LOGINLa journée avait été un marathon émotionnel. Après avoir quitté le bureau du directeur mon directeur, fallait-il que je m’habitue à cette pensée , j’avais passé l’après-midi cloîtrée dans mon nouvel espace de travail, à déchiffrer la pile de dossiers qu’il m’avait confiée. Les chiffres dansaient devant mes yeux, mélangés à l’image persistante de son regard intense et de ce sourire fugace qui m’avait tant déstabilisée.
À 18h30, le silence qui régnait dans l’open space était presque aussi impressionnant que le luxe des lieux. La plupart de mes nouveaux collègues avaient discrètement plié bagage, me saluant d’un signe de tête ou d’un sourire en passant devant mon bureau. J’étais restée, têtue, déterminée à ne pas partir avant d’avoir au moins compris la logique de classement. Je ne voulais surtout pas qu’il pense, demain matin, qu’il avait commis une erreur en me choisissant. C’est alors que mon téléphone de bureau se mit à biper, me faisant sursauter. La ligne interne affichait « J. Kowit ». « Allô ? » dis-je, un peu hésitante. « Petite ! Tu es encore là ? Parfait. » La voix chaleureuse de Hia Jonny résonna dans le combiné, décontractée et familière. « Ne t’enferme pas toute seule dans ton coin le premier soir. Reste où tu es, je monte te voir. On va faire un petit tour pour que tu mettes des noms sur les visages. Et je te paie un café. » Avant que je puisse protester ou accepter, il avait raccroché. Je me laissai aller contre le dossier de ma chaise, un mélange de fatigue et de curiosité m’envahissant. Un tour ? À cette heure-ci ? Quelques minutes plus tard, Jonny apparut, aussi élégant que le matin même si sa cravate était légèrement desserrée et qu’il tenait deux gobelets en carton à la main. Il en tendit un vers moi. « Tiens. Un latte. Un vrai, pas la boue qu’on trouve dans les distributeurs. C’est le secret pour survivre ici. » Je pris le gobelet avec gratitude. « Merci, Hia Jonny. Vous n’étiez pas obligé… » « Jonny. Juste Jonny, entre nous », coupa-t-il en s’asseyant sur le coin de mon bureau avec une aisance qui en disait long sur son ancienneté ici. « Et si, j’étais obligé. C’est mon rôle. Le mécano social. Je m’assure que les nouvelles pièces s’intègrent bien à la machine. Et toi, Chloé Kim, tu es une pièce… intéressante. » Son regard pétillait de malice. « Alors, comment tu as trouvé ton premier face-à-face avec Sa Seigneurie ? » Je bus une gorgée de café, gagnant du temps. « “Baptême du feu”, c’était le mot juste, je crois. Il est… intense. » Jonny éclata de rire, un son franc et joyeux qui contrastait avec le silence feutré des bureaux. « “Intense” est un euphémisme. Nathakrit Srisombat est un volcan sous une couche de glace. Mais bon, tu as survécu. Et il ne t’a pas jetée dehors après ton petit commentaire sur sa… “beauté”, c’était ça ? » Je rougis instantanément, espérant que la lumière tamisée du soir masquerait mon embarras. « Vous étiez au courant ? » « Ma chère, ici, les murs ont des oreilles et les ascenseurs ont une mémoire. Mais ne t’inquiète pas, c’est resté dans l’équipe restreinte. Et entre nous, ça a dû lui faire plaisir. Le bonhomme a un ego, comme tout le monde, même s’il le cache sous des tonnes de rapports financiers. » Il se leva d’un bond. « Allez, viens. Promenade du soir. Le bâtiment est plus vivant à cette heure-ci, d’une certaine manière. » Je le suivis, mon café à la main, dans un dédale de couloirs éclairés par une lumière douce. L’atmosphère était radicalement différente de celle de la journée. Plus intime, presque secrète. « Bon, commençons par le commencement », annonça Jonny en désignant une série de portes closes. « Ici, c’est le QG des “Mammouths”. La Finance, la Comptabilité. Eux, ils ne rigolent pas. Ils respirent les chiffres et rêvent en tableaux Excel. Évite de les déranger après 16h, c’est là qu’ils bouclent leurs journaux. La chef, c’e st Khun Sopin. Une dame d’une soixantaine d’années, incorruptible, qui est là depuis la fondation de Gaysorn. Si elle te sourit, c’est que tu as gagné le gros lot. » Il poursuivit son chemin, me guidant comme un chef d’orchestre dévoilant son royaume. « L’aile opposée, c’est le cirque : le Marketing et la Communication. Des gens créatifs, bruyants, toujours en train de brainstormer sur des concepts fumeux. Ils organisent des soirées pizza et ont un baby-foot. Leur directeur, c’est Khun Anong. Un phénomène. Elle est capable de vendre de la glace à un Esquimau et elle a un cœur en or sous ses airs de diva. Tu t’entendras bien avec eux, je pense. Ils décompressent la pression. » Nous passions devant des bureaux où quelques irréductibles travaillaient encore, silhouettes solitaires baignées dans la lumière bleutée de leurs écrans. Jonny saluait chacun par son prénom, échangeant une blague ou une question sur un dossier. « Et là, attention, territoire dangereux », chuchota-t-il en s’approchant d’un secteur isolé, séparé par des cloisons de verre fumé. « Les Ressources Humaines. Surnommées “la Gestapo” en off. Sourcils, la directrice, est une femme charmante et redoutable. Elle sait tout sur tout le monde. Sois toujours irréprochable avec elle. Un oubli de déclaration, un retard non justifié… elle a une mémoire d’éléphant. » Nous arrivâmes devant un vaste espace de détente, avec des canapés design, une machine à café haut de gamme et une vue spectaculaire sur les lumières de Bangkok qui commençaient à scintiller. « Ici, la salle de pause des “officiers”. C’est-à-dire tous les cadres de notre niveau. C’est là que les vraies alliances se font, autour d’un café ou d’un thé vert. Les conversations ici valent tous les emails du monde. » Il se tourna vers moi, son visage plus sérieux. « Maintenant, la partie qui t’intéresse directement. Notre étage. Le dernier. L’Olympe. » Il compta sur ses doigts. « Il y a le directeur financier, Khun Thanawat. Un génie, mais un ours. Il ne parle que lorsqu’on lui pose une question directe. Ensuite, la directrice juridique, Khun Parima. Un faucon. Ne signe jamais rien sans son aval. Et puis il y a nous. L’équipe “spéciale” du PDG. Moi, toi, et deux autres assistants qui gèrent son agenda et ses déplacements. Nous sommes les gardiens du temple. » Il marqua une pause pour laisser l’information faire son effet. Je sentais le poids des responsabilités m’écraser un peu plus. « Et au-dessus de tout ça… » Jonny leva les yeux au plafond, comme si le bureau de Nathakrit Srisombat se trouvait à l’étage supérieur. « … il y a Lui. Le PDG. Nathakrit. Il n’a pas de titre à rallonge, il n’en a pas besoin. Tout le monde sait qui commande. Il a hérité de l’entreprise de son père, mais ne te méprends pas, il l’a transformée, agrandie, modernisée. C’est un bâtisseur, mais un bâtisseur solitaire. Il ne fait pas confiance facilement. » Il me regarda droit dans les yeux. « Ce qui rend ton cas si particulier, Chloé. Parce que lui, il t’a choisie. Personnellement. Pourtant, tu ne viens pas des grandes écoles, tu n’as pas de piston dans le conseil d’administration. Alors, soit il a vu en toi un diamant brut, soit… » Il laissa sa phrase en suspens, un sourcil levé. « Soit quoi ? » demandai-je, la gorge un peu serrée. « Soit il a ses raisons, et nous les découvrirons en temps voulu. » Il haussa les épaules. « Mais pour l’instant, contente-toi de faire du bon travail. Et de ne plus le traiter de “belle beauté” en pleine réunion », ajouta-t-il avec un grand sourire. Alors que nous revenions sur nos pas, une porte s’ouvrit au bout du couloir, déversant un flot de rires et de conversations animées. Une dizaine de personnes émergèrent, des hommes et des femmes en tenue décontractée, portant des cartons à pizza et des bouteilles de soda. « Ah, parfait ! » s’exclama Jonny. « Les loups sont sortis de leur tanière. C’est l’équipe du Marketing. Ils doivent finaliser une campagne. Viens, je te présente. » Il m’entraîna sans me laisser le choix. Les rires s’arrêtèrent net à notre approche, tous les regards se braquèrent sur moi avec une curiosité bienveillante. « Mesdames et messieurs, je vous présente Chloé Kim. La nouvelle recrue de l’Olympe. L’assistante personnelle du Grand Manitou lui-même. » Une femme d’une trentaine d’années, aux cheveux rose bonbon et vêtue d’un hoodie à capuche, s’avança, la main tendue. « Anong. Ravie de te rencontrer. Enfin, quelqu’un de frais et d’normal à cet étage ! » dit-elle en lançant un regard taquin à Jonny. Les présentations s’enchaînèrent dans une joyeuse pagaille. Il y avait Pond, le graphiste, qui mima une révérence exagérée ; Mint, la community manager, qui me serra la main avec une énergie communicative ; et Terre, le responsable des relations presse, qui m’offrit une part de pizza pepperoni sans me demander mon avis. « Alors, c’est comment, la bête ? » demanda Pond, les yeux brillants de curiosité. « Il t’a dévorée tout cru ? » « Elle est là, non ? » répondit Jonny à ma place. « Et elle a même réussi à lui arracher un sourire. Ce qui est plus que la plupart d’entre nous ici n’ont jamais accompli. » Des « Ooooh » impressionnés s’élevèrent du groupe. « La légende dit qu’il ne sourit que lorsque les bénéfices trimestriels dépassent les 20 % », commenta Terre, l’air sérieux. « Ou quand il a trouvé une nouvelle manière de terrasser la concurrence », ajouta Mint en frissonnant de façon dramatique. Je me mis à rire, me sentant soudainement incroyablement bien. L’ambiance était chaleureuse, décontractée. C’était loin de l’image froide et impitoyable que je m’étais faite des grandes entreprises. « Ne les écoute pas, Chloé », dit Anong en me prenant par le bras. « Nathakrit est un homme exigeant, mais juste. Et il a un faible pour les gens talentueux et sincères. Si tu es ici, c’est que tu as les deux. Bienvenue chez Gaysorn. » À cet instant précis, alors que je riais avec mes nouveaux collègues, une pizza dans une main et un café dans l’autre, mon regard se porta malgré moi vers l’autre bout du couloir, vers la section des bureaux de la direction. Et je le vis. Nathakrit Srisombat était debout près de la baie vitrée, un dossier à la main, semblant absorbé par la vue nocturne. Mais la lumière de son bureau, qui s’étendait jusqu’à nous, éclairait son profil. Il ne regardait pas la ville. Il regardait notre petit groupe. Plus précisément, il me regardait, moi. Son expression était indéchiffrable. Ce n’était ni un froncement de sourcils désapprobateur, ni un sourire. C’était une simple observation, intense et concentrée, comme s’il étudiait un élément nouveau dans une équation complexe. Il était là, silencieux, immobile, à une vingtaine de mètres, séparé de nous par la distance et la hiérarchie, mais présent. Je sentis un frisson me parcourir l’échine. Ce n’était pas un frisson de peur, ni d’inconfort. C’était… une reconnaissance. La sensation étrange d’être vue. Vraie ment vue. Pas comme la nouvelle employée, pas comme l’assistante maladroite, mais comme Chloé Kim, en train de rire, de partager un moment simple avec des collègues. Nos regards se croisèrent pendant une seconde qui sembla s’étirer. Je ne détournai pas les yeux, incapable de bouger, hypnotisée par la gravité de sa présence. Il ne sourit pas, ne fit pas un geste. Il soutint simplement mon regard, et dans la pénombre, je crus voir une lueur, infime, qui n’était pas le reflet des lumières de la ville. Puis, comme s’il avait accompli ce qu’il était venu faire, il tourna les talons et regagna son bureau, la porte se refermant silencieusement derrière lui, le laissant dans son monde et nous dans le nôtre. « Tu as vu ? » chuchota Jonny à mon oreille, sans que les autres n’entendent. « Le fantôme de l’Opéra fait son apparition. Il vérifie. » « Il vérifie quoi ? » demandai-je, ma voix à peine audible. « Si tu t’intègres. Si tu es des nôtres. C’est bon signe, Chloé. S’il ne s’intéressait pas à toi, il ne se