Le lendemain de la fin du veuvage Amina s’était levée à l’aube, les yeux encore rougis par les veillées incessantes et le poids des dernières semaines. Le noir de son habit traditionnel serait enfin remplacé, mais son cœur, lui, restait marqué par l’ombre de tout ce qu’elle avait perdu.
Elle regardait Yama, encore endormie, paisible malgré les tumultes qui entouraient leur vie. Cette innocence était son moteur, sa raison de continuer malgré tout. Sa mère, Fatou, était déjà en cuisine, s’affairant à préparer le petit-déjeuner. Elle leva la tête lorsqu’Amina entra, ses bras chargés d’un sac qu’elle avait commencé à remplir la veille. Fatou : "Où comptes-tu aller si tôt, Amina ? On n’a même pas encore rompu le jeûne. " Amina posa son sac avec détermination et prit une chaise. Elle savait que cette conversation allait être difficile. Amina : "Maman, je vais en ville aujourd’hui. Je dois trouver un avocat, quelqu’un qui pourra m’aider à récupérer ce que Samba m’a laissé." Fatou fronça les sourcils, posant un pilon avec fracas sur le mortier. Fatou : "Un avocat ? Tu veux aller te battre avec ta belle-famille ? Ce n’est pas une bonne idée, ma fille. Ces gens-là… Ils n’ont pas de limites. Tu sais de quoi ils sont capables." Amina : "Je le sais, maman. Mais je ne peux pas rester là, les bras croisés, pendant qu’ils s’approprient tout ce que Samba a construit pour nous. Yama mérite mieux que ça." Fatou secoua la tête, visiblement nerveuse. Fatou : "Ils pourraient te faire du mal, Amina. Du maraboutage, des attaques spirituelles… Ce sont des choses qui arrivent, tu le sais." Amina poussa un soupir profond. Elle respectait les craintes de sa mère, mais elle ne pouvait pas se résoudre à abandonner tout ce que Samba lui avait laissé. Amina : "Maman, ce serait trop facile de leur laisser tout ça. Cette maison… ces terres… Samba les a construits pour nous. Pas pour eux. Je ne peux pas me taire." Fatou s’approcha d’elle, posant une main rassurante sur son épaule. Fatou : "Je comprends ta colère, ma fille. Mais parfois, il vaut mieux perdre des biens matériels que de perdre la paix de ton âme." Amina releva la tête, ses yeux brillant d’une détermination qu’on ne lui voyait que rarement. Amina : "Et si je fais ça, maman ? Si je les laisse tout prendre ? Qu’est-ce que je dirai à ma fille plus tard ? Que sa mère a été trop effrayée pour se battre pour son avenir ? Non, je ne peux pas faire ça." Fatou garda le silence un moment, luttant entre ses propres peurs et l’admiration pour la résilience de sa fille. Fatou : "Très bien. Mais sois prudente. Ces gens-là n’aiment pas être défiés." Amina hocha la tête et termina son repas en silence. Elle savait que le chemin serait difficile, mais elle n’avait pas le choix. En ville Arrivée en ville, Amina sentit immédiatement l’agitation du lieu. Les klaxons, les marchés animés, les files d’attente interminables... C’était un autre monde comparé à la tranquillité du village. Elle serra son sac contre elle, le regard alerte. Elle trouva rapidement un cabinet d’avocats modeste, mais réputé, grâce à l’un des contacts de Samba. En entrant, elle fut accueillie par une secrétaire souriante qui l’invita à attendre dans une petite salle ornée de diplômes. Quelques minutes plus tard, un homme d’une quarantaine d’années, au visage sérieux mais chaleureux, entra dans la pièce. L’avocat : "Madame Ndiaye ? Je suis maître Diouf. En quoi puis-je vous aider ?" Amina inspira profondément avant de lui raconter toute l’histoire. Elle parla de la maison, des terres, des papiers soi-disant perdus, et du comportement de sa belle-famille depuis la mort de Samba. L’avocat l’écouta attentivement, prenant des notes, hochant la tête à certains moments. Maître Diouf : "Je comprends votre situation, Madame Ndiaye. Ce n’est pas une affaire facile, mais elle n’est pas perdue. La première étape sera de vérifier l’existence de ces fameux documents. Sans preuves, leurs revendications ne tiennent pas." Amina : "Et s’ils refusent de les montrer ? Que puis-je faire ?" Maître Diouf : "Nous avons des moyens légaux pour exiger la présentation des documents. Mais cela prendra du temps et nécessitera votre coopération totale. Êtes-vous prête à vous engager dans ce processus, même si cela devient difficile ?" Amina hocha la tête, le regard ferme. Amina : "Je ferai tout ce qu’il faut pour récupérer ce qui nous appartient." Maître Diouf esquissa un sourire encourageant. Maître Diouf : "Très bien. Dans ce cas, nous allons commencer par rassembler tous les éléments que vous avez, même les moindres détails. Cela nous aidera à construire un dossier solide." En sortant du cabinet, Amina sentit un mélange d’espoir et d’appréhension. Elle savait que le chemin serait long, mais elle n’avait plus le droit de reculer. Sa fille méritait un avenir digne, et elle ferait tout pour lui offrir cela. De retour au village, les regards curieux des voisins ne manquèrent pas de la suivre. Les murmures commencèrent déjà à circuler sur la femme veuve qui osait défier sa belle-famille. Mais Amina, déterminée, ne prêta aucune attention à ces bruits. La bataille ne faisait que commencer.Ismène se figea. Kael avait les yeux ouverts, désormais éveillé. Il l’observait, un léger sourire sur les lèvres. Leurs regards se croisèrent et, bien que les mots n’aient pas encore franchi ses lèvres, elle sentit que quelque chose avait changé. Il n'était plus celui qu'elle avait connu, et elle n'était plus la même femme que la veille.Elle se mordit la lèvre inférieure, hésitante, avant de répondre :— Je… je voulais juste sortir un moment. Je me sens un peu perdue, Kael.Il se redressa alors, s'appuyant sur ses coudes, les yeux plongés dans les siens avec une intensité nouvelle. Il n'y avait plus de doute, plus d'hésitation dans son regard. Il était là, présent, et il semblait comprendre sans qu'elle n'ait besoin d'expliquer davantage.— Tu n’es pas perdue, Ismène, répondit-il d’une voix douce mais ferme. Je suis là. Et tout ce que tu ressens, je le ressens aussi. Mais tout ça prend du temps. Nous avons le temps de tout comprendre, ensemble.Ismène baissa les yeux, le poids des mo
Ismène, les yeux plongés dans les siens, n’eut pas la force de répondre immédiatement. Elle savait que ce n’était pas une simple déclaration de pouvoir. C’était une invitation. Une invitation à se laisser aller, à s’abandonner à lui, et à accepter que tout ce qu’ils avaient vécu jusqu’ici, toutes les luttes et les souffrances, étaient peut-être derrière eux. Ou peut-être étaient-ils juste à l’aube de quelque chose de plus grand, de plus difficile encore.Kael la prit alors doucement par la taille et la souleva légèrement. Elle sentit la fermeté de son corps contre le sien, sa respiration qui se faisait plus rapide, plus insistante. Il la déposa délicatement sur le lit, et le simple contact de la soie du drap contre sa peau lui donna un frisson. Ses mains glissèrent lentement le long de son corps, effleurant chaque courbe, chaque détail comme s’il redécouvrait un terrain inconnu. Ses yeux ne la quittaient pas, scrutant ses réactions, observant les frissons qui parcouraient son corps.—
