Jonathan se redressa légèrement, son sourire s’effaçant pour laisser place à un ton plus grave.
— Ce genre d’insultes, il va falloir que tu les oublies quand on sera mariés. Il marqua une pause, ses yeux ne la quittant pas. D’ailleurs, j’ai fixé la date au 20 janvier… à moins que tu veuilles qu’on fasse ça plus tôt.
Elle soupira en levant les yeux au ciel, puis reprit son téléphone, décidée à couper court à la conversation.
— Écoute, chéri, je te rappelle plus tard. J’ai un truc urgent à régler.
Jonathan la fixait toujours, son regard perçant ne la quittant pas. Elle raccrocha, sans un mot, mais elle sentait sa présence pesante derrière elle.
— C’est aussi quelque chose que tu devras oublier une fois que nous serons mariés, dit-il, d’un ton ferme. Je ne partage pas.
Un sourire moqueur étira ses lèvres alors qu’elle s’approchait de lui.
— Je n’ai pas vu de clause sur la fidélité dans ce contrat, répliqua-t-elle, provocante.
Son sourire s’effaça aussitôt. D’un geste brusque, il lui saisit le menton, la forçant à le regarder droit dans les yeux.
— C’est logique, Deborah. Son ton était plus dur, presque glacial. On ne pouvait pas mettre une clause pour tout. Mais je te préviens, je ne vais pas élever un enfant qui ne serait pas de moi.
Elle se dégagea légèrement, son regard se faisant plus défiant.
— En même temps, l’origine d’un enfant, seule la mère la connaît vraiment…
Il serra son menton un peu plus fort. Son souffle se fit plus court, et elle tenta de lui retirer la main, mais en vain.
— Tu comptes me tromper, Deborah Miller ? murmura-t-il, sa voix se faisant plus sombre, plus menaçante.
Elle resta silencieuse, mais son cœur battait à tout rompre. Elle le voyait dans ses yeux, la jalousie, la possession. Puis, lentement, il desserra son emprise et, dans un geste contrastant avec la tension du moment, il lui caressa doucement la joue.
– Même en rêve, ne me trompe pas Deborah ! tu m’appartiens maintenant !
– Sûrement pas !
— Sérieusement ? demanda-t-il d’une voix calme, presque trop calme, ses yeux la fixant intensément.
— Tu penses que c’est comme ça que ça va se passer, Deborah ?
Deborah se redressa, le cœur battant à tout rompre.
— Je ne suis pas ton jouet, Jonathan. Tu ne peux pas me contrôler comme ça. Ses mots étaient pleins de défi, mais elle sentait son corps trembler légèrement sous la tension.
Jonathanesquissa un sourire froid, s’approchant lentement d’elle.
— Oh, tu es courageuse aujourd’hui, hein ? Il fit un pas en avant, la forçant à reculer.
— Mais rappelle-toi une chose : tu as signé ce matin. Tu m’appartiens maintenant, que ça te plaise ou non.
— Je ne suis à personne, cracha-t-elle, mais sa voix tremblait légèrement.
Jonathanrit doucement, un rire sans chaleur.
— On verra ce que ton père en dira. Il fit mine de sortir, mais elle le rattrapa par le bras.
— Non ! Elle le fixa avec des yeux suppliants.
— Ne dis rien à mon père, s’il te plaît.
Jonathanse retourna lentement, un sourire victorieux se dessinant sur ses lèvres.
— Ah, voilà, on commence à se comprendre.
Il tendit la main.
— Donne-moi ton téléphone. Je veux être sûr que tu ne contactes plus ce type.
— Je ne l’appellerai pas, je te le jure ! Elle hésita, mais il haussa la voix en plaisantant :
— Papa ! mimant l’appel à son père.
