Chapitre 3
Caïn n’était pas du genre à se laisser émouvoir par la souffrance des autres. Son monde était fait de calculs, de stratégies froides, et de conquêtes. Rien n’avait jamais existé dans ses pensées en dehors du pouvoir. Les gens étaient des pions, et il savait comment les manipuler. Mais ce qu’il trouva ce jour-là, étendue dans l’ombre, était différent.
Livia était dans un état misérable, son corps pâle et marqué par les coups et les blessures. Son souffle était faible, mais elle était vivante. Pas pour longtemps si on la laissait là, cependant. Un frisson, presque imperceptible, parcourut l’échine de Caïn. Il n’aimait pas voir la vulnérabilité des autres, encore moins celle d’une louve de la meute ennemie.
Il se pencha sur elle, observant ses traits tirés, son corps fragile, marqué par les souffrances qu’elle avait endurées. Ses yeux, clos sous l’effet de la douleur, restaient fermés. La rage qui brûlait dans son regard, même quand elle était inconsciente, ne le laissa pas indifférent. Mais cela n’avait rien à voir avec de la pitié. Ce n’était pas de la compassion qui se réveillait en lui.
« Tu es chanceuse que ce soit moi qui te trouve », murmura-t-il, plus pour lui-même que pour elle. Une louve faible, perdue, chassée de chez elle par son propre Alpha. Il aurait pu la laisser là, expirer son dernier souffle sous les yeux des chasseurs. Mais quelque chose, un sentiment vague, l’arrêta.
Il savait que c’était une occasion. Une occasion de nuire à son ennemi, Marcus, de lui voler ce qu’il avait. Livia, brisée, était plus qu’une simple victime ; elle était une arme, une chance d’affaiblir un Alpha rival. Et si elle survit ? Il n’avait rien à perdre.
Il se redressa brusquement et ordonna à ses hommes de la charger. Ils étaient déjà là, silencieux, observant. Sans un mot, ils s’exécutèrent, la portant à l’intérieur de la maison, là où Caïn pourrait la soigner, ou du moins, l’empêcher de mourir tout de suite.
Elle était inconsciente, tout juste assez vivante pour ne pas être un fardeau immédiat. Ses mains étaient couvertes de sang. Elle tremblait. Caïn la fixa un instant, une étincelle de réflexion dans son regard. S’il la laissait mourir, il n’y aurait plus de preuve pour torturer Marcus. Mais s’il la gardait en vie…
Il la prit entre ses bras sans douceur, la soulevant comme un paquet de chair, un fardeau qu’il ne désirait pas. « Tu es une chance, Livia », murmura-t-il, la voix froide. « Pas pour toi, mais pour moi. »
Il la déposa sur le lit. Ses hommes se tenaient à distance, attendant les ordres. Caïn leur fit signe de sortir. Il ne voulait pas d’interférences. Il n’avait jamais eu de patience pour ceux qui se mêlaient de ses affaires. Livia était sa décision, et lui seul en porterait le fardeau.
Un regard suffisant pour voir les blessures ouvertes sur son corps. Un coup de couteau, une flèche, des contusions. Une souffrance silencieuse. Un soupir s’échappa de ses lèvres, bien plus humain qu’il n’aurait voulu l’admettre. Mais Caïn n’était pas homme à s’attarder sur la douleur d’un autre. Si elle mourrait, c’était sa propre perte. Il n’était pas responsable de ses décisions, ni de ses souffrances. Pas encore.
Il fit le nécessaire pour désinfecter ses plaies. Mais l’idée qu’elle puisse lui être utile, en tant que pion dans ce jeu dangereux avec Marcus, faisait briller une lueur d’intérêt dans ses yeux. Elle pourrait le servir. Peut-être même mieux que n’importe quelle autre victime. Mais il y avait une condition à cela.
Quand elle se réveilla, la douleur l’envahit immédiatement. Ses yeux s’ouvrirent lentement, mais ils se fermèrent aussi vite, incapable de supporter la lumière. Le seul bruit était le battement de son cœur, la lourdeur de sa respiration.
