Beranda / Romance / À feu et à perte / Chapitre 11 : Les Cendres de l'Aube

Share

Chapitre 11 : Les Cendres de l'Aube

Penulis: Darkness
last update Terakhir Diperbarui: 2025-11-03 18:06:00

Angèle 

La nuit ne m’a pas apporté le sommeil, mais une clarté terrible. Au petit jour, assise dans mon salon silencieux, je repasse chaque instant, chaque frôlement, chaque parole échangée avec Rabis. La peur rétrospective a cédé la place à une froide évaluation tactique. J’ai commis une erreur : j’ai sous-estimé l’animalité de Rabis, sa capacité à faire voler en éclats les règles non écrites de notre jeu. Je ne peux plus me contenter de danser à la lisière du précipice. Je dois apprendre à y construire une forteresse.

Mon téléphone vibre sur la table basse. Un email. L’expéditeur est une adresse cryptée. Mon contact.

Sujet : Matériel de construction.

Le message est court, laconique. Une pièce jointe. Un fichier audio. Aucune instruction. Juste un outil.

Je branche mes écouteurs, le cœur soudain lourd. J’appuie sur lecture.

D’abord, un grésillement, puis des voix. Celle de Rabis, immédiatement reconnaissable, épaisse de mépris et d’arrogance. Et une autre, plus jeune, plus nerveuse. Un de ses « associés », sans doute.

« — … elle se croit plus maline que tout le monde. Avec ses airs de sainte nitouche.

— Tu vas lui régler son compte, à la stagiaire de papa ?

— Stagiaire ? (Un rire gras.) Non. Elle a du cran. Et des courbes à faire perdre la tête à un saint. Le vieux la veut, c’est évident. Il collectionne les pièces uniques. Mais moi… moi, je préfère les user, les salir un peu. Les rendre… moins parfaites. »

Un silence. Le bruit d’un verre qu’on pose.

« — Et pour le projet Helios ? Elle a l’air d’y croire.

— Helios ? (Un reniflement de dédain.) Lemoine et son frère sont des fantômes. Le vieux s’en servira et les jettera. Comme il fait avec tout le monde. Comme il finira par la jeter, elle. Moi, je veux juste avoir goûté au fruit avant qu’il ne pourrisse. C’est ça, le vrai jeu. Prendre ce qu’il croit lui appartenir. »

La nausée me monte à la gorge, froide et métallique. Ce n’est pas une révélation. C’est une confirmation. Je ne suis qu’un trophée potentiel dans leur guerre intestine, un objet de conquête dans le conflit œdipien qui les oppose. Le mépris de Rabis pour son père est aussi viscéral que son désir de lui prendre ce qu’il a.

Mais ce fichier… c’est une arme. Une arme à double tranchant.

Je l’enregistre sur trois supports différents, le crypte, le cache dans les limbes de mon cloud. C’est mon assurance. Ma bombe à retardement.

9h00. Bureau de Néron.

Il est debout, tourné vers la baie vitrée, si immobile qu’il semble faire partie du paysage urbain. Je me tiens près de la porte, le dossier Helios sous le bras. L’air est froid, climatisé.

— J’ai le plan d’approche pour Helios, annoncé-je.

Il ne se retourne pas.

— Rabis vous a raccompagnée hier soir.

La phrase tombe comme une pierre dans un étang gelé. Il sait. Bien sûr qu’il sait. Ses yeux et ses oreilles sont partout.

— Oui. Nous avons discuté stratégie.

Enfin, il se tourne. Son visage est un masque de granit, mais ses yeux, ces yeux pâles et perçants, me traversent.

— De stratégie, répète-t-il, d’une voix où perce une nuance d’ironie dangereuse. Rabis a une conception… particulière de la stratégie. Il confond souvent l’échiquier avec le terrain de chasse.

Il s’approche, lentement, sans un bruit. L’espace entre nous se réduit, chargé d’une tension électrique.

— Il a essayé de vous toucher.

Ce n’est pas une question. C’est un constat. Un test.

Je soutiens son regard, sans ciller. Je ne dois ni nier, ni confirmer. Je dois redéfinir les termes.

— Votre fils croit que le pouvoir se prend par la possession, dis-je, ma voix étrangement calme. Il se trompe. Le vrai pouvoir, c’est l’influence. C’est de faire en sorte que les autres veuillent vous donner ce que vous désirez.

Néron s’arrête à un mètre de moi. Je peux sentir le faint parfum de son savon, un mélange de bois et de something almost medicinal.

— Et vous, Angèle ? Que désirez-vous ?

La question est la plus dangereuse qu’il m’ait jamais posée. Y répondre avec la vérité, c’est me perdre. Y répondre par un mensonge éhonté, c’est me démasquer.

— Je désire une place à cette table, dis-je en tenant son regard. Pas comme un jouet. Pas comme une décoration. Comme un architecte.

Un silence s’installe, lourd, épais comme du goudron. Son expression ne change pas, mais je perçois un infime changement dans son regard. La froideur analytique cède un millimètre. La curiosité devient… intérêt.

