Semua Bab Les larmes de la reine: Bab 81 - Bab 90

LorenzoJe l’ai désirée dès l’instant où je l’ai vue.Avant même de connaître son nom. Avant même qu’elle ouvre la bouche.Ce n’était pas une attirance douce. Ce n’était pas une émotion. C’était un coup de fouet. Brutal. Inexplicable. Irréversible.Son regard. C’est ça qui m’a désarmé. Cette façon qu’elle avait de me défier sans un mot, de me forcer à la regarder plus fort, plus longtemps. Comme si elle savait. Comme si elle devinait déjà le monstre que j’étais. Et qu’elle l’appelait.Je n’avais encore jamais rien vu d’aussi indécent que sa façon de rester debout devant moi, sans bouger, les lèvres entrouvertes, les mains croisées dans le dos, comme une offrande.Et moi, je l’ai prise. Sans questions. Sans retenue. Parce que je pensais que j’en avais le droit. Parce que je croyais qu’elle m’appartenait.Aujourd’hui, je sais.Je sais ce que je suis devenu. Ce que j’ai été depuis le début.Un prédateur. Aveuglé par sa proie.Un frère.Un putain de frère.Et elle, elle était là, entière,

EmilyLa villa est devenue un silence. Pas le genre apaisant. Un silence piégé. Prêt à exploser sous la moindre semelle mal posée.Depuis deux jours, je n’ai pas vu Lorenzo.Mais je sais.Je sais qu’il sait.Il ne m’a pas convoquée. Pas un mot. Pas un regard.Et pourtant, tout le monde baisse les yeux en me croisant, comme si mon corps portait déjà une condamnation.Je reste cloîtrée dans ma chambre, à écouter les pas qui filent dans les couloirs, les ordres hurlés, les bruits de moteur la nuit.Quelque chose est en train de changer.De s’effondrer.Et je suis au cœur de l’épicentre, sans même avoir prononcé un mot.Quand Gabriel frappe à la porte, je sais déjà que c’est trop tard.— Il t’attend.Je hoche la tête. Je ne tremble pas.Mais à l’intérieur, c’est un ouragan.Je descends. Chaque marche me rappelle que je pourrais être en train de descendre vers la fin.La fin d’un rôle. D’une alliance. D’un mirage.Lorenzo est seul dans le grand salon, les rideaux à moitié ouverts. La lumiè

AlessiaJe ne dors pas.Je n’y arrive plus.Je reste assise contre le mur, la veste de Lorenzo sur les épaules, cette odeur qui m’agresse autant qu’elle me réconforte.Un poison doux. Une mémoire toxique.Il est là, à quelques mètres, adossé à la porte arrière qu’il a verrouillée. Veilleur d’un monde en ruines.On n’a rien dit depuis une heure. Pas un mot.Mais chaque respiration est une confession muette. Chaque silence, une lame à double tranchant.J’ai sorti une carte. Une vieille carte du monde que je gardais dans mes affaires, pliée, jaunie, marquée au stylo.Je trace au hasard. Des lignes, des routes, des détours.Je veux partir. Loin.Je veux m’effacer.Me reconstruire ailleurs, même dans une langue que je ne parle pas.— Tu veux fuir, dit-il sans me regarder.Je sursaute. Sa voix me prend au piège. Il me connaît trop.Il sait que je déteste être lue à voix haute.— Je veux respirer, corrigé-je.Il hoche la tête. Lentement. Comme s’il goûtait mes mots un à un. Comme s’il savait

AlessiaJ’ai quitté Rome, mais elle n’a pas quitté mon esprit.Chaque ville que je traverse me ressemble un peu plus. Un puzzle éclaté. Sans bord. Sans image de référence.Je croyais fuir un homme.Mais ce que j’essaie de fuir… c’est moi.Je ne dors pas. Je ne mange que par réflexe. Je parle peu.Mes silences se sont fait compagnons. Mon ombre est devenue refuge.Chaque matin, je me lève en pensant que c’est le bon. Le jour où j’oublierai.Et chaque nuit, je réalise que je ne veux pas oublier.Je veux comprendre.Mais cette nuit-là, j’ai rