point de vue de rayan
Je les entends encore, leurs voix chargées de fiel, s’écrasant contre les murs comme les restes d’une tempête mal digérée. Ils me regardent comme si j’étais une erreur vivante, une salissure sur leur tableau de chasse. Et pourtant, je suis toujours debout. François, avec sa barbe grise et son air de faux sage, me reluque comme si j’étais un vulgaire cafard. Il ne digère pas que je sois ici, que je respire le même air que lui. Pour lui, je suis l’ombre d’un péché, le rejeton d’une oméga qui n’aurait jamais dû écarter les cuisses. Dommage pour lui, je suis aussi le fils de l’Alpha. Je reste silencieux. Pas par respect, certainement pas. Simplement parce que si j’ouvre la bouche, je vais me faire un plaisir de leur rappeler à quel point ils sont pathétiques. Et peut-être que je finirais par planter un couteau dans quelque chose de vital. On a tous nos pulsions. À ma gauche, mon père trône, calme, tendu. Il a ce regard qui précède toujours les éclats de voix. Pas encore de hurlements, mais presque. Mathilda est juste derrière lui, droite comme un piquet, digne comme toujours. C’est une Luna, ça se voit, ça se sent. Et même elle semble à bout de patience. — Votre présence ici est inopportune, avait-il lâché, glacial. Je ne vous ai pas convoqués. Et ils s’étaient tût. Parce qu’ils savent que même vieux, mon père peut encore leur faire plier l’échine. Moi, j’observe. C’est tout ce que je sais faire ici, en attendant que leur venin sèche. Ils m’ont craché à la gueule dès que j’ai mis un pied dans la salle. Certains m’accusent de vouloir le pouvoir, d’autres de ne pas être digne. C’est presque drôle : ils ne savent même pas de quel crime m’accuser en premier. Ce qu’ils ignorent, c’est que je m’en fous de leur trône. De leur foutue hiérarchie. Ce que je voulais, moi, c’était du respect. Une reconnaissance. Un "tu as survécu", ou un simple "merci" après toutes ces années à nettoyer leurs merdes. Mais ils ne savent que haïr. Je croise les bras, fixant le vieux François. — Vous avez fini ? demandai-je d’un ton trop calme pour être innocent. Il me jauge, prêt à siffler une autre insulte. Mais cette fois, c’est Mathilda qui intervient. — Assez, tranche-t-elle. Vous n’avez jamais été invités à donner votre avis sur ce que décide un Alpha dans son propre foyer. Elle est redoutable quand elle s’y met. Même moi, je redresse un peu les épaules. Mon père se lève enfin. Lentement. Le silence qui suit est pesant. — Mon fils aîné a refusé la succession, dit-il sans détour. Pas par faiblesse, mais par sagesse. Il a décidé que ce n’était pas à lui de diriger cette meute. Je sens les regards revenir sur moi. Dégoulinants de mépris. Ça les arrange, ça les excite presque. Rayan le bâtard renonce à la couronne. Le monde tourne à nouveau rond. Mais ce qu’ils ne comprendront jamais… c’est que renoncer, dans mon cas, c’est une forme de guerre. Je les laisse tranquilles aujourd’hui. Mais demain ? Qui sait. Je souris légèrement, sans joie. — Vous pouvez reprendre votre soupe de venin, les vieux. J’ai assez donné pour aujourd’hui. Je tourne les talons, sans un regard de plus. J’entends à peine mon père soupirer. Mais je sens son regard me suivre. Fièrement. Amèrement. Ce soir, je dors sans chaînes. Et c’est déjà une victoire.point de vue de Soraya La forêt interdite était plus sombre que je ne l’imaginais. Les arbres, noueux et gigantesques, semblaient former une prison autour de moi. Chaque craquement de branche me faisait sursauter, chaque souffle du vent ressemblait à un murmure menaçant. Je m’étais enfoncée trop loin. Et je le savais. Mais une force étrange me poussait à avancer, comme si je ne pouvais plus reculer. Un ricanement déchira soudain le silence. Puis un autre. Et encore un. Mon sang se glaça. Des silhouettes se matérialisèrent entre les troncs. Leurs yeux rouges brillaient dans l’obscurité, leurs pas étaient si silencieux que j’avais l’impression qu’ils flottaient. Ils m’encerclèrent rapidement, et je n’avais nulle part où fuir. — Quelle surprise… une enfant perdue, siffla l’un, ses crocs découvrant un sourire cruel. — Une petite louve, ajouta un autre. Fragile, sans défense… quel régal. Mon souffle s’accéléra. Mes jambes tremblaient, mais je refusais de pleurer devant eux. Le cer