— Montrez-moi, dit-il enfin en tendant la main vers le dossier.

Je le lui tends. Nos doigts ne se frôlent pas. Il prend le dossier, le pose sur son bureau sans le regarder. Ses yeux sont toujours rivés sur moi.

— Rabis vous voit comme un défi. Un os à ronger. Moi… je commence à vous voir différemment. Vous avez tenu tête à mon fils. Vous avez supporté son… attention. Et vous êtes encore debout. Plus forte.

Il fait un pas de plus. Nous sommes maintenant si proches que je dois lever légèrement la tête pour maintenir son regard. L’autorité qui émane de lui est presque physique, une pression sur ma poitrine.

— Je ne collectionne pas les jouets, Angèle. Je collectionne les armes. Et je crois que vous pourriez en être une remarquable.

Sa main se lève, non pas pour me toucher le visage, mais pour effleurer une mèche de mes cheveux, un geste d’une intimité troublante, de propriétaire.

— Mais une arme doit avoir une garde. Un système pour ne pas blesser son possesseur. Vous me comprenez ?

Je retiens mon souffle. C’est le moment. Le point de non-retour.

— Parfaitement, murmuré-je.

Je ne recule pas. Je ne ferme pas les yeux. Je permets à son geste possessif d’exister, je l’accueille même, en y répondant par un calme absolu, une froideur qui est le parfait miroir de la sienne. Je ne suis pas la proie qui se soumet. Je suis l’arme qui accepte le fourreau.

C’est plus excitant pour lui que n’importe quelle étreinte. Je le vois dans l’obscurcissement de son regard, dans le léger durcissement de sa mâchoire. Il a cru trouver en moi un reflet de sa propre puissance.

— Bien, dit-il, en retirant sa main comme s’il se brûlait. Travaillez sur Helios. Utilisez ce que vous avez. Je veux des résultats.

Je hoche la tête, tourne les talons et sors. Le couloir me semble soudain immense, l’air plus facile à respirer.

Je ne me retourne pas. Je marche d’un pas ferme vers mon bureau, le corps parcouru d’un frisson qui n’est ni de la peur ni du désir, mais de la puissance. J’ai joué le tout pour le tout. Et j’ai gagné une manche cruciale.

Néron croit me tenir parce que je me suis laissé toucher. Rabis croit me conquérir parce que je lui ai résisté.

Ils ne voient pas la vérité.

L’arme qu’ils croient forger, l’incendie qu’ils croient contrôler… c’est moi qui en tiens le cœur. Et le fichier audio dans mon téléphone, la preuve du mépris de Rabis pour son père et son empire, est l’étincelle qui, le moment venu, réduira leur monde en cendres.

Le jeu a changé, une fois de plus. Je ne suis plus dans leur reflet. Je suis derrière le miroir. Et je regarde.

Lanjutkan membaca buku ini secara gratis
Pindai kode untuk mengunduh Aplikasi

Bab terbaru

  • À feu et à perte    Chapitre 13 : L'Appel des Abîmes

    Angèle La révélation du projet Janus tourne dans ma tête comme une roue dentée, broyant mes pensées. Je passe la nuit à chercher, à fouiller dans les archives auxquelles Néron m'a donné accès, un accès élargi, privilège dangereux. Je ne trouve rien. Janus est un fantôme, un nom murmuré seulement dans les plus hautes sphères. Cette ignorance est une faille dans mon armure, une faille que Néron a délibérément laissée ouverte pour observer comment je la comblerai.Au petit matin, épuisée mais lucide, je reçois un message. Pas de ma source habituelle. De Rabis.Rabis : « Vous voulez savoir ce qu'est Janus ? Rencontrez-moi. Ce soir. 20h. L'entrepôt Docks 7. Venez seule. Montrez que vous avez plus de cran que de prudence. »C'est un piège. Évident. Grossier. Mais envoûtant. C'est la porte qui s'ouvre sur la partie cachée de l'échiquier. Et Rabis, dans sa rage impulsive, est peut-être la clé la plus facile à tourner.La journée est un exercice de dissimulation. Je croise Néron brièvement. S

  • À feu et à perte    Chapitre 12 : Le Piège de Verre

    Angèle Les jours qui suivent sont un exercice d'équilibre constant. Je deviens un fantôme dans les couloirs de l'empire Néron, une présence à la fois indispensable et insaisissable. Chaque interaction est calculée, chaque mot pesé.Avec Rabis, je cultive une froideur distante. Il rôde, plus agressif, frustré par mon retrait stratégique. Ses avances se font plus directes, presque menaçantes. Je les esquive avec une élégance froide, laissant toujours planer le doute. Un "non" trop franc pourrait le braquer. Un "oui" n'est pas envisageable. Alors je danse dans l'entre-deux, alimentant sa frustration, cette faiblesse que son père méprise.Avec Néron, j'incarne l'efficacité absolue. Je lui présente mes avancées sur Helios, détaillant la faille que ma source m'a confirmée. Je lui montre comment retourner les frères Lemoine non par la force, mais par la menace élégante de révéler leur double jeu. Il écoute, approuve d'un hochement de tête. Son regard sur moi se fait plus intense, plus posse