serait même pas donné la peine de sortir de son antre. » La soirée se poursuivit, mais mon attention était ailleurs. L’image de cet homme, seul à sa fenêtre, observant la vie qu’il dirigeait sans vraiment y participer, était restée gravée dans mon esprit. Il était le maître de ce monde, et pourtant, il en semblait si distant. Alors que le groupe commençait à se disperser, Jonny me raccompagna à mon bureau pour que je récupère mes affaires. « Alors, tu vois un peu mieux comment ça fonctionne ? » me demanda-t-il tandis que nous marchions vers les ascenseurs. « C’est… un écosystème », répondis-je, cherchant mes mots. « Avec ses prédateurs, ses troupeaux, ses règles non écrites. » « Exactement ! » s’exclama-t-il, visiblement satisfait. « Et toi, tu es un nouvel animal dans la jungle. Tout le monde se demande dans quelle case tu vas tomber. » « Et vous, Hia Jonny ? Dans quelle case êtes-vous ? » Il pressa le bouton de l’ascenseur et se tourna vers moi, un sourire énigmatique aux lèvres. « Moi, petite, je suis le panda. Tout le monde m’aime, je semble mignon et inoffensif, mais je suis un ours. Et je connais la jungle comme ma poche. Et je protège les miens. » Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent. « Alors, bienvenue dans la jungle, Chloé Kim. Dors bien. Demain, la vraie aventure commence. » La descente se fit dans un silence contemplatif. En sortant du bâtiment étincelant pour plonger dans l’air chaud de Bangkok, je levai une dernière fois les yeux vers le dernier étage, vers cette fenêtre qui était désormais le centre de mon nouveau monde. Je n’étais plus seulement une employée. J’étais un élément intrigant dans l’équation d’un homme que je commençais à peine à entrevoir. Et cette pensée, au lieu de m’effrayer, me remplissait d’une détermination farouche. Il avait vu quelque chose en moi. Et j’étais bien décidée à découvrir quoi. La nuit m’enveloppa, emportant avec elle les bruits de la ville et le parfum entêtant de l’aventure qui commençait.Tout avait commencé par un regard, justement. Celui qu’elle avait posé sur Nathakrit, le PDG terrifiant et magnifique de Gaysorn, le jour de son embauche. Elle n’était alors qu’une assistante talentueuse mais méfiante, une étrangère dans l’écosystème impitoyable de l’entreprise. Lui, un sommet inatteignable, glacé par les responsabilités et les apparences. Le chemin qui les avait menés de ces premiers regards furtifs à l’épilogue d’aujourd’hui n’avait été ni linéaire, ni facile. Il avait été jonché d’embûches qui avaient failli les détruire : les rumeurs acérées de collègues jalouses comme Pim, la trahison professionnelle qui l’avait accusée à tort, brisant la confiance naissante entre eux. Chloé avait appris que l’homme derrière le titre n’était pas un mur, mais un être vulnérable. Nathakrit avait découvert que la femme derrière le dossier n’était pas un pion, mais une force. Leur amour était né dans le chaos à Singapour, dans la chaleur d’un voyage d’
Assise à son nouveau bureau non plus celui de directrice d’« Horizon », mais celui, plus vaste, de Vice-Présidente en charge de l'Innovation et de l'Impact Social du groupe Gaysorn Chloé laissa un instant son regard errer par la baie vitrée. Le ciel de Bangkok, d’un bleu laiteux en cette fin d’après-midi, lui rappelait étrangement celui de son premier jour, des années auparavant. Elle venait de terminer une session de mentorat avec une jeune recrue, une Française timide mais brillante nommée Élise, dont les yeux écarquillés et le mélange d’excitation et de terreur lui avaient tiré un sourire attendri.« N’ayez pas peur de poser des questions, même si elles vous semblent stupides », lui avait-elle dit. « Et surtout, n’oubliez pas que votre regard neuf, votre façon différente de voir les choses, c’est votre plus grande force ici, pas une faiblesse. »En voyant la jeune femme hocher la tête, reconnaissant dans son expression une lueur de doute familier, Chloé avait