Il attendait, là, près du lit, sans faire un bruit. Ses yeux noirs la scrutèrent. Il ne savait pas pourquoi il avait choisi de la sauver. Peut-être qu’il voulait l’utiliser. Peut-être que la regarder souffrir lui apporterait une satisfaction qu’il ne pouvait pas expliquer. Mais il se surprit à se demander s’il pouvait la forcer à répondre à sa question.
Elle roula légèrement sur le côté, haletante. « Où suis-je ? » Sa voix était cassée, fragile.
Il ne répondit pas tout de suite, laissant un long silence planer. Elle n’avait plus de forces. Elle savait déjà qu’elle ne pouvait pas fuir.
« Tu es sur mes terres », répondit-il enfin, son ton impassible. « Et si tu veux vivre, tu feras ce que je te dirai. »
Elle leva les yeux vers lui, la défiance allumée dans son regard, même si ses forces étaient encore limitées. « Tu n’as pas le droit de me faire ça », murmura-t-elle, une étincelle de résistance dans sa voix.
Caïn la fixa sans cligner des yeux. « Je peux t’ôter la vie à tout moment, Livia. Mais je ne vais pas te tuer. Pas encore. Tu as une chance, une seule. Tu veux la saisir ? »
Elle essaya de se redresser, mais la douleur la cloua sur place. Elle se remit en position, la tête baissée, frustrée. « Et quel genre de chance est-ce ? Que veux-tu de moi ? »
Il se leva d’un geste, et s’approcha lentement d’elle. « Je veux que tu me serves. Tu vas m’aider à détruire Marcus. Et si tu fais ça, si tu me rends service, tu pourras continuer à respirer. Mais tu n’as pas d’autre choix. »
Elle le fixa avec intensité, ses yeux s’élargissant à peine. « Je te déteste », murmura-t-elle. « Je ne t’aiderai jamais. »
Un sourire glacial se dessina sur les lèvres de Caïn. « C’est exactement ce que je veux. La haine, l’amertume. Ils te rendront plus forte. Et tu m’obéiras. À ta manière, ou à la mienne. »
Il se détourna d’elle, se dirigeant vers la porte. « Rien n’est jamais facile dans ce monde. Mais tu survivras si tu choisis de rester avec moi. »
Le silence s’installa dans la pièce, lourd, oppressant. Livia le fixa, un mélange de haine et de dégoût dans ses yeux. Mais au fond, elle savait que Caïn avait raison. Elle n’avait plus rien à perdre.
Elle allait devoir se battre, se soumettre à lui pour pouvoir récupérer ce qui avait été volé. Pour reconquérir sa dignité, pour venger sa meute, et pour se venger du traître qui l’avait abandonnée. Mais à quel prix ?
Cela, elle le découvrirait bientôt.
Chapitre 50Le crépuscule se posait doucement sur le camp, une lueur dorée enveloppant la terre, comme pour adoucir les cicatrices laissées par tant de batailles. Livia se tenait au sommet d’une petite butte qui surplombait la meute, le regard tourné vers l’horizon. Elle repensait à tout ce qu’elle avait traversé : les trahisons, les combats, les nuits de doute et de solitude, et pourtant, en chaque souvenir, elle trouvait désormais une fierté inébranlable. Son passé, qui avait jadis été source de douleur, était devenu le socle de sa force.« Regarde, Caïn, » dit-elle d’une voix basse, emplie d’une émotion à la fois douce et résolue, alors qu’il se joignait à elle sur la butte. Ils contemplaient ensemble le camp qui s’étendait en contrebas, là où les flammes des torches dansaient encore, animant les visages fatigués mais fiers de leurs frères et sœurs de la meute. « Tout ce que j’ai vécu m’a conduite ici. J’ai laissé derrière moi la peur, la honte et la douleur. Aujourd’hui, je regar
