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Chapitre 2

Author: Harmonie Vaganay
L'homme à l'autre bout du fil a marqué une pause, puis sa voix grave a résonné : « D'accord. Je réglerai tout. Dans quinze jours, je viens te chercher. »

Tiphaine est restée silencieuse une demi-seconde, puis a éclaté d'un rire sans joie.

Elle n'avait encore rien expliqué, et cet homme avait déjà saisi son intention ?

Soit. Il avait deviné juste.

« D'accord », a-t-elle répondu.

Avec les moyens de Fernand, dans quinze jours, même si Gaëtan retournait la terre entière, il ne la retrouverait plus.

Cette nuit-là, Tiphaine a ignoré tous les messages de Gaëtan.

Ce dernier, fou d'inquiétude, a avancé son vol et a quitté précipitamment l'hôpital. Mais en poussant la porte de leur maison, il s'est immobilisé net. L'anxiété dans ses yeux s'est dissipée soudain : sous la lumière dorée du salon, sa Tiphaine était assise tranquillement sur le canapé, regardant la télévision.

« Tiphaine ? Pourquoi es-tu rentrée ? » s'est-il rué vers elle, « Je t'ai envoyé des dizaines de messages... »

Il l'a enserrée brutalement dans ses bras, frottant son menton contre ses cheveux : « Tout va bien. J'ai eu si peur... Je ne peux pas me passer de toi. »

La tendresse dans son regard était sincère. Tiphaine le savait, savait qu'il l'aimait véritablement. Mais elle savait aussi que son amour n'était pas exclusif.

Un sanglot lui est monté à la gorge. Elle s'est pincé fortement la paume pour le refouler.

Un instant, elle a failli tout révéler, mais elle a étouffé cette impulsion. Si elle parlait, elle ne pourrait plus jamais fuir cette relation toxique...

Elle s'est dégagée doucement de son étreinte et a menti d'une voix volontairement neutre : « La course a été reportée. Mon portable était éteint. »

Gaëtan n'a pas perçu les tremblements sous ce calme apparent. Il a souri et lui a tapoté le nez : « Peu importe les messages. Pourquoi ces larmes ? Je ne t'en veux pas. »

« Tu dois avoir faim ? » a-t-il agité les clés de voiture, « J'ai réservé ce restaurant étoilé dont tu rêves depuis des mois. Allons, ma princesse. Ce soir, je te régale ! »

Il a tendu la main vers elle, paume ouverte.

Tiphaine a regardé cette main tendue et était soudain submergée par un souvenir : un après-midi de leurs dix-huit ans. Sur le terrain de basket, l'adolescent lui tendait déjà la main ainsi. Son t-shirt blanc trempé de sueur, un ballon coincé sous le bras, il affichait un sourire bien plus chaleureux qu'aujourd'hui : « Allez, ma princesse ! Aujourd'hui, je te régale ! »

À cette époque, son cœur n'avait de place que pour elle.

Bien que furieuse, Tiphaine a choisi de ne pas punir son estomac et a accepté le rendez-vous.

Et lui ? Rien n'avait changé. Lui qui ne servait jamais personne retroussait ses manches avec une habitude déconcertante, lui servant les plats avec délicatesse, versant le champagne.

Les bulles incessantes dans sa coupe l'ont hypnotisée, jusqu'à ce que la sonnerie stridente d'un téléphone la ramène brutalement à la réalité. Sans ce bruit intrusif, elle aurait plongé à nouveau dans cet amour en apparence si sincère.

« Réponds », a-t-elle dit en baissant les yeux sur sa soupe qu'elle remuait machinalement.

Gaëtan a jeté un regard à son portable, a murmuré une excuse, et est sorti prendre l'appel. À son retour, son expression n'était qu'urgence et remords : « Tiphaine, on a reçu un cas d'urgence nécessitant une opération. Je dois y aller immédiatement. Désolé de devoir couper notre dîner… Demain, je prends un congé pour te consacrer du temps. »

Comment Tiphaine aurait-elle pu manquer le nom qui avait illuminé l'écran ?

