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Un silence glacé tomba sur la pièce.

— Zane ? Tu parles de mon fils, Alpha Zane V. S*ade ? demanda Lord Vasquez, stupéfait.

Mon sang se figea. C’était mon deuxième demi-frère.

Zane explosa :

— Qu’est-ce qu’elles foutent ici ? Tu m’accuses encore ?

Son père se retourna vers lui, la mâchoire crispée.

— Tu as levé la main sur cette fille ?

— Non ! C’est faux, répliqua-t-il, mais son regard fuyait.

Ma mère se pencha vers moi.

— C’est vraiment lui ?

— Oui. Il a manipulé Flynn pour qu’il me frappe, soufflai-je, tremblante.

Elle se redressa, déterminée :

— Votre fils a agressé ma fille.

Mon cœur bondit. Pourquoi exagérait-elle ? Moi, je disais la vérité, pas besoin d’en rajouter.

— C’est un mensonge ! s’écria Zane, se reculant, paniqué par la colère de son père.

Tout s’enchaîna brutalement. Lord Vasquez, convaincu, gifla son fils. Zane chancela, les larmes aux yeux, et je me sentis soudain coupable.

Un autre garçon surgit de l’escalier. Torse nu, les traits proches de Zane, il s’interposa aussitôt.

— Arrête, papa ! lança-t-il en se plaçant devant son frère.

— Dégage de là, Maddox, grogna Vasquez en voulant le repousser.

— Tu frappes ton propre fils à cause d’étrangères ?! s’indigna Maddox.

Zane, derrière lui, tremblait de rage et de honte.

— Tout ça à cause de cette fille !

— Ce n’est pas une étrangère, trancha Vasquez. Elle va devenir ta demi-sœur.

Ses mots résonnèrent lourdement dans la pièce.

Voilà donc comment il avait choisi de nous présenter ses fils : par la violence et l’humiliation.

« Vous vous rappelez, les garçons, je vous avais parlé d’une compagne ? La voilà : Scarlet Mintz. Et voici sa fille, Béatrice. À partir d’aujourd’hui, elle est votre demi-sœur. »

Lord Vasquez nous avait fait asseoir pour leur annoncer la nouvelle. Je n’arrivais pas à éviter le regard de Zane, planté sur moi comme une lame.

Je m’étais instinctivement réfugiée derrière ma mère, gênée par l’insistance avec laquelle les deux frères me fixaient.

« Papa ? Qu’est-ce qui se passe ? » lança soudain l’un d’eux.

Un homme venait d’entrer dans le salon. Grand, épaules larges, taille élancée, les muscles devinés sous sa chemise blanche et son pantalon sombre. Ses cheveux bruns se mariaient parfaitement à ses yeux noisette. Un autre jeune homme l’accompagnait, tout aussi grand, mais avec un port plus élégant.

Celui qui suivait possédait des yeux marron clair d’une intensité troublante, à tel point que je ne savais plus lequel des deux regarder.

« Installez-vous », dit calmement Lord Vasquez. Les deux nouveaux venus, en costume, prirent place.

« Voici Akin Sade et Helel Sade. Ce sont des jumeaux. Akin est l’aîné de quelques minutes. »

Ainsi donc, celui entré en second était Akin, et celui qui avait franchi la porte en premier, Helel. Ils se ressemblaient tellement qu’il fallait les détailler pour les distinguer. Akin devait frôler les deux mètres, Helel légèrement moins.

« Quant à eux, voici Maddox et Zane », ajouta Lord Vasquez en désignant mes demi-frères. « Deux autres jumeaux. Maddox est né avant Zane. »

Je reconnus aussitôt Maddox : c’était le garçon que j’avais surpris nu dans la chambre, celui aux yeux d’un bleu saisissant. Zane, lui, c’était l’autre, l’orage ambulant qui me faisait trembler.

« Qui sont-elles, père ? » demanda Helel en m’observant brièvement. Je baissai aussitôt les yeux.

À cette question, Zane éclata d’un rire moqueur.

« Voilà la fille que papa a choisie », lâcha-t-il avec mépris. Ma mère sursauta, indignée.

« Zane ! » gronda Lord Vasquez, le fusillant du regard.

Mais Maddox prit le relais, la voix tremblante :

« C’est vrai. Cette femme remplace notre mère, et cette fille devient notre demi-sœur. Et il attend de nous qu’on s’occupe d’elle ? C’est ridicule ! La première chose qu’elle a faite a été d’accuser Zane de la harceler. Et papa l’a cru, au point de lever la main sur lui. »

Je restai figée, surprise d’entendre Maddox si virulent.

Lord Vasquez reprit, d’un ton ferme :

« J’ai tourné la page. Elle est ma compagne et vous devez la respecter. Je ne vous retiens pas. Si l’un de vous préfère rejoindre votre mère, vous êtes libres de partir. »

Les quatre garçons se levèrent aussitôt. Mais la voix glaciale de leur père les stoppa :

« Dans ce cas, oubliez le titre de Roi Alpha. »

Ils se rassisèrent en même temps, piégés. Tous savaient que leur destin était de gouverner chacun une région — Nord, Sud, Est, Ouest.