  • À feu et à perte    Chapitre 11 : Les Cendres de l'Aube

    Angèle La nuit ne m’a pas apporté le sommeil, mais une clarté terrible. Au petit jour, assise dans mon salon silencieux, je repasse chaque instant, chaque frôlement, chaque parole échangée avec Rabis. La peur rétrospective a cédé la place à une froide évaluation tactique. J’ai commis une erreur : j’ai sous-estimé l’animalité de Rabis, sa capacité à faire voler en éclats les règles non écrites de notre jeu. Je ne peux plus me contenter de danser à la lisière du précipice. Je dois apprendre à y construire une forteresse.Mon téléphone vibre sur la table basse. Un email. L’expéditeur est une adresse cryptée. Mon contact.Sujet : Matériel de construction.Le message est court, laconique. Une pièce jointe. Un fichier audio. Aucune instruction. Juste un outil.Je branche mes écouteurs, le cœur soudain lourd. J’appuie sur lecture.D’abord, un grésillement, puis des voix. Celle de Rabis, immédiatement reconnaissable, épaisse de mépris et d’arrogance. Et une autre, plus jeune, plus nerveuse.

  • À feu et à perte    Chapitre 10 : Le Festin des Ombres

    Angèle Le restaurant est un lieu que Rabis a choisi avec une intention évidente : un endroit intimiste, aux lumières basses, où les tables sont séparées par des voilages de soie et où le murmure des conversations se perd dans le son feutré d'un piano. L'air est chargé d'un parfum d'épices et de richesse. C'est le territoire du prédateur, un décor conçu pour la séduction et l'abandon.Je m'y rends vêtue d'une arme : une robe noire simple, mais qui épouse mes courbes avec une fidélité cruelle. Ma seule concession à la parure est des boucles d'oreilles en argent froid qui capturent la lumière par éclats discrets. Je ne suis pas là pour lui plaire. Je suis là pour être un objet de désir si parfaitement taillé qu'il en oublie toute prudence.Il est déjà attablé, un verre de whisky ambré à la main. Son regard, luisant dans la pénombre, me déshabille lentement tandis que je m'approche.— Je commençais à croire que vous aviez eu plus peur que je ne le pensais, dit-il, sa voix un ronronnement

  • À feu et à perte    Chapitre 9 : La Cible et l'Ombre

    Angèle La voiture silencieuse qui me ramène chez moi est un sanctuaire roulant. Les lumières de la ville glissent sur la vitre comme des stries de néon. Je ferme les yeux, mais je ne vois pas la nuit. Je vois le regard de Néron, cette obscurité possessive. Je sens le contact brûlant de Rabis. Deux pôles opposés, deux dangers distincts que je dois équilibrer avec la précision d’un funambule.Mon téléphone vibre. Un message d’un numéro inconnu.Inconnu : « La pierre angulaire a une fissure. Regardez le dossier Helios. »Mon cœur fait un bond. C’est mon contact. La mystérieuse source qui m’a approchée il y a des semaines, me fournissant juste assez d’informations pour orienter mes recherches sans jamais se révéler. Helios. C’est l’une des trois cibles que j’ai identifiées aujourd’hui. Une société d’investissement familiale, l’un des actionnaires historiques les plus fidèles de l’empire Néron.Je range mon téléphone, le visage impassible. La "fissure". Je sais ce que cela signifie. Une f

  • À feu et à perte    Chapitre 8 : Le jeu des reflets 2

    Angèle Je lève les yeux, affichant une lassitude polie.— Je travaille, Rabis.Il s’assoit sans invitation, repoussant l’assiette de l’autre côté de la table. Son regard balaie ma tenue, s’attardant sur la ligne de ma jambe, sur le bouton dégrafé de mon chemisier.— Le projet secret de père ? chuchote-t-il en se penchant. Il te fait croire que tu es spéciale. Mais tu n’es qu’un jouet neuf. Il finira par se lasser.Je pose ma fourchette, soutenant son regard. Je laisse un peu de défi s’allumer dans mes yeux.— Et toi, Rabis ? Tu collectionnes les jouets ? Ou tu les casses juste pour passer le temps ?Il sourit, un vrai sourire, sauvage et authentique. Je viens de m’adresser à lui comme à un égal, en le provoquant. C’est ce qu’il veut.— Moi, je préfère les jeux où tout le monde participe. Surtout les plus… intéressants.Sa main, sous la table, effleure ma cheville. Le contact est brûlant, intrusif. Je ne recule pas. Je ne souris pas. Je maintiens son regard, permettant à ce contact d’

Bab Lainnya
Jelajahi dan baca novel bagus secara gratis
Akses gratis ke berbagai novel bagus di aplikasi GoodNovel. Unduh buku yang kamu suka dan baca di mana saja & kapan saja.
Baca buku gratis di Aplikasi
Pindai kode untuk membaca di Aplikasi
DMCA.com Protection Status