LOGINAlba
La chaleur est devenue insoutenable. Un four brûlant sous ma peau, allumé par les images que les mots de Samantha ont fait naître. Les draps sont des serpents moites autour de mes jambes. Mon sang bourdonne, chaud et lourd, et je n’arrive pas à trouver le repos. L’image de lui, de ses mains, de sa bouche, tourne en boucle dans ma tête, un mantra obsédant.
Je me lève, poussée par une force primitive. Le parquet est glacé sous mes plantes nues. Je n’enfille qu’un short de soie noir, court, scandaleusement court, et un petit haut blanc, si fin qu’il est presque transparent. Le tissu froisse à peine mes seins tendus, mes mamelons durs comme des cailloux sous la soie. Chaque parcelle de ma peau est en alerte, frémissante.
J’écarte la porte-fenêtre du balcon.
La nuit m’avale d’un coup. L’air frais est une gifle délicieuse sur ma peau en feu. Je m’avance, mes mains nues s’agrippant au bois rugueux de la rambarde. Je respire à fond, mais l’air sent les pins, la terre humide, et une autre chose, masculine, un reliquat de son parfum qui hante la maison. Cela empire tout.
Mes yeux, habitués à l’obscurité, parcourent la façade. Et je le vois.
À l’autre bout, sur le grand balcon, il est là. Une silhouette massive et immobile, noire contre la nuit. Il n’est qu’en pantalon, le torse nu. La lune caresse les muscles de son dos, dessine la puissance de ses épaules, la courbe ferme de ses fesses moulées dans le tissu sombre. Mon ventre se serre, un écho douloureux et doux à la fois.
Comme s’il avait senti le poids de mon désir, il se retourne.
Son regard me frappe de plein fouet. Ce n’est pas un coup d’œil, c’est une possession. Mes poumons se vident. Je ne peux plus bouger, clouée sur place, offerte.
Ses yeux, deux braises dans l’ombre, parcourent mon corps avec une lenteur insoutenable. Je sens leur trajet comme une brûlure. Ils se posent sur mes lèvres entrouvertes, descendent le long de mon cou, s’attardent sur la pointe dure de mes seins qui pointent sous le haut transparent. Le tissu devient une insulte, un obstacle trop mince. Mon souffle s’accélère, ma poitrine se soulève, lui offrant le spectacle.
Son regard descend encore, se brûle sur la peau nue de mon ventre, l’espace de chair entre mon haut et mon short. Il s’y attarde, et je sens une chaleur humide, immédiate, envahir le triangle de soie entre mes jambes. Je suis mouillée. Honteusement, délicieusement mouillée, et il le sait. Il doit le savoir.
Il lève lentement le verre qu’il tenait à la main, boit une gorgée. Je vois les muscles de sa gorge bouger. C’est un geste de défi, de domination. Il pose le verre. Sa main libre, large, aux doigts longs, se pose à plat sur la rambarde. Je ne peux m’empêcher d’imaginer cette main sur ma hanche, l’y maintenant, l’autre relevant mon short de soie…
Un frisson violent me parcourt. Je cambre légèrement le dos, sans même en avoir conscience. Une invitation. Une prière.
Un sourire imperceptible, à peine une ombre, entrouvre ses lèvres. Il comprend. Il répond.
D’un geste d’une lenteur calculée, il passe sa main dans ses cheveux. Puis, cette même main redescend, effleurant son propre torse, traçant un chemin dans la sombre toison qui descend sous la ceinture de son pantalon. Mon regard est aimanté, hypnotisé. Je vois le muscle de son bras se tendre, la puissance contenue dans ce simple geste.
Il ne me quitte pas des yeux. C’est un dialogue silencieux, érotique, d’une intimité brutale. Il me dit, sans un mot, qu’il sait. Qu’il voit mon désir. Qu’il le partage.