point de vue de Soraya Je restais tapie près de la fenêtre, mon souffle suspendu, les doigts crispés sur le rebord de pierre. Les rideaux lourds masquaient presque tout, mais une petite ouverture me permettait d’entendre ce qui se passait dans la grande salle de réunion. Je n’aurais pas dû être là, je le savais. Les adultes avaient été clairs : ce genre de discussions n’était pas pour les enfants. Pourtant, mes oreilles se dressaient au moindre mot, avides de comprendre. Les voix étaient basses, étouffées, comme si elles craignaient d’être entendues. Je ne distinguais pas tout, seulement des bribes. … sacrifice… frontière… courage… Et puis, ce nom, qui me fit l’effet d’un éclair en plein cœur : Rayan. Je reculai, ma poitrine se serrant si fort que j’eus du mal à respirer. C’était lui. Papa. Ils parlaient de lui. Mais pourquoi maintenant ? Pourquoi avec cette gravité ? Mon père… que je n’avais jamais connu autrement que par les récits épars de maman. Je restai encore quelques seco
point de vue d’alex Le vent du nord s’était levé, froid et chargé d’humidité, quand Tharek accompagna l’elfe de sang vers la lisière des bois. Le prisonnier marchait la tête basse, les poignets toujours liés, mais je pouvais sentir son regard se poser parfois sur moi, un mélange de défi et d’ironie dans ses yeux. Je me tenais en retrait, les bras croisés, le regard fixé sur leur départ. — Rappelle-toi, soufflai-je à Tharek par lien mental, tu ne quittes pas ses pas, pas une seule seconde. Vérifie ses dires. Si un seul mot sonne faux, tu me le rapportes immédiatement. — Comptez sur moi, Alpha, répondit-il sans hésiter. Quand ils disparurent au détour du chemin, je sentis un poids se déposer dans ma poitrine. Ce n’était pas seulement la méfiance envers l’elfe. C’était ce qu’il avait dit. Ce qu’il avait osé insinuer. Un lycan blanc… avec mon odeur. Je serrai les poings si fort que mes jointures blanchirent. Derrière moi, Ragnar, Negan et Cael s’étaient approchés. Aucun d’eux ne p
point de vue d’alex La pièce était lourde de tension. Les torches fixées aux murs diffusaient une lumière vacillante sur les visages graves de mes frères d’armes. L’odeur de sang et de plantes médicinales emplissait l’infirmerie, piquant les narines et serrant la gorge. Sur la couche de pierre, recouverte de draps blancs, l’elfe de sang blessé nous observait avec une lueur de défi. Son torse portait encore les bandages que mes guérisseurs lui avaient posés, mais cela ne l’empêchait pas de bomber le menton avec arrogance. Je me plaçai face à lui, les bras croisés. — Tu es sur mes terres, elfe. Tu saignes dans mes murs. Alors parle. Pourquoi franchir la frontière interdite ? Un sourire en coin déforma ses lèvres. — Pourquoi ? Peut-être pour chasser. Peut-être pour observer. Peut-être parce que vos loups nous provoquent depuis longtemps. Cael, à ma droite, laissa échapper un grondement sourd, prêt à bondir. Je levai une main pour l’apaiser, sans quitter l’elfe des yeux. — Ne me f
point de vue d’alex Le lendemain de la fête, le village baignait dans une lumière douce, presque dorée. L’air était encore chargé des effluves de braises et de fleurs fanées, souvenirs des réjouissances nocturnes. Les enfants couraient dans les allées, poursuivant des poules récalcitrantes, tandis que les adultes émergeaient lentement, le sourire encore accroché aux lèvres. Assis autour d’une grande table improvisée, je retrouvai Ragnar, Negan et Cael. Les tasses de café fumaient encore, et les plaisanteries fusaient. — Alors, qui s’est endormi le premier hier soir ? lança Ragnar, un large sourire aux lèvres. — Toi, vieux loup, répondit Negan en éclatant de rire. J’ai vu ta Luna te tirer par l’oreille pour t’empêcher de ronfler au milieu des tambours. Ragnar gronda pour la forme, mais ses yeux pétillaient de malice. — Et toi, Alex, dit Cael avec un air faussement sérieux, tu as failli lever ta corne une troisième fois. On aurait dit que tu voulais noyer tout le monde sous tes di
point de vue d’alex La nuit avait enveloppé le village d’un manteau rougeoyant. La Lune Pourpre trônait au-dessus de nous, éclatante, et ses lueurs se mêlaient à celles des torches et des feux de joie. La musique résonnait, tambours et flûtes accompagnant les rires, et la fête battait son plein. Je me tenais parmi les Alphas, entouré de Ragnar, Negan et Daryl. Nos voix graves et nos éclats de rire dominaient un instant le vacarme de la fête. — Je n’ai pas vu une fête aussi vivante depuis des années ! lança Ragnar, une corne de bière à la main, son large sourire éclairant son visage. — On dirait presque que la guerre n’a jamais existé, ajouta Negan en hochant la tête. — C’est bien le but, répondis-je. Que nos enfants grandissent dans la paix, pas dans le sang. — En parlant d’enfants, ricana Daryl, fais gaffe Alex… Negan va encore leur apprendre des bêtises. Nous nous retournâmes. Plus loin, Negan s’était amusé à courir après Mason, le fils de Ragnar, ainsi que Jax et Soraya, qui