Ismène rougit, ne sachant si elle devait rire ou s’étonner de cette nouvelle facette de sa vie. Elle n’avait jamais vraiment réfléchi à ces choses-là, mais Mariama la mettait face à une réalité dont elle ne pouvait plus détourner les yeux. Elle sentait son cœur battre un peu plus vite à l’idée de ce qui allait se passer ce soir.— Tu as l’air d’une femme qui sait de quoi elle parle, dit Ismène, mi-gênée, mi-curieuse. Tu… tu as vécu cela, toi aussi ?Mariama sourit tendrement, puis secoua la tête.— Chaque femme a son propre chemin. Mais tu n’as pas à avoir peur. La première fois, peut-être, mais après, ça devient plus naturel. Et souviens-toi, tu es sa femme maintenant. Il faut que tu t’affirmes. Ce n’est pas une question de séduire, c’est une question de connexion. Le corps, l’esprit, et le cœur. Quand tu es prête à tout donner, à lui offrir tout ce que tu es, il ne peut que te répondre de la même manière.Ismène ferma les yeux, se laissant envahir par cette idée de connexion, de com
La nuit tomba sur le palais, mais pour eux, l’aube d’une nouvelle vie venait de se lever.Dans la quiétude de la chambre de Mariama, alors que la nuit enveloppait le palais d’un calme presque étrange, Ismène se laissa tomber sur un siège, les yeux perdus dans le vide. Mariama s’approcha doucement, comme si elle ressentait le poids des pensées qui écrasaient son amie.— Alors, vous avez scellé le mariage ? demanda Mariama, d’une voix douce mais curieuse.Ismène secoua négativement la tête, ses mains tremblantes se joignant sur son ventre comme pour se donner un peu de force. Elle sentait encore le vertige de la cérémonie, la lourdeur de ce mariage qui, bien qu’officialisé, restait dans son esprit comme un fardeau qu’elle n’était pas encore prête à accepter complètement. Le regard de Mariama se fit plus insistant, mais sans jugement. Elle s'assit à côté d'elle, posant une main rassurante sur son épaule.— Il faut que tu comprennes, Ismène, lui dit Mariama d’une voix calme mais ferme. Ce
Le soir, après que les invités se furent dispersés et que la dernière musique se fut éteinte dans les couloirs, Kael trouva Ismène seule dans leur chambre, Kalem endormi dans son berceau. Ses yeux étaient fatigués, mais un sourire sincère illuminait son visage lorsqu’elle le vit entrer.— Alors, c’est fait… dit-elle doucement, les bras croisés, mais ses yeux brillants d’une émotion qu’elle n’arrivait pas à dissimuler.Kael s’approcha d’elle et prit sa main, la serrant fermement.— Oui, c’est fait, répondit-il. Et ça ne change rien. Nous sommes ensemble, Ismène, et je tiendrai toujours ma parole.Elle hocha lentement la tête, un léger sourire aux lèvres. Mais malgré ses paroles, elle ne pouvait pas s’empêcher de se demander si ce mariage allait réellement apaiser toutes les tensions. Les murmures, les regards, tout cela allait-il s’estomper avec le temps ? Ou allait-elle toujours être l’objet de mépris de la cour, de la reine, de tout le royaume ?— Et maintenant ? demanda-t-elle, sa v
Le mariage de Kael et Ismène, bien que fastueux et empreint de la solennité que la cour exigeait, se déroulait sous un ciel lourd de tensions. Dans les couloirs dorés du palais, les murmures se propageaient comme un vent sec, glissant entre les nobles qui s'étaient rassemblés pour l'événement. Certains observaient, inquiets, les lèvres pincées, d'autres, à peine dissimulant leur mépris, chuchotaient des mots lourds de jugement. Mais tout ce qui importait à Kael, c’était qu’il ait lieu. Il n’était pas là pour écouter les chuchotements ni les ragots de la cour ; son regard ne se détournait jamais d’Ismène, sa future épouse, qu’il avait choisie, malgré les circonstances.Ismène, de son côté, était bien plus bouleversée qu’elle ne l’aurait voulu le laisser paraître. Son cœur battait fort, non pas à cause de l’ampleur de l'événement, mais plutôt du poids des regards qui pesaient sur elle. Ce n'était pas simplement une cérémonie, c’était un acte symbolique qui marquait une rupture avec tout