MAYAJe ne cours pas.Courir, c’est céder à la panique.Et la panique est ce qu’il attend.Je traverse le couloir, carnet toujours contre moi, le souffle rauque. Le manoir vibre autour de moi. Trop calme. Trop tendu. Comme si chaque pierre retenait son souffle. Je me sens observée. Mais pas par lui.Par quelque chose d’autre.Je m’arrête devant une porte en bois brut, presque dissimulée dans la texture du mur. Une chose étrange attire mon regard : au sol, un tapis a été déplacé récemment. Je le soulève. Une trappe en métal.Mon cœur cogne. Mon instinct me crie de partir. Mais la curiosité est plus forte que la peur.Je l’ouvre.L’air qui s’en échappe est glacial. Fétide.J’inspire. Et je descends.Une échelle rouillée, longue, grinçante. Chaque barreau gémit sous mes pieds. Je m’enfonce dans l’obscurité. Une lumière blafarde filtre au fond. Ampoule nue. Mur en pierre. Pas de décoration. Pas d’humanité.J’atterris dans un couloir souterrain.La sensation est immédiate. Ce n’est pas un
MAYAJe marche lentement dans les couloirs.Le silence est pesant, mais il ne m'effraie plus. J'avance comme un fantôme revenu d’entre les morts. Le sang s’est figé sur ma peau, la douleur palpite à chaque pas, mais mon esprit est plus clair que jamais.Je ne suis plus la patiente. Ni la prisonnière. Je suis celle qui sait.Il ne m’a pas laissé la porte ouverte pour me rendre ma liberté.Il l’a laissée entrouverte… pour observer. Pour jauger. Pour contrôler ma réaction. Ce n’était pas une issue. C’était un miroir. Il voulait voir si je serais encore cette femme qui pleure en silence ou celle qui osera franchir le seuil.Qu’il regarde bien.Je passe devant une aile que je ne connais pas. Une porte en métal, sans poignée. Derrière, des murmures filtrent, presque inaudibles. Des souffles courts, des soupirs. Un frisson me traverse. Ce lieu a des couches. Des strates de secrets.Je continue.Une salle d’archives. Déverrouillée. Je pousse doucement. L’odeur du papier et du vieux cuir m’ass
Je reste immobile.Le verrou a cliqué. Il est parti.Et moi, je suis là. Seule. Le souffle coupé. Le corps vidé. Les jambes engourdies par la douleur, la peau poisseuse de sueur, le cœur dévasté.Mon regard se perd sur les murs blancs de cette pièce. Ce sanctuaire sans âme où il a tenté, une fois encore, de réparer ce qu’il a brisé. Mais on ne recoud pas un cœur. On ne cautérise pas l’absence. On ne soigne pas ce qu’on a volontairement infecté.Je glisse mes doigts sur les points de suture. Ma chair bat sous les fils, douloureuse, à vif. Il m’a soignée. Encore. Comme à chaque fois. Quand il me blesse, il recoud. Quand il m’arrache, il me retient.Tu peux décider. De rester. De partir.Ses mots me hantent. Pas parce qu’ils m’offrent une échappatoire. Mais parce qu’ils sont un piège. Une illusion cruelle. Il me jette un semblant de liberté, comme on jette un os à un chien. Mais je le connais, maintenant. Lior ne me laissera pas partir. Il ne sait pas aimer sans posséder. Il ne sait pas
Je suis dans ses bras.Pas parce que je l’ai voulu.Parce que mon corps a cédé. Parce que mes jambes ne tiennent plus. Parce que la douleur a volé mes forces, et que Lior a tendu les mains.Je me suis débattue. Faiblement. Par principe. Par colère. Mais je suis restée là, contre lui. Prisonnière d’une chaleur que je hais autant que je désire oublier.Chaque pas qu’il fait est une agression contre mon orgueil. Chaque vibration de sa cage thoracique contre ma joue me rappelle l’intimité que je ne veux plus partager. Mais mon corps, traître silencieux, se relâche peu à peu. Et c’est peut-être ce relâchement qui me fait le plus peur.Il marche vite. Son souffle est régulier. Le mien, haché. Mon front cogne parfois contre son épaule. J’ai envie de vomir.Le décor défile. Je reconnais les abords du domaine. Les arbres familiers. Les ombres menaçantes. Il ne m’emmène pas à la maison principale. Non. Une autre aile. Un bâtiment isolé. Plus petit. Plus discret. Je ne l’avais jamais vu avant. I
Le vent me gifle dès que je franchis la porte.L’air libre. Brut. Sauvage. Il n’a rien de doux. Il m’arrache un cri silencieux, mêlé de larmes et de vertige. Je chancelle, mais je continue à courir, mes pieds nus heurtant le gravier, mordant la terre. Chaque aspérité me rappelle que je suis vivante. Que je suis sortie.Je dévale la pente qui mène au sentier. Le domaine de Lior est immense, bordé d’arbres comme des murailles naturelles. Mais je les connais, ces arbres. Je les ai vus chaque jour depuis la fenêtre. Je sais où il faut passer.Je suis libre.Je suis—Une silhouette surgit.Noire. Haute. Une masse devant moi.Je pile. Mon cœur bondit dans ma gorge. Pas Lior. Mais quelqu’un d’autre.Il porte l’uniforme noir de ses hommes. Les lunettes. L’arme à la ceinture.— Maya ? murmure-t-il, surpris.Je n’attends pas. Je fonce à droite. Il crie. Il me poursuit. Ses pas résonnent derrière moi, plus lourds, plus sûrs. Mon souffle devient brûlant. Mon corps vacille. Il va m’attraper.Mais
