque pause dans nos conversations, semblait chargé d’un poids que nous n’osions nommer. Était-ce de la peur ? De la culpabilité ? Ou simplement le fantôme de Diane, tapi dans