I. Le feu sous la glace
Le vent s’était levé sur le campus. Pas une brise légère, mais une lame glaciale qui fouettait les façades et sifflait dans les interstices des fenêtres. On aurait dit que l’hiver lui-même se chargeait de réveiller les fantômes que les étudiants croyaient enterrés. Au dernier étage du bâtiment C, Léna était assise sur son lit, le dos contre le mur, ses yeux rivés sur l’écran noir de son téléphone. Deux heures qu’elle n’avait pas bougé. Elle le tenait dans ses mains comme on s’accroche à une bouée au milieu d’un océan de peur. L’appareil était muet, mais elle guettait, comme si l’univers tout entier allait se résumer à une vibration. Quand enfin il vibra, son cœur manqua un battement. Un message. Pas de nom. Pas de photo. Pas de signature. Juste trois mots : « Il est vivant. » La phrase explosa dans sa tête. Son souffle se bloqua. Elle relutPartie 1 : Le Reflet qui Dévore 00h17 – Salle souterraine, lieu inconnu. Léna reprit conscience dans un brouillard épais, ses paupières lourdes comme du plomb. Son souffle était court, brisé par l’air vicié de la pièce. Elle cligna des yeux et la réalité s’imposa à elle comme une gifle glaciale : toujours ce cube obscur, sans fenêtre, aux murs métalliques qui résonnaient au moindre bruit. Mais un détail avait changé. Dans un coin, la petite caméra vissée à hauteur de plafond clignotait désormais d’une lumière rouge. Un battement régulier. Une pulsation mécanique. Comme un cœur artificiel qui observait. Elle ne savait plus depuis combien de temps elle était enfermée. Les heures s’étaient dissoutes dans une succession de silences et d’échos métalliques. Mais ce signal lumineux, lui, lui rappelait qu’elle n’était jamais seule. Un froissement attira son attention. Elle baissa les yeu
Partie 2 ⸻ Minuit – Lieu inconnu. Un picotement douloureux courait le long des bras de Léna. Elle reprenait conscience lentement. Ses paupières lourdes s’ouvrirent sur une pièce étroite, aux murs métalliques froids. Pas de fenêtres. Une seule porte verrouillée. Dans un coin, une caméra fixée sur elle, l’œil rouge clignotant. Son souffle s’accéléra. Ses poignets étaient libres, mais ses jambes engourdies, comme si on l’avait déplacée brutalement. L’air sentait le désinfectant et le fer. Puis, un haut-parleur grésilla. — « Bienvenue dans le miroir, Léna. » La voix était grave, déformée, artificielle. — « Ici, on ne peut pas mentir. Ici, les reflets parlent. On va te montrer ce que cache ton reflet. » Léna se leva d’un bond, les poings serrés. — « Montrez-vous ! » cria-t-elle. Un silence. Puis une autre voix, féminine cette fois. Douce, mais glaciale, chaque mot comme une lame : — « C’est ton passé qui a condamné ton futur. Tu nous as trahis avant même de
Partie 1 “Il suffit d’une faille dans le reflet pour que toute la vérité éclate.” ⸻ Mercredi – 21h15, Campus. La nuit s’était abattue sur le campus avec une lourdeur inhabituelle. Les lampadaires diffusaient une lumière jaunâtre qui s’éteignait par intermittence, comme si même l’électricité refusait d’éclairer cette soirée. Les silhouettes des étudiants qui traversaient encore les couloirs semblaient pressées, effacées, trop silencieuses. Léna marchait à pas mesurés. Depuis quelques jours, elle recevait moins de messages. Plus de rumeurs sur son compte, plus de moqueries directes. Mais au lieu d’un soulagement, cela la troublait. Les visages autour d’elle étaient neutres. Trop neutres. Comme s’ils cachaient tous quelque chose. Un malaise rampait. Une atmosphère étrange flottait, invisible mais lourde, oppressante. Dans la poche de sa veste, elle serrait son téléphone. Plus tôt dans la journée, elle avait reçu ce message anonyme : “Rendez-vous à l’amphithéâtre B —
Partie 2 ⸻ Un lieu inconnu – Clément prisonnier Le néon au plafond grésillait, diffusant une lumière intermittente qui rendait la pièce encore plus oppressante. Clément était attaché à une chaise en métal, les poignets liés par des cordes épaisses, les lèvres fendues et le souffle court. Chaque battement de cœur résonnait dans ses oreilles comme un tambour funèbre. En face de lui, une silhouette masquée s’avança. Un masque blanc, lisse, sans expression. Seuls deux yeux noirs brillaient derrière. — Tu voulais jouer au héros ? dit une voix féminine. Clément déglutit, les yeux écarquillés. — J’ai… j’ai juste voulu dire la vérité… La silhouette ricana, un son sec et cruel. — La vérité ? Ici, elle n’existe pas. Il n’y a que le Miroir. Et le Miroir ne ment jamais. Elle sortit un objet métallique de sa poche. La lumière s’y refléta un instant, froide, tranchante. Clément sentit ses entrailles se nouer. — Tu ne feras plus jamais d’interview, souffla-t-elle en s’appro
Partie 1 “La vérité n’a pas besoin de lumière pour brûler… parfois, elle consume dans l’ombre.” ⸻ Nuit – Chambre de Léna Léna fixait la clé USB posée sur son oreiller comme si elle pouvait exploser à tout moment. Quelqu’un l’avait glissée sous sa porte quelques minutes plus tôt, et depuis, son cœur battait avec une régularité effrayante, comme un tambour de guerre résonnant dans ses tempes. Ses mains tremblaient lorsqu’elle inséra l’objet dans son ordinateur portable. L’écran s’alluma, le dossier s’ouvrit presque seul, comme guidé par une main invisible. Une unique vidéo apparaissait, intitulée : « Vérité » Un frisson glacé parcourut son dos. Elle hésita, puis cliqua. La vidéo démarra dans un silence lourd. L’image provenait clairement d’une caméra de surveillance : un couloir étroit, mal éclairé, quelque part sur le campus. Une silhouette
“Parfois, pour attraper des monstres, il faut en devenir un.” ⸻ I. Le campus empoisonné Depuis la disparition de Naël, le campus ressemblait à une ville morte. Les couloirs, habituellement envahis par les rires, résonnaient de chuchotements étouffés. Les regards se fuyaient, méfiants. Même les professeurs semblaient jouer un rôle, récitant leurs cours mécaniquement, comme s’ils avaient peur qu’un mot de trop déclenche une avalanche. Léna traversait la cour avec Mathis, mais chaque pas résonnait trop fort, chaque souffle lui semblait surveillé. Elle s’était surprise à compter les fenêtres des bâtiments, à chercher des visages derrière les rideaux, persuadée qu’on l’épiait. Le silence pesait plus que n’importe quel vacarme. Mathis, crispé, lança à voix basse : — Tout le monde croit que Naël a fugué… mais toi et moi, on sait. Léna hocha la tê