ElenaChaque cri étouffé.Chaque silence.Chaque disparition noyée dans le néant bureaucratique…Je les emporte.Je suis Elena.Je suis Livia.Je suis Zaira, Giorgia, Romina.Et toutes les autres.Et je vais faire trembler les fondations de leur empire.Jusqu’à ce qu’il s’écroule.Jusqu’à ce qu’elles puissent, enfin, reposer en paix.Ou vivre.Ou crier.DanteOn part.Pas pour fuir.Pour frapper.Cette fois, ils ne verront pas venir la tempête.Parce que cette tempête a un visage.Un nom.Et une mémoire.ElenaJe suis leur mémoire.Et leur cri va tout ravager.ElenaLa mer s’ouvre devant moi, grise, féroce, indifférente.Catane est une ville faite de cendres et de sel. Une ville marquée par le feu de l’Etna, où chaque rue semble porter la mémoire d’un cataclysme ancien.C’est là qu’on nous a envoyé. Ou plutôt, c’est là que je vais arracher une vérité de plus.Le vent s’engouffre dans mon manteau, me fouette le visage, mais je marche.Dante à ma gauche, Ismael un peu en retrait. Je sui
ElenaLe jour ne se lève pas.Il s’arrache.À coups d’ongles contre la pierre, à coups de cris rentrés.Le ciel est une plaie ouverte au-dessus de Naples. Un ciel sans pardon. Gris, sale, muet. Il pèse sur mes épaules comme une injonction. Comme une condamnation.Je n’ai pas fermé l’œil.Pas dormi. Pas respiré. Pas pleuré.Mes mains sont engourdies, mais je continue.Toute la nuit, j’ai fouillé le squat.Pas un simple repaire. Un tombeau. Un mémorial. Une matrice.Les murs suintent la peur, la fuite, l’injustice.Mais aussi l’espoir. La révolte.J’y ai trouvé des fragments. Des échos. Des noms.Et maintenant, ce n’est plus un lieu abandonné. C’est une forge.Et moi, je suis le feu.Dante dort à moitié, adossé contre un mur, une jambe repliée, les bras croisés. Son manteau noir remonte sur son menton. Mais je le connais. Il ne dort jamais vraiment.Il attend. Il veille.Et moi ?Moi, je suis en guerre.DanteElle est différente.Pas brisée.Affûtée.Comme si la nuit avait brûlé tout ce
ElenaOn descend la colline comme deux ombres.Les rues de Naples nous avalent, puis nous recrachent plus bas, là où les murs sont fissurés, là où personne ne pose de questions.Le sang de Moretti colle encore à mes doigts.Je n’essuie pas. Je n’oublie pas.Je grave.Le vent glisse sur mon visage, un souffle froid qui mord, un rappel cruel que la nuit est loin d’être finie. Chaque pas résonne dans ma tête comme un écho sourd de toutes les fois où j’ai fermé les yeux, où j’ai choisi de fuir. Mais ce soir, je ne fuis plus. Ce soir, je prends. Je reprends.DanteElle ne parle pas. Pas encore.Mais je la connais assez pour savoir que c’est en train de la ronger, de creuser un trou au fond d’elle.Pas un vide.Un puits.Et dans ce puits, il y a un prénom.Livia.Je marche à côté d’elle, un poids dans ma poitrine que je n’arrive pas à chasser. Je vois ses mains trembler parfois, quand elle serre ses poings ou qu’elle effleure son cou. Elle lutte contre un cyclone intérieur, invisible mais d
ElenaL’Italie ne m’a jamais manqué.Elle a l’odeur de l’enfance détruite.De l’huile sur le pavé. De l’encens pourri dans les églises.Et maintenant, elle a le goût de la vengeance.Les rues de Naples me griffent la mémoire.Tout est trop chaud. Trop bruyant. Trop vivant pour ce que j’ai à faire ici.Mais je suis prête.Je suis l’ombre revenue à la lumière.Et la lumière, aujourd’hui, va brûler.DanteOn remonte la piste depuis des semaines.D’abord les noms. Puis les lieux. Les comptes offshores. Les faux passeports.Gabriel Moretti.Un baron, oui. Mais pas du genre noble.Du genre à acheter le silence avec des liasses, des menaces et des cercueils.Un homme dont on ne prononce pas le nom à voix haute.Un homme qui possède tout, sauf ce qu’on vient lui prendre.ElenaIl vit dans une villa fortifiée au sommet d’une colline.Vue sur la baie. Odeur d’oliviers. Apparences trompeuses.Portails en fer forgé, jardins géométriques, soldats déguisés en domestiques.La beauté comme camouflage
ElenaBarcelone pue le luxe frelaté.Les rues étroites crachent leurs souvenirs.Les façades colorées mentent. Derrière les murs, c’est la même crasse qu’ailleurs.Juste mieux dissimulée.C’est un décor de carte postale pour des crimes sans visages.Sofia Rojas habite au sommet d’un immeuble en verre.Une tour prétentieuse avec des portiers muets, des codes biométriques, des ascenseurs privés tapissés de cuir blanc.Elle vit dans une cage dorée, bâtie pour ceux qui croient que l’argent blanchit tout.Je les connais, ces tours.J’en ai vu d’autres.On y enferme les monstres en leur offrant la vue.Et parfois, un majordome pour les border.DanteJe la regarde se transformer.Elle ne marche plus.Elle plane.Froide. Inaltérable.Elena, c’est un scalpel dans une vitrine.Belle. Tranchante. Silencieuse.Ses gestes sont millimétrés. Sa colère, contenue.Elle a le regard d’une survivante à qui on a promis une dernière bataille.Et elle la veut.Pas pour se venger.Pour purger. Pour clore.Po
DanteOn roule encore.Toujours vers l’Est.Les villes se succèdent comme des cicatrices mal refermées, des coulées de béton fissuré rongées par les lampadaires blêmes. Les enseignes clignotent, indifférentes à notre passage. Chaque panneau, chaque carrefour nous rapproche de ce qu’on ne pourra plus reculer.Elena ne parle pas.Mais je la sens.Chaque kilomètre abattu alimente sa fièvre. Elle bout. Une tension sourde monte en elle, méthodique, précise, comme une lame lente qui cherche sa cible sans jamais trembler. Son silence est plus chargé que n’importe quel cri.Quand je m’arrête devant cette maison, j’ai un haut-le-cœur.Trop sage. Trop blanche.Des géraniums rouges sur les rebords, un vélo d’enfant abandonné contre le mur comme une offrande naïve.Un monde propret, en carton.Une mise en scène.Je coupe le moteur.Elena— C’est lui. Il vit là. Sous un autre nom. Nouvelle femme. Nouveau gosse.Dante— Tu veux les épargner ?Elle ne me répond pas tout de suite.Son regard fixe la