Chapitre 49Les dernières lueurs du crépuscule s’effaçaient lentement, laissant place à une obscurité parsemée d’étoiles timides. Dans le calme qui succéda à la tourmente de la bataille, Caïn et Livia se retrouvèrent seuls sur le perron de la grande tente, là où la meute, épuisée mais victorieuse, se rassemblait en silence. Ils avaient traversé tant d’épreuves, et dans le tumulte des combats, une vérité s’était imposée à eux comme un éclair dans la nuit : ils étaient faits pour être ensemble.Caïn regarda Livia d’un air qui trahissait enfin ce qu’il avait toujours pensé en secret. Ses yeux, d’un noir profond, se posèrent sur elle avec une tendresse inattendue. « Livia, » commença-t-il d’une voix basse, chargée d’émotion, « je t’ai toujours vue… pas simplement comme une arme, ni comme un outil que l’on pouvait utiliser pour remporter une victoire. Tu es bien plus que cela. Depuis le début, tu as été mon égale, mon partenaire. Je ne t’ai jamais considérée comme une simple pièce intercha
Chapitre 48La tension qui planait sur la meute n’avait jamais été aussi palpable que ce soir-là. La nuit, épaisse et imprévisible, s’était abattue sur eux comme un présage funeste. Un danger imprévu, surgissant des ténèbres, menaçait leur fragile équilibre. Des rumeurs de mouvements ennemis s’étaient répandues rapidement, portant avec elles l’ombre d’une attaque qui pourrait tout anéantir. Dans ce tumulte, Caïn et Livia se tenaient côte à côte, prêts à défendre ce qu’ils avaient bâti ensemble, conscients que l’avenir de leur meute en dépendait.« Tu as entendu ? » demanda Livia en chuchotant, le regard fixé sur l’obscurité mouvante à la lisière du camp. Sa voix portait une urgence mêlée d’appréhension, tandis que son cœur battait la chamade.« Oui, » répondit Caïn d’un ton calme mais résolu. « Nos éclaireurs confirment qu’un groupe ennemi se rassemble. Ils veulent frapper avant que nous ne puissions nous organiser. »La certitude dans la voix de Caïn insufflait à Livia une force qu’e
Chapitre 47La lumière douce du matin baignait le camp, comme pour marquer le début d’une nouvelle ère, et pourtant, chaque rayon semblait raconter les cicatrices laissées par la lutte acharnée. Sous le règne de Caïn et Livia, la meute avait enfin trouvé sa voie. Les anciens conflits, les batailles sanglantes et les trahisons du passé semblaient s’évanouir dans le fracas des cris victorieux et dans le murmure apaisant des loups unis. Dans ce nouvel ordre, chaque membre sentait que quelque chose avait changé. La dominance de la meute s’était affirmée, non par la force brutale seule, mais par la vision partagée et le respect mutuel qui avaient émergé des cendres de la guerre.Livia se tenait aux côtés de Caïn, dans le centre du camp, où les feux de joie éclairaient la nuit et où les visages, autrefois méfiants, se paraient désormais de sourires sincères et de regards emplis d’espoir. Elle avait longtemps erré, se demandant si la paix pouvait vraiment exister après tant de sang versé, ap
Chapitre 46La nuit était tombée sur le camp, mais la lueur des torches illuminait les visages fiers et déterminés des membres de la meute. Ce soir-là, tout avait été préparé pour sceller une union qui marquerait un tournant dans l’histoire de leur monde. Livia se tenait droite, le regard empreint d’une force nouvelle, aux côtés de Caïn. Autour d’eux, les murmures s’élevaient, puis se faisaient plus forts, comme pour annoncer que la cérémonie allait débuter.La scène était simple, mais chargée de symboles. Au centre d’un cercle formé par les guerriers et les anciens, un autel de pierre avait été dressé. Des symboles anciens, gravés avec soin, racontaient l’histoire de la meute, ses victoires et ses tragédies. Livia se rappelait les jours sombres où on l’avait traitée comme une ennemie, une traîtresse, et tout cela lui semblait maintenant lointain. Ce soir, elle était ici pour affirmer sa place, pour montrer que le cœur d’une louve peut être forgé dans la douleur et la lutte pour deven