Sa main s’attarde sur le bouton de son pantalon. Mon cœur s’emballe, prêt à jaillir de ma poitrine. J’oublie de respirer. Le monde se réduit à cette distance entre nous, à cette main, à ce bouton.
Mais il ne va pas plus loin. Il laisse sa main là, une promesse, une menace. Son regard plonge à nouveau dans le mien, plus sombre, plus intense. Il y a une faim là-dedans. Une faim qui répond à la mienne.
Il se penche alors en avant, ses deux mains s’appuyant sur la rambarde, comme un fauque qui s’étire. La position fait saillir les muscles de ses bras, de son torse. Il est magnifique. Terrible. Dangereux.
Il incline la tête, un ultime signe. Pas un au revoir. Un « à bientôt ».
Puis, il se redresse et rentre dans l’ombre de sa chambre. La porte reste ouverte, un rectangle noir et béant.
Je reste là, tremblante, le corps en feu. La moiteur entre mes cuisses est un rappel cuisant de ce qui vient de se passer. Ma peau vibre encore du passage de son regard. Je porte mes doigts à mes lèvres, les sentant brûlantes.
Je suis entrée dans son jeu. J’ai accepté les règles. Et je sais, avec une certitude qui m’emplit de terreur et d’excitation, que la prochaine fois, il n’y aura plus de balcon entre nous.
AlbaJe lève les yeux vers lui. Je vois la fatigue, la tension, et une lueur de défi qui n’y était pas avant.— Elle me hait maintenant. Vraiment.— Elle craignait l’ombre que tu projetais avant même que tu ne saches toi-même que tu en avais une, répond-il. Ce n’est pas toi qu’elle hait. C’est la lumière que tu reflètes.Il retire sa main, se tourne vers le brocard.— Va te laver. Repose-toi. Nous parlerons plus tard.Je fais un pas, puis deux. Mes jambes sont de plomb. Le froid du matin s’infiltre enfin sous ma peau, remplaçant le feu de la course.Je jette un dernier regard à la porte close de la remise.Je suis rentrée en conquérante, chargée du poids d’une bête et d’une nouvelle peau.Mais une autre chasse vient de commencer. Une chasse silencieuse, dans les couloirs de pierre, où les armes sont des sourires et des sous-entendus, et où la proie, c’est moi.SamanthaLe cognac brûle, mais c’est un feu glacé. Il ne réchauffe rien, il calcine. Il calcine cette image, imprimée au fer r
AlbaLa forêt recule, pas à pas, derrière nos épaules. Elle nous relâche, comme à regret.Entre nous, suspendu à une branche solide, le brocard se balance. Son poids rythme notre marche. Une cadence lente et conquérante. La chaleur de son flanc mort cède déjà à la fraîcheur de l’air matinal. Mon propre corps est une seule vibration. Une corde tendue qui n’a pas encore fini de résonner. Le sang sur mes mains est une seconde peau, collante, métallique, vraie.Chaque pas vers le manoir est une affirmation.Je ne sais pas ce que je suis devenue, là-bas, entre les arbres. Je sais seulement que je ne rentre pas en ayant fui. Je rentre en ayant pris.À mes côtés, Adriel marche. Son silence n’est plus un ordre, ni une mise à l’épreuve. C’est un écho. Il porte l’autre bout du fardeau, et notre synchronie est palpable, physique. Le monde semble réduit à la largeur du sentier, à la solidité du sol sous nos bottes, à la créature que nous rapportons.Le manoir émerge des brumes de l’aube. Il sembl
