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chapitre 2- les anciens

last update Last Updated: 2025-05-26 16:08:49

​Point de vue de Rayan

​Les regards méprisants des anciens se plantèrent dans mon dos comme autant de poignards invisibles. Le silence qui avait suivi mon refus de succéder à mon père ne fut pas un silence de rage, mais un silence de satisfaction froide. Un soulagement presque palpable flottait dans l'air vicié de la Maison de la Meute. Les lourdes poutres de bois, noircies par le temps et la fumée des innombrables feux, semblaient écraser mes épaules autant que le poids de leur jugement. Ils n'avaient pas eu à m'écarter, j'avais fait leur travail moi-même.

​Je me sentais à la fois léger et lourd. Léger de m’être enfin affranchi de leur attente, lourd de l'amertume que cette décision laissait derrière elle. Il était temps de couper le cordon, de me libérer des chaînes de mon passé.

​François, avec sa barbe grise taillée en pointe et son air de faux sage, fut le premier à briser ce calme. Il se déplaça avec la lenteur d'une bête qui savoure sa proie, ses yeux perçants fixés sur mon père.

​— La meute a toujours le droit d'écouter les souhaits de l'Alpha, surtout lorsqu'ils concernent son… héritier, lança-t-il, un sourire en coin qui me révulsait.

​Ce n'était pas une question, c'était une provocation. Il voulait que je réponde. Il voulait me forcer à justifier mon existence. J'avais le sentiment d'être au centre d'une pièce de théâtre grotesque, dont j'étais le personnage principal malgré moi. Mon père se contenta d’un regard glacial qui fit reculer d’un pas les autres anciens.

​— Je refuse, père, déclarai-je, en plantant mon regard dans celui de François, avec un sourire en coin. Je ne souhaite pas devenir Alpha.

​Les anciens échangèrent des regards de connivence, des sourires étirés sur leurs visages ridés. Ils étaient ravis. Ma décision était une confirmation de leur mépris, la preuve que j'étais indigne, un bâtard sans ambition, confirmant toutes leurs vieilles superstitions.

​François se tourna vers ses compères, le menton levé, comme un général après la bataille.

​— Quelle sagesse, murmura-t-il, avec un ton faussement doux. Le bâtard s'est auto-exilé. La meute est sauvée d'une honte inutile.

​J'éclatai de rire. Un rire court, moqueur, qui surprit tout le monde. C'était un rire de soulagement, de soulagement de ne plus avoir à faire semblant. De ne plus avoir à porter un masque de respect pour des gens qui ne m'en avaient jamais montré.

​— Oh, Père François, je ne savais pas que vous aviez un tel sens de l'humour, répondis-je, un regard amusé. Mais je crois que vous vous trompez sur les motivations de ma décision.

​Ma voix était enjouée, mais le regard dans mes yeux était tout le contraire.

​— Mon refus n’a rien à voir avec vous ou la meute. C'est un choix personnel. Et la seule honte que je vois, c'est celle de vous voir jubiler comme des hyènes sur les os d'un repas qui n'a même pas encore été servi.

​Mon père, Daryl, se leva d'un coup, sa chaise raclant le sol dans un grincement sec. Sa voix tomba, grave et tranchante.

​— Assez, grogna-t-il, un regard glacial fixé sur François.

​J'avais eu mon effet. L'éclat d'une guerre invisible venait de se déclarer entre le fils bâtard et les anciens, et je venais de marquer mon premier point. Je n'attendais pas de réponse. Je tournai les talons et m'éloignai d'un pas lent, mais décidé. Je sentis le regard de mon père se poser sur moi, un mélange de fierté et de douleur que je connaissais trop bien.

​La voix de Mathilda, douce mais ferme, s'éleva alors :

​— Père François, il me semble que l'Alpha vous a fait savoir que votre présence était inopportune. Il serait sage de ne pas tester sa patience plus longtemps.

​François, qui avait déjà ouvert la bouche pour répliquer, se tut. Il ravala sa haine, mais son orgueil l'empêchait de s'écraser.

​— Je venais simplement, bafouilla-t-il, pour vérifier que les arrangements pour la Fête de la Lune Pourpre étaient bien en place. Un simple détail.

​Son excuse était risible. Mathilda se contenta de le fixer, et le silence de son regard en disait plus que mille mots. Il se sentit plus petit que jamais.

​Je ne me retournai pas. La fierté que je lisais dans le regard de ma belle-mère était mon seul soutien. Je savais qu'elle, plus que quiconque, comprenait le poids de mes décisions.

​J'étais à présent à la porte de la Maison de la Meute. Mon cœur battait la chamade, mais mon esprit était en paix. J'avais fait mon choix, et je n'avais aucun regret. Je tournai la poignée, et le soleil du matin me frappa le visage, un soleil si différent de l'atmosphère pesante de la salle.

​J'entendis une voix, faible, mais pleine de venin, m'appeler une dernière fois.

​— Où vas-tu, bâtard ?

​Je ne me retournai même pas.

​— Je vais prendre une bonne bière au bar du village, lui lançais-je par-dessus mon épaule. Pour fêter l'honneur que vous me faites.

​Je pris une grande inspiration, ouvris la porte de la Maison de la Meute, et sortis dans la lumière du jour.

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