MayaLa poignée est plus froide que d’habitude.Un détail insignifiant pour n’importe qui. Mais pour moi, enfermée ici depuis des jours – des semaines peut-être – cela signifie une chose : la température a changé. La routine a été brisée. Peut-être une erreur. Peut-être une brèche.Je me redresse sur le lit, sans bruit. Le matelas gémit à peine sous mon poids. Chaque geste est calculé, contrôlé. Mon corps a appris à bouger sans bruit, à respirer en silence, à lire les ombres sur les murs. Lior a transformé mon monde en une cage dorée, mais les barreaux, ce sont les habitudes. Et aujourd’hui, quelque chose a bougé.Je me lève lentement. Mes pieds nus frôlent le tapis épais. Mes orteils s’enfoncent dans la matière moelleuse, mais je ne ressens rien. Mon cœur bat trop fort. Ma respiration se bloque. J’écoute. Aucun pas. Aucune voix dans le couloir. Aucune présence. Même les caméras, d’habitude si discrètes, semblent muettes. Lior ne surveille jamais directement. Il préfère manipuler à di
LiorElle ne crie pas.Elle ne me supplie pas.Elle me regarde avec une haine pure. Une haine si brûlante qu’elle en devient presque belle. Maya. Mon poison et mon besoin.Ses yeux, sombres comme la nuit avant l’orage, me percent comme des lames. Il n’y a plus de peur dans ce regard, juste cette rage froide et inflexible que je n’arrive pas à briser. Elle est là, droite, forte. Et pourtant… pourtant, je sens son corps au bord de l’effondrement. Elle vacille à peine, mais moi, je le vois. Je le ressens.Je l’ai vue marcher comme une louve blessée dans cette chambre. Tourner en rond comme une proie traquée. Une prison dorée, selon certains. Mais pour elle, c’est une cage. Et je suis le geôlier qu’elle rêve d’égorger.Je l’ai observée, oui. Derrière les caméras, sans honte. Ce n’est pas un crime. C’est une stratégie. Une manière de garder le contrôle. De la comprendre, peut-être.Peut-être…Mais à force de la regarder sans qu’elle me voie, c’est moi que j’ai découvert. Et la vérité ne m’
MayaJe ne dors pas.Comment le pourrais-je ?Chaque mur de cette chambre me hurle qu’il m’a volé ma liberté. Chaque détail, du satin des draps à la serrure sans poignée, est un rappel cruel de sa domination. Tout ici est magnifique, raffiné… et faussement doux. Comme lui.Lior.Il m’a arrachée à ma vie, à ma dignité. Il a osé. Il a franchi cette limite que je pensais sacrée, même pour lui. Il m’a kidnappée comme on ramène un bien volé. Comme si j’étais à lui.Mais je suis seule. Vraiment seule. Et je sais qu’il est là, quelque part. Juste derrière la porte. Ou peut-être derrière un écran. À m’observer. À se nourrir de ma panique. Peut-être même qu’il se délecte du silence. Du vide. De mon enfermement.Je serre les poings. Je refuse de pleurer une deuxième fois. Il a eu mes larmes dans la voiture. Il ne les aura plus. Pas ce soir.Je m’approche du miroir, un grand ovale encadré d’or, posé face au lit comme un juge muet. Mon reflet est flou dans la pénombre, mais suffisant pour voir ce
L’orage menace au loin. Le ciel est chargé, bas, comme ma patience. Je suis debout devant la baie vitrée de mon bureau, les mains croisées dans le dos, les yeux fixés sur l’horizon nocturne. Les lumières de la ville vacillent, minuscules, pathétiques. Tout ce monde qui vit… sans savoir que je pourrais l’éteindre d’un claquement de doigt.Mais ce soir, je ne pense pas à la ville.Je pense à elle.Elle m’évite. Me fuit. S’imagine hors de portée.Elle rêve.Maya a cru que me dire non la sauverait. Que me repousser mettrait un terme à ce que je ressens. À ce que je suis. Elle croit qu’elle a gagné quelque chose. De la liberté, peut-être.Mais je ne suis pas un homme qu’on tient à distance.Je suis le roi. Et quand un roi veut une chose, il la prend.Je pivote lentement. Sur mon bureau, les écrans diffusent les images de ses derniers mouvements. Elle travaille tard. Elle sort peu. Elle se méfie. Elle sent que je suis proche. Elle a ce sixième sens qu’ont les bêtes traquées.Mais elle ne m’