Sans vouloir le confronter, elle a hoché la tête : « D'accord, vas-y. »

Sans attendre davantage, Gaëtan a tourné les talons et a quitté le restaurant.

Face à la chaise vide en face d'elle, Tiphaine a senti son cœur picoté d'aiguilles, une vague d'engourdissement lancinante.

Alors qu'elle tentait de reprendre sa fourchette, son téléphone a vibré : un appel vidéo de Jeannine.

Elle l'a ignoré. Jeannine l'a rappelée, obstinée, plus de dix fois. Résignée, Tiphaine a répondu.

La voix sucrée et faussement innocente de cette femme a glissé : « Tu es au restaurant ? Je me disais aussi… Gaëtan sentait fort le fromage en rentrant. »

Elle a appuyé lourdement sur le mot « rentrant », provocation délibérée.

Tiphaine est devenue glaciale : « Tu es pathétique. Tu oublies qui est son épouse légale ? Si je publiais nos conversations, à ton avis, il choisirait qui ? »

Le regard de Jeannine a vacillé, mais son sourire est revenu vite : « Vas-y, fais-le ! Ne raccroche pas… Je vais te montrer qui est vraiment la préférée. »

Tiphaine elle-même ne savait pas pourquoi elle n'avait pas raccroché.

Peu après, la silhouette de Gaëtan est apparue à l'écran.

Jeannine s'est blottie instantanément contre lui, lui cachant délibérément l'écran.

« Gaëtan, es-tu toujours fâché que je sois partie avec un autre ? Si j'étais restée, tu n'aurais jamais choisi Tiphaine… Tu m'aurais épousée, n'est-ce pas ? »

Les sourcils froncés, l'homme a articulé : « Les si n'existent pas. »

« Je pose juste des questions… » Les yeux de Jeannine se sont emplis immédiatement de larmes, « Rien de plus… »

Après un silence, Gaëtan a fini par lâcher : « Oui. »

Cette unique syllabe a pulvérisé les derniers espoirs de Tiphaine. Elle a compris soudain qu'elle n'avait toujours été qu'un substitut à ses yeux.

Elle s'est souvenue de leur jour de mariage. Gaëtan tenait sa main devant les invités et jurait sur l'âme de sa grand-mère adorée : « Moi, Gaëtan Cazal, je n'ai aimé que Tiphaine, et n'aimerai qu'elle. Ma fortune, ma vie, tout lui appartient. Elle a le droit d'être capricieuse, de faire des erreurs, de ne plus m'aimer, même d'en aimer un autre… tant qu'elle ne me quitte pas. »

À l'époque, ces paroles l'avaient fait pleurer de bonheur. Elle avait cru tenir l'amour le plus pur.

Mais maintenant, la vérité criait sa naïveté : elle n'avait jamais été son unique. Jamais. Elle n'était qu'un outil pour faire revenir Jeannine, un jouet dont il n'arrivait pas à se séparer.

Un rire amer lui a échappé, bientôt submergé par des sanglots.

Elle qui croyait avoir connu un amour ardent et sincère, a réalisé qu'elle n'avait toujours été qu'une intruse dans leur relation enracinée depuis l'enfance.

Elle s'est courbée, serrant convulsivement les tissus sur sa poitrine pour retrouver son souffle. Mais les sanglots persistaient. Ses larmes sont tombées une à une sur la table, telles une élégie jouée en son honneur.

Cette nuit-là, bien que Gaëtan ne soit pas revenu, Tiphaine a reçu une photo de lui endormi, envoyée par Jeannine. Elle a contemplé ce visage jusqu'à l'aube, jusqu'à ce que son cœur, tel un mort, retrouve un calme glacial.

Elle a saisi son téléphone et a composé le numéro d'Odile, son amie avocate : « Odile, prépare-moi un contrat de divorce… »
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