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Chapitre 6 : Le Poids des Clés

Author: Darkness
last update Last Updated: 2025-11-26 21:08:52

Sofia

Je baisse les yeux, jouant avec ma serviette. Je sens son regard peser sur moi, évaluant, jaugeant la véracité de mes mots.

— Tu as besoin de repos, dit-il finalement, sa voix neutre. C’est sans doute mieux. Ces réceptions sont épuisantes. Tu resteras ici. Marco veillera sur toi.

— Je n’ai pas besoin de Marco, protesté-je faiblement. Je vais juste dormir.

— Marco restera, coupe-t-il avec une douceur qui n’admet pas de réplique. Je ne veux pas que tu sois seule si tu tombes plus malade.

Bien sûr. Même malade, je dois être gardée. Emprisonnée. Je hoche la tête, feignant la résignation, alors qu’un affreux soulagement m’envahit. La première étape est franchie.

La journée est un supplice. Je reste alitée, écoutant les bruits de la maison se préparer pour le soir. Lorenzo entre une fois, pose une main froide sur mon front.

— Tu n’as pas de fièvre.

— C’est… c’est neuralgique. C’est comme ça.

Il hoche la tête, son expression impénétrable. Il se penche, dépose un baiser sur mon front.

— Repose-toi. Je rentrerai tôt.

Quand il part, enfin, le soir venu, le silence qui envahit la demeure est assourdissant. Je me lève, enroulée dans un peignoir. Mes jambes sont de la guimauve. Marco est en bas, dans le hall d’entrée. Je l’entend allumer la télévision. Le son étouffé des actualités me parvient.

Mon cœur bat à se rompre. C’est maintenant. Le plan est simple, terrifiant. La femme de Luca doit arriver, se faire passer pour une esthéticienne envoyée par mon spa habituel pour un soin d’urgence, sur « commande de M. Rossi » pour me remonter le moral. Une audace incroyable. Si Marco vérifie…

Je me poste à la fenêtre de ma chambre, guettant les phares d’une voiture. Les minutes sont des heures. Et puis, je la vois. Une petite voiture discrète. Elle se gare plus loin dans l’allée. Une femme en uniforme blanc, avec une mallette, en sort et marche d’un pas décidé vers la porte d’entrée.

J’entends la sonnette. Les pas lourds de Marco. Les murmures. Je retiens mon souffle. S’il appelle Lorenzo… S’il a le moindre doute…

La porte de ma chambre s’ouvre. Marco apparaît, son visage impassible.

— Une esthéticienne, Signora Rossi. Votre mari a pris rendez-vous pour vous. C’est une attention de sa part.

Le monde vacille. Lorenzo. Il a devancé Luca ? C’est un piège ? Mon sourire est crispé.

— Oh… c’est… c’est gentil. Faites-la monter.

La femme qui entre est jeune, le visage sérieux. Elle n’a pas le regard vague d’une esthéticienne. Ses yeux balayent rapidement la pièce, puis se posent sur moi.

— Bonsoir, Signora Rossi. Je m’appelle Elena. On m’a dit que vous aviez besoin de vous détendre.

Marco reste sur le pas de la porte, méfiant.

— Je vous laisse, Signora. J’serai juste en bas. Appelez si vous avez besoin de quoi que ce soit.

Il referme la porte. Nous ne sommes plus seules, mais son ombre est juste derrière le bois.

La femme , Elena , pose sa mallette et parle d’une voix claire, professionnelle, pour les murs qui ont peut-être des oreilles.

— Allongez-vous, je vais commencer par un massage du visage. Cela devrait aider votre migraine.

Je m’allonge sur le lit, le corps raide comme une planche. Elle sort des flacons, fait tinter des instruments. Puis, tout en préparant ses produits, elle se penche très près de mon oreille. Son murmure est à peine audible.

— La clé est dans le flacon bleu. Videz-le dans le lavabo. Gardez-la. Copiez tout. Je reviendrai la récupérer dans deux heures, sur le même prétexte.

Elle se redresse, reprenant son volume normal.

— Fermez les yeux, Signora. Détendez-vous.

Mes doigts tremblants attrapent le petit flacon bleu. Je fais semblant de tousser, me dirige vers la salle de bain attenante. Sous le bruit de l’eau qui coule, je dévisse le flacon. Un petit cylindre métallique, une clé USB minuscule, glisse dans ma paume. Je la serre si fort que le métal s’enfonce dans ma chair. Je vide le produit dans le lavabo, le parfum sucré m’envahissant les narines. Je range le flacon vide dans la mallette, la clé USB cachée au creux de ma main.

Je reviens sur le lit, la trahison nichée dans mon poing fermé. Le « soin » dure une éternité. Chaque caresse sur mon visage est un rappel de l’horloge qui tourne. Où la cacher ? Marco pourrait fouiller la chambre.

L’idée vient, désespérée. Sous son regard, je me lève pour boire un verre d’eau sur la table de nuit. D’un geste feintant de maladresse, je fais tomber le verre. L’eau se répand.

— Oh, je suis si maladroite !

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