AlbaLa forêt nous a avalés.Il n’y a plus de temps, plus d’heures. Seulement le mouvement et l’écoute. Le lien. Je ne vois presque plus Adriel. Je le devine. Une ombre plus dense que les autres, un silence qui commande au mien.Chaque pas est une décision irréversible. Chaque respiration, une prise de risque.La trace du brocard devient plus nette. Elle n’est plus une hypothèse, mais une certitude. Une chaleur animale qui flotte dans l’air, mêlée à la sève et à la mousse. Mon cœur ralentit, comme s’il comprenait enfin ce qu’on attend de lui. Il ne bat plus pour fuir. Il bat pour traquer.Adriel s’accroupit brusquement. Je m’immobilise dans le même souffle, sans réfléchir. Devant nous, le sous-bois s’ouvre sur un terrain plus meuble. Une zone de passage. Une coulée.Il lève lentement la main.Arrêt.Je reste figée, muscles bandés, équilibre parfait. Le silence devient si dense qu’il bourdonne dans mes oreilles. Puis je l’entends. Le frottement lourd d’un corps puissant contre les foug
AlbaJe dépose mon front contre son sternum, écoutant le battement régulier de son cœur, ce métronome de puissance animale.— J'ai peur, admis-je, la voix étouffée par son torse.— Bien, dit-il, ses bras se refermant autour de moi. La peur est l'aiguillon. Sans elle, il n'y a pas de courage, seulement de la stupidité. Ta peur, demain soir, tu la donneras à la forêt. Tu la transformeras en attention. En acuité.La veille de la pleine lune, il n'y a plus d'entraînement. Il m'emmène aux thermes, la même salle de bain où tout avait basculé. L'eau est chaude, parfumée aux mêmes huiles. Mais il n'entre pas avec moi. Il reste sur le rebord, me regardant.— Demain, tu ne seras plus Alba, la femme. Tu ne seras pas non plus la promise de l'Alpha. Tu seras un prédateur. Une moitié d'un tout. Oublie tout le reste. Oublie les regards, les jugements, Samantha, Boran. Il n'y aura que la forêt, la lune, moi, et la proie.Je m'enfonce dans l'eau, laissant la chaleur pénétrer mes muscles endoloris.— E
AlbaLes jours avant la pleine lune sont une forme d'entraînement brutal et intime. Adriel ne me prépare pas à chasser un cerf ou un sanglier. Il me prépare à chasser avec lui. La nuance est tout.Il m'emmène chaque après-midi dans une clairière isolée, loin des yeux de la meute. Ici, il n'est plus seulement l'Alpha. Il est un prédateur qui démonte sa propre mécanique pour moi.— Ce n'est pas une question de force, dit-il la première fois, en tournant autour de moi comme un loup autour d'une proie curieuse. C'est une question de perception. Tu dois sentir la forêt avant de la voir. Entendre le silence qui parle.Il m'apprend à écouter le vent non pour sa force, mais pour ce qu'il porte : l'odeur de la terre humide, la trace lointaine d'un animal, l'alerte subtile des oiseaux. Il me fait fermer les yeux, plaçant ses mains lourdes sur mes épaules.— Respire , pas avec ta poitrine. Avec ton ventre. Jusqu'aux racines. Maintenant, dis-moi. Que sens-tu ?Je lutte contre la frustration, cont
AlbaLes jours qui suivent la déclaration sont un champ de bataille froid et silencieux. Le manoir, autrefois simplement hostile, devient une forteresse d'hostilité passive. On s'incline quand je passe, mais les courbures sont trop raides, les yeux fuient le mien, ou pire, s'y attardent avec un mépris glacé. Je suis un spectre en robe noire, la présence indésirable de l'Alpha.Adriel est partout et nulle part. Il règne, distant comme un sommet enneigé, m'impliquant dans les affaires de la meute d'une manière qui ressemble à une initiation brutale. Il exige ma présence lors des audiences, m'assigne la lecture des anciens traités, me confie la gestion des réserves domestiques , des tâches insignifiantes en apparence, mais qui me placent sous le feu des regards de ceux dont j'ébranle l'ordre.Samantha m'évite. Quand nos chemins se croisent, c'est comme passer à côté d'une statue de givre. Son silence est plus lourd que des cris. Kieran est parti pour les frontières, mais son départ n'est