« Bien. Ce soir, nous aurons un dîner de famille. Béatrice, tes frères sont doués et forts, tu verras. »

Son sourire calculé me glaça. Les quatre me toisaient, sourcils haussés, comme pour me défier.

Après cela, ils quittèrent la pièce et montèrent à l’étage, certainement pour discuter entre eux. Ma mère et moi restâmes dans la cuisine, silencieuses.

Quelques heures plus tard, après une douche rapide, je redescendis. Le dîner était servi.

« Akin, mon fils aîné, gère mes affaires. À vingt ans, il est déjà très compétent », dit fièrement Lord Vasquez. L’intéressé resta impassible.

« Helel, lui aussi âgé de vingt ans, s’occupe parfois du domaine, mais il est surtout entraîneur de nos guerriers, et professeur de sport. » Helel mâchait distraitement sa salade, sans paraître concerné.

« Zane, dix-huit ans, aime voyager », continua-t-il, en parlant du garçon qui me persécutait à l’école.

« Et Maddox, son frère jumeau, est passionné de moto. » Il hésita un instant avant d’ajouter.

Maddox ricana :

« Dis plutôt la vérité, père. J’ai une dépendance qui t’exaspère. »

Ses yeux s’illuminèrent un instant d’une lueur étrange. Je fus la seule à le remarquer.

Lord Vasquez ignora la provocation. Puis il enchaîna :

« Comme je dois examiner la situation des meutes de l’Ouest, Scarlet et moi partirons demain matin. Je compte sur vous pour veiller sur Béatrice. »

Je croisai le regard affolé de ma mère.

« Mais elle est fragile… Son loup est instable. Elle ne peut pas rester seule sans moi », balbutia-t-elle.

Zane intervint aussitôt, un sourire ambigu aux lèvres :

« Ne t’inquiète pas, maman. On s’en occupera. Maintenant qu’on sait qu’elle est notre demi-sœur, on la protégera. » Son ton me fit frissonner.

« Helel pourra aussi l’entraîner », ajouta Lord Vasquez.

Je faillis m’étouffer en l’entendant. Dormir sans ma mère était déjà une épreuve, alors m’imaginer subir l’entraînement de ces frères hostiles…

« Voilà, vous voyez ? Mes fils sont attentionnés », conclut Lord Vasquez, satisfait. Il se leva et fit signe à ma mère de l’accompagner. Elle me jeta un regard lourd avant de quitter la salle.

Je restai seule, assise face à mes demi-frères.

Le silence s’éternisa, jusqu’à ce que la voix de Zane vienne briser l’air :

« Tu prends des médicaments pour empêcher ton loup de sortir. Alors explique-moi comment tu as pu ressentir un lien avec Flynn ? »

Je me raidis.

« Tu n’as rien dit à ta mère, pas vrai ? » Son sourire cruel en disait long. Il savait que si elle découvrait la vérité, elle serait furieuse.

Je sentis les yeux des quatre frères posés sur moi, attendant ma réaction.

« L’école va être amusante », ricana Zane. Puis, me pointant du doigt :

« Et fais attention. Ne crois pas que papa pourra toujours t’éviter des ennuis. »

Mon cœur se serra sous la menace voilée.

Cette nuit-là m’avait semblé interminable. Je n’avais pas échangé un mot avec ces types arrogants au charme dérangeant et j’avais quitté la salle à manger comme si je fuyais un danger. Dans le couloir, je tombai sur ma mère qui, sans poser de questions, m’accompagna à l’étage pour me montrer ma chambre.

Je n’osais rien lui dire au sujet de mes demi-frères. S’ils rapportaient ce qui s’était passé à l’école, elle me tomberait dessus sans hésiter, persuadée que j’avais fauté.

« Tu as ton espace à toi, Béatrice », dit-elle en allumant la lumière. Son sourire était satisfait, comme si elle voulait m’encourager à m’y sentir chez moi.

« Je demanderai à l’un de tes frères de la mettre à ton goût. »

Je me raidis à la voix grave qui s’éleva derrière moi. Lord Vasquez s’était approché pour observer ma réaction. Au centre de la pièce, il n’y avait pour l’instant qu’un lit solitaire.

« Je ne dors jamais seul », souffla-t-il en jetant un regard impuissant à ma mère.

Puis il ajouta, comme pour justifier mes failles :

« Je t’avais prévenue. Sa louve est sombre, presque corruptrice. À cause de ça, elle n’a jamais pu trouver ni force ni compagnon. »

Ma mère posa doucement sa main sur mon épaule, un geste tendre qui ne faisait que souligner son inquiétude.

« C’est bien triste, en effet. Mais je suis certain qu’Helel pourra l’aider, avec sa force d’homme », reprit Vasquez en s’adressant à son fils. Je ne savais pas si ses paroles tenaient de la mise en avant maladroite ou d’une réelle conviction que ses enfants surpassaient tous les autres.

À peine avait-il terminé qu’une voix s’éleva du fond de la chambre.

« Et si jamais elle a peur ce soir, il lui suffira de crier mon nom. Je viendrai la rassurer… »

Maddox venait d’interrompre la conversation. Appuyé contre le chambranle de sa propre porte, il me fixait sans ciller, un ballon tournant nonchalamment entre ses doigts. Un frisson me parcourut l’échine sous l’intensité de son regard.