Les mois qui suivirent la demande en mariage furent une valse parfaite entre deux réalités qui, désormais, ne s’affrontaient plus mais se nourrissaient l’une de l’autre. Notre vie était devenue un savant et heureux équilibre entre les planifications stratégiques d’« Horizon » et les préparatifs intimes de notre union. L’agenda de Chloé Kim, Directrice de l’Impact, et celui de Chloé, future épouse de Nathakrit, cohabitaient dans le même carnet, mais dans des couleurs différentes, sans jamais se chevaucher de manière conflictuelle.La préparation du mariage fut un projet à part entière, mené avec la même passion que nous mettions dans nos dossiers professionnels, mais teintée d’une douceur et d’une complicité nouvelles. Nous voulions quelque chose qui nous ressemble : élégant, sincère, entouré de l’essentiel. Pas le faste écrasant attendu d’un héritier de la haute société bangkokienne, mais une célébration où chaque détail aurait un sens. Nous choisîmes une petite salle privé
Ce vendredi ressemblait à tous les autres, ou presque. La fin de semaine était proche, l’atmosphère dans les bureaux d’« Horizon » était détendue, satisfaite d’une semaine de travail fructueuse. Nous avions bouclé la première phase de déploiement du projet éducatif, et les retours préliminaires étaient excellents. Je me sentais ancrée, heureuse, dans cette nouvelle vie où amour et ambition se nourrissaient sans se dévorer.Un peu après l’heure de fin de service, je me rendis aux toilettes pour me rafraîchir avant de retrouver Nathakrit. Nous devions dîner dans un petit restaurant italien discret, notre rituel du vendredi soir. En passant, je croisai Jonny qui rangeait son bureau avec une lenteur inhabituelle, et Pim qui bavardait près de l’ascenseur. Rien ne semblait anormal, si ce n’est une étrange quiétude qui commençait à descendre sur l’étage.Quand je ressortis des toilettes quelques minutes plus tard, le monde avait changé.Le vaste open space, d’ord
Les semaines qui suivirent ma nomination furent un tourbillon euphorique. Mon nouveau bureau, plus spacieux, avec une vue imprenable sur les gratte-ciel de Sathon, symbolisait bien plus qu'une promotion. Il représentait une reconnaissance tangible, une responsabilité immense, et la concrétisation d'une confiance que j'avais cru perdue à jamais. L'équipe "Horizon" commençait à prendre forme, rassemblant des talents internes et des profils externes brillants, tous animés par cette vision ambitieuse de mêler innovation et impact social.Pourtant, sous la surface lisse des félicitations officielles et des sourires de circonstance, je percevais des frémissements, des doutes qui persistaient. La nouvelle de ma relation avec Nathakrit était désormais un fait établi, mais son annonce spectaculaire, suivie de ma nomination à un poste clé, avait ravivé une vieille méfiance sous une forme nouvelle. Ce n'était plus de la jalousie mesquine, mais une inquiétude plus « respectable », plus
L'onde de choc du succès de "Kâla" eut un effet transformateur sur l'équipe. L'atmosphère dans l'open space, si longtemps empoisonnée par les soupçons et les rivalités, se métamorphosa. Le triomphe du projet était indéniablement lié au travail de Chloé, et cette évidence, chiffres et retours clients à l'appui, balaya les derniers doutes.Les collègues qui l'avaient observée avec méfiance ou indifférence vinrent spontanément la féliciter. Leurs compliments n'étaient plus polis, mais empreints d'un respect authentique. « Désolé, je... je t'ai mal jugée au début », admit l'un des développeurs seniors, gêné. « Mais ce que tu as réussi à faire, la façon dont tu as tenu le cap... Chapeau. » Un autre ajouta : « Franchement, on s'en veut un peu de ne pas t'avoir soutenue plus tôt. »La transformation la plus frappante fut celle de Pim. Quelques jours après le lancement, elle demanda à Chloé de prendre un café avec elle, en bas, à l'écart des oreilles indiscrètes. Assises à