Chapitre 45La nuit était encore fraîche lorsqu’elle se réveilla. Le soleil n’était pas encore levé, mais la lueur grise du matin commençait déjà à envahir la pièce. Livia se leva lentement, le cœur lourd de ses pensées. Elle avait passé des heures à tourner dans son esprit, cherchant des réponses, se battant contre ses propres doutes. Mais la clarté qu’elle espérait ne venait pas. Les questions se bousculaient encore dans sa tête, trop nombreuses pour être ignorées. Et pourtant, au fond d’elle-même, il y en avait une qui se distinguait de toutes les autres, une question qui, bien qu’angoissante, semblait trouver une réponse chaque fois qu’elle posait son regard sur Caïn.Elle avait compris quelque chose pendant cette longue nuit de réflexion : elle ne voulait plus fuir. Plus de fuite devant ce qu’elle ressentait, devant ce qu’elle pourrait devenir. Plus de peur de perdre une partie d’elle-même en s’ouvrant à un autre. Oui, elle avait des peurs, des incertitudes, mais cela faisait par
Chapitre 44Livia se tenait dans l’ombre d’un arbre, les yeux fixés sur la meute en train de s’organiser autour du feu. Il y avait un calme étrange dans l’air, une sorte de paix fragile qui semblait prête à se briser à tout instant. Elle n’arrivait pas à se concentrer sur ce qu’ils faisaient. Son esprit était ailleurs, perdu dans un tourbillon de doutes et de questions. Caïn l’avait laissée à la tête de la meute, lui avait confié des responsabilités et un rôle qui l’effrayait autant qu’il la poussait à se dépasser. Mais au fond, un sentiment persistait, insidieux et lourd : pouvait-elle vraiment accepter tout ce qu’il représentait ? Pouvait-elle l’aimer après tout ce qu’ils avaient traversé ?Elle ferma les yeux, respirant profondément. La brise de la nuit était douce, presque réconfortante. Et pourtant, une angoisse grandissait en elle. Caïn. Il avait été son ennemi, puis son allié, et à présent, il était presque devenu sa seule constante. Il l’avait vue dans ses pires moments, l’ava
Chapitre 43Livia se tenait au bord de la forêt, l’air frais de la nuit caressant sa peau. Elle avait traversé de nombreux défis, mais aucun n’avait été aussi lourd que celui qu’elle allait maintenant affronter : le retour à la meute. Elle savait ce que cela signifiait. Elle n’était plus la jeune femme perdue, celle qui avait fui son passé, qui s’était battue pour un avenir incertain. Non. Aujourd’hui, elle était Livia, l’Alpha, celle qui avait survécu à tout, y compris à ses propres doutes. Mais malgré tout ce qu’elle avait traversé, une petite voix en elle hésitait. Était-elle vraiment prête à faire face à ce qui l’attendait ? À être ce qu’ils attendaient d’elle ?Derrière elle, Caïn se tenait silencieux, une présence calme mais imposante, comme une ombre qui la suivait sans jamais la quitter. Il n’avait pas dit un mot depuis leur départ de la cache où elle avait affronté Lukas. Il avait respecté son silence, lui donnant l’espace nécessaire pour digérer la victoire, pour comprendre
Chapitre 42Le vent soufflait fort contre la fenêtre, secouant les volets de bois dans un rythme désordonné. Livia était toujours attachée à la vieille chaise, ses poignets endoloris par les cordes rugueuses qui les liaient. La pièce était sombre, froide, à peine éclairée par un rayon de lune qui passait à travers les volets entrouverts. Lukas n’était plus là, et pourtant l’atmosphère restait lourde de menace. Elle sentait une pression dans sa poitrine, une inquiétude sourde, mais elle ne pouvait pas se permettre d’avoir peur.Elle serra les dents. Tout ce qu’elle avait vécu, tout ce qu’elle avait traversé, la manière dont elle s’était battue pour être là, à ce moment précis, ne serait pas gâchée par la peur d’un homme comme Lukas. Il l’avait sous-estimée, et maintenant, c’était à son tour de se tromper.Il avait cru qu’il pourrait l’user, l’affaiblir, lui rappeler sa place dans ce monde où les plus forts gouvernaient. Mais il n’avait pas compris. Livia avait déjà fait face à bien pir