Chapitre 2 – Résistance silencieuse

La première semaine passa dans un étrange mélange de tension et de silence.

Kayla faisait tout pour éviter Aiden. Elle arrivait tôt, partait tard, déjeunait seule et gardait ses réponses strictement professionnelles. Chaque fois qu’elle croisait son regard dans les couloirs de Lancaster Magazine, son cœur se serrait. Ce regard était trop… pénétrant. Il la voyait. Pas seulement son visage, mais ce qu’elle cherchait à cacher : la peur, les doutes, les failles.

Et Aiden, lui, observait. Toujours. De loin. Il ne voulait pas la brusquer. Pas encore. Elle était différente. Il le sentait. Elle ne cherchait ni attention ni pouvoir. Elle ne jouait aucun rôle. Et c’était bien cela qui le fascinait.

Un jeudi matin, alors qu’il descendait à l'étage rédaction, il la trouva dans la salle de réunion, seule, en train de réorganiser un tableau d'idées pour le prochain numéro du magazine. Une mèche de cheveux échappée de son chignon encadrait son visage concentré.

— Tu travailles tôt, dit-il en s’approchant.

Elle sursauta légèrement avant de se redresser.

— Je voulais proposer quelques ajustements au thème du dossier "L’amour et la peur de perdre". Je trouvais la ligne éditoriale un peu… attendue.

Aiden arqua un sourcil.

— Et tu fais tout ça sans qu’on te le demande ?

— Je ne suis pas ici pour faire de la figuration.

Il sourit, surpris par la fermeté de sa voix. Elle avait du feu en elle. Un feu caché, silencieux, mais réel.

— Tu as peur de moi ? demanda-t-il soudain.

La question, posée avec calme, la désarma.

— Non. Pourquoi je devrais ?

— Tu fuis tout contact avec moi. Comme si tu redoutais quelque chose.

Kayla soutint son regard, mais elle sentit ses mains devenir moites. Il lisait trop bien en elle.

— Vous êtes mon patron. J’essaie juste de faire mon travail correctement, répondit-elle, sur la défensive.

— Je peux t’appeler Kayla ?

— Ce n’est pas nécessaire.

Il la regarda un moment, longuement, puis fit un pas en arrière.

— Très bien. Mais sache une chose : je n’ai pas l’intention de faire comme si je ne t’avais jamais rencontrée.

Il sortit de la pièce, la laissant seule avec le cœur battant.

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Le soir, Kayla se retrouva sur son canapé, emmitouflée dans une couverture, le regard perdu dans le vide. Elle ne comprenait pas pourquoi cet homme parvenait à la désarmer autant. Elle avait pourtant appris à se protéger. À ne rien laisser transparaître. Mais avec lui… elle perdait ses repères.

Elle repensait à cette soirée. À ce moment où leurs regards s’étaient croisés. Et surtout à ce qu’elle avait ressenti.

Un vertige. Une chaleur.

Une promesse dangereuse.

Mais elle ne voulait pas d’amour. L’amour déchire. L’amour trahit. L’amour, elle n’y croyait plus. Pas depuis l’enfance. Pas depuis les cris dans la cuisine, les portes qui claquent, les silences lourds à l’école, et les nuits à se demander pourquoi personne ne restait jamais.

Elle soupira et attrapa son carnet. Écrire l’apaisait. Elle griffonna quelques phrases, comme un exutoire :

"Ce que je fuis, ce n’est pas lui. C’est ce que je pourrais devenir à ses côtés. Fragile. Ou pire : amoureuse."

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Le lendemain matin, une réunion était prévue avec l’équipe de direction. Kayla n’avait pas prévu d’y assister, mais on lui demanda de monter exceptionnellement pour présenter sa proposition.

Lorsqu’elle entra dans la salle, tous les regards se tournèrent vers elle. Mais seul un regard la paralysa.

Aiden.

Il lui indiqua la chaise vide près de lui. Elle hésita, puis s’assit, droite comme une statue. Elle sentait son parfum, cette senteur boisée avec une touche ambrée qui lui donnait envie de fuir… ou de rester.

— Kayla, présente-nous ce que tu as imaginé, dit-il avec calme.

Elle prit une inspiration et commença. Sa voix était posée, ses idées claires. Elle proposait un dossier sur les amours qui font peur, ceux qu’on sabote, ceux qu’on fuit. Elle parlait de ceux qui nous attirent précisément parce qu’ils menacent ce qu’on a construit : une stabilité froide, mais rassurante.

Plus elle parlait, plus la salle devenait silencieuse. Même Aiden, d’ordinaire difficile à impressionner, se surprit à la regarder autrement. Pas seulement comme une femme mystérieuse… mais comme une femme brillante.

Quand elle termina, un léger silence flotta.

Puis il dit simplement :

— C’est excellent. On part là-dessus.

Les autres acquiescèrent. Kayla baissa les yeux, confuse. Ce regard qu’il lui lança, ce n’était plus seulement de l’intérêt. C’était… de l’admiration. Et ça, c’était encore plus dangereux.

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Plus tard dans la journée, elle reçut une enveloppe discrète sur son bureau. À l’intérieur, une carte écrite à la main.

"J’ai lu ton texte. Tu n’as pas besoin de fuir pour survivre. Tu as juste besoin de respirer sans avoir peur. — A."

Elle serra la carte contre elle.

Elle aurait dû la déchirer.

Elle aurait dû l’ignorer.

Mais elle la glissa dans son carnet. Et pour la première fois depuis longtemps… elle sourit.