Deborah fixait l’écran de son téléphone, les mots du livre dansant sous ses yeux sans jamais s’ancrer. Elle soupira, un son lourd, chargé d’une irritation qu’elle ne cherchait même pas à dissimuler. C’était son premier jour au cabinet, et déjà, elle se sentait comme une funambule sur un fil prêt à rompre. Les dossiers, les regards en coin des collègues, l’arrogance de Léa, et surtout, Jonathan. Son mari. L’homme qui, en un regard, pouvait la faire basculer entre colère et désir. Son dernier message « Tu veux une guerre froide ? Tu vas l’avoir. » tournait en boucle dans son esprit, chaque mot comme une allumette craquée dans un baril de poudre. Et maintenant, quelqu’un osait squatter son banc ? Sérieusement ? Des dizaines de bancs libres dans ce parc, et il fallait que l’intrus choisisse le sien ? Le bois grinça sous le poids de l’intrus, et l’air sembla se resserrer autour d’elle, comme si son espace personnel venait d’être violé. Elle mordit dans son sandwich, un geste brusque
Le bourdonnement des néons du cabinet d’avocats semblait amplifier le nœud dans l’estomac de Deborah. C’était son premier jour, et chaque détail – l’odeur du café brûlé, le cliquetis incessant des claviers, les murmures des associés derrière les portes vitrées – lui rappelait qu’elle était une étrangère ici. Elle s’était préparée, mentalement et vestimentairement, pour ce poste d’assistante juridique, mais rien n’avait pu la préparer à la sensation d’être observée. Pas par ses nouveaux collègues, non. Par lui. Jonathan. Son mari. Depuis son bureau, la porte grande ouverte, il la fixait, son regard perçant traversant l’open space comme une flèche. Elle pouvait presque sentir son souffle sur sa nuque, même à cette distance.Elle l’ignora, concentrée sur l’écran de son ordinateur, où un tableur refusait de coopérer. Premier jour, et déjà une pile de dossiers à trier, des contrats à vérifier, et ce logiciel qu’elle ne maîtrisait pas encore. Mais ce n’était pas seulement le travail qui la
Jonathan ne dit rien quand elle entrA.Il se contenta de refermer la porte derrière elle. D’un geste sec. Verrou inclus. Le clac du verrou résonna comme une menace. Comme une promesse.Deborah leva un sourcil, bras croisés.— Un courrier urgent, vraiment ?Il s’approcha. Lentement. Trop lentement. Un pas. Deux. Puis, sans prévenir, il l’attrapa brutalement par le bras.Elle sursauta, mais ne recula pas. Elle le connaissait. Et ce regard-là, elle ne l’avait pas vu depuis longtemps. Le genre de regard à faire monter la température d’un bureau glacial en deux secondes chrono.— Tu te crois drôle ? grogna-t-il, ses yeux noirs comme la tempête.— De quoi tu parles ? demanda-t-elle, faussement candide.Mais il n’avait pas envie de jouer. Pas à ce genre de jeu-là.Il la colla contre le bureau. Violemment. Rapidement. Ses doigts toujours verrouillés autour de son bras, l’autre main venant se caler derrière sa nuque, l’obligeant à soutenir son regard.— Le type de tout à l’heure. Ton sourire.
— Tu veux qu’on déjeune ensemble ?La voix douce de Laly la tira de ses pensées, la faisant presque sursauter. Deborah redressa légèrement la tête, un peu déçue que ce ne soit pas lui qui pose la question.Mais elle hocha la tête malgré tout.— Pourquoi pas, souffla-t-elle.Elle n’eut pas le temps d’en dire plus. La porte du bureau de Léa s’ouvrit d’un claquement sec. Sans accorder le moindre regard ni à Deborah ni à Laly, Léa fila droit vers le bureau de Jonathan… sans frapper. Naturellement.Deborah leva un sourcil. Classique.Au même moment, Romuald sortit de son propre bureau, accompagné d’un client tiré à quatre épingles. Costume sur mesure, lunettes de soleil en main, l’allure d’un type qui savait ce qu’il valait — et qui ne doutait jamais d’être le centre de l’attention.Il croisa le regard de Deborah, lui adressa un petit sourire en coin, poli mais un brin appuyé. Elle hésita une seconde, puis lui rendit un sourire neutre, juste au moment où la porte du bureau de Jonathan s’ou
Jonathan entra dans le cabinet, et Deborah le repéra immédiatement. Difficile de faire autrement : il remplissait l’espace, grand, sûr de lui, avec ce sourire qui semblait dire qu’il avait le monde dans sa poche. Il ajusta sa veste d’un geste nonchalant, saluant d’un signe de tête une secrétaire au passage. Mais avant qu’il ne fasse trois pas, Léa surgit, comme si elle l’avait guetté depuis son bureau. Ses talons claquèrent sur le parquet, et elle se planta devant lui, un sourire éclatant aux lèvres. Sa main effleura son bras – un geste trop calculé pour être innocent – et elle l’entraîna vers son bureau avec une aisance qui fit grincer des dents à Deborah.Léa murmura quelque chose à l’oreille de Jonathan, assez bas pour que personne n’entende, mais assez fort pour que tout le monde remarque. Deborah sentit sa mâchoire se crisper, ses doigts se refermant sur le stylo qu’elle tenait. Elle aurait donné cher pour coller son oreille à la porte de ce bureau, ne serait-ce que dix secondes.
Le cabinet bourdonnait comme une ruche. Les cliquetis des claviers se mêlaient aux sonneries étouffées des téléphones et aux murmures des conversations, rapides, presque mécaniques. Deborah prit une profonde inspiration, son sac serré contre son épaule, avant de pousser la porte vitrée.La standardiste, une jeune femme aux lunettes rondes, lui adressa un sourire automatique tout en continuant de taper sur son clavier.Deborah hocha la tête en retour, traversa le hall et s’engouffra dans l’ascenseur.Les portes se refermèrent avec un ding discret. Elle ferma les yeux une seconde, le temps que la cabine grimpe jusqu’au troisième étage.Quand les portes s’ouvrirent, Romuald était là, planté dans le couloir, un café à la main, son sourire éclatant comme une pub pour dentifrice.— Deborah ! Bienvenue dans la maison, lança-t-il, son ton un peu trop enjoué, comme s’il jouait un rôle. Ton bureau est prêt, dossier informatique activé, badge d’accès en poche. Tu veux que je te fasse le tour du