Quelques mois plus tard, le grand jour arriva.Leur bébé était né au printemps. Une petite fille magnifique qu’ils avaient appelée Tricia. Dès son premier cri, Jonathan avait senti son cœur exploser de fierté et Deborah avait compris que plus rien ne pourrait la séparer de sa famille. Leurs nuits étaient courtes, leurs journées remplies, mais chaque sourire de Tricia suffisait à effacer la fatigue.Ils avaient décidé de tenir la promesse faite à l’hôpital : se remarier à l’église, cette fois sans secrets ni contrats. Un vrai mariage, pour dire à tous qu’ils s’aimaient et qu’ils voulaient bâtir leur vie ensemble. Et tant qu’à faire, ils avaient choisi de profiter de cette journée pour faire aussi le baptême de Tricia.L’église était décorée simplement, avec des fleurs blanches et des rubans clairs. Le soleil d’été traversait les vitraux, projetant des couleurs douces sur les murs. Deborah avançait dans l’allée, une robe sobre mais élégante, un bouquet à la main. Jonathan l’attendait, é
Le temps avait fait son manège habituel : des jours qui trébuchent, des semaines qui s’alignent, des rendez-vous qui se cochent. Les murs repeints séchaient encore d’une odeur propre. Sur une chaise, la robe de Deborah attendait, simple et belle, avec ce tombé qui donne aux gestes l’air de phrases bien dites. Le bouquet serait ramassé le matin chez la fleuriste ; la salle paroissiale avait reçu ses chaises, ses nappes et quelques guirlandes obstinément sobres. La maison, elle, brillait d’un désordre rangé : des paniers, des boîtes, un petit sac pour Tricia au cas où.La veille au soir, ils avaient décidé de ne pas voir trop de monde. Pas de répétition générale, pas de flot d’instructions. Juste eux, dans leur salon encore neuf, avec deux tasses et une lampe allumée.— Tu veux réviser tes vœux ? demanda Jonathan en s’asseyant à côté d’elle.— Je ne veux pas apprendre par cœur, répondit-elle. Je veux dire ce que j’ai ici quand je te verrai, dit-elle en posant la main sur sa poitrine. J’
Le dîner chez les parents de Deborah avait la simplicité des grands tournants : une soupe qui fume, du pain, du fromage, un gâteau « parce qu’on ne sait jamais quand on fête ». Sa mère avait dressé la table avec un soin tendre ; son père faisait des allers-retours ridicules entre cuisine et salle à manger comme s’il transportait des archives classées secret-défense.— Vous avez l’air d’avoir fait la paix avec le monde, lança la mère en les voyant entrer.— On a signé un cessez-le-feu, répondit Jonathan.Ils mangèrent d’abord, parce que chez les Miller on ne mélangeait pas les annonces et les assiettes. La conversation s’éparpilla sur des sujets essentiels : la voisine qui avait planté des tomates trop tôt, la municipalité qui changeait encore les horaires de ramassage des poubelles, la radio qui passait trop de musique des années 90.Après le café, Deborah posa sa tasse. Elle avait répété deux fois dans sa tête la version courte. Elle choisit encore plus court.— On veut se remarier à
Le matin avait changé de texture : moins coupant, plus souple. Dans la chambre, Jonathan bouclait son petit sac en toile avec une lenteur prudente, comme si chaque geste pouvait réveiller la douleur. L’infirmière passa une dernière fois, griffonna sur la feuille de sortie, fit une blague sur les casques obligatoires même pour aller acheter du pain, et leur laissa un sourire qui ressemblait à une permission.— Ton fan-club est là, dit-elle en désignant la porte.Dans l’embrasure, le père de Deborah agitait des clés comme un majordome de comédie. Derrière lui, Deborah faisait de la place au pied du lit, mains dans les poches, regard brillant.— Je vous emmène, gendre préféré, lança le père.— J’avais dit que je venais, répliqua Deborah en levant un sourcil.Ils se regardèrent, trois secondes de duel tendre, puis le père fit un pas en arrière.— J’ouvre la voie et je passe acheter du pain. Vous me suivez. Je ne me bats pas avec une fille qui vient de retrouver son mari.Jonathan rit et s
Le hall brillait d’une lumière propre, presque crue, qui rendait les couleurs trop franches : le vert d’eau des murs, l’orange usé des chaises, le bleu des blouses. Deborah prit le couloir qu’elle connaissait déjà, comptant les pas comme la veille, mais le tempo était différent. Moins de précipitation, plus de tenue. Elle se surprit à dire bonjour au garde au bout du couloir, au distributeur qui clignotait, à la dame au chariot de thé qui passait en bruissant.Devant la porte de la chambre, elle marqua une pause. Sa main sur la poignée, son front contre le bois, une inspiration, et elle entra.Jonathan était assis, demi-redressé, un coussin calé dans le dos. Les rideaux ouverts laissaient le soleil glisser jusqu’au pied du lit, et sa peau avait repris cette couleur chaude qui lui allait. Il la vit et un sourire lui coupa le visage en deux, celui qui l’avait accrochée un jour sans prévenir.— Tu es là, dit-il, comme si c’était un événement.— Je suis là, répéta-t-elle, comme si c’était
Le matin s’installa sur la maison parentale comme une couverture claire. La lumière filtrait en bandes pâles à travers les rideaux de la chambre d’ado, caressant les affiches délavées et les cadres photo un peu de travers. Deborah ouvrit les yeux sans sursaut, et ça, déjà, c’était nouveau. Pas de cauchemar, pas de cœur au bord des lèvres. Juste ce silence familier qu’elle reconnaissait les yeux fermés : un vieux plancher qui craque, le ronronnement discret du frigo, une cuillère qui tinte contre une tasse dans la cuisine.Elle resta allongée une minute, mains posées sur son ventre. Là, dans ce creux chaud, tout devenait simple. La veille, elle avait dormi comme on tombe, d’un seul bloc, après des jours de tension compacte. Et ce matin, il y avait de la place pour respirer.Sous la douche, elle laissa l’eau glisser longtemps, jusqu’à sentir ses épaules s’abandonner — pas une reddition, plutôt une paix provisoire signée entre son corps et son esprit. Elle enfila le vieux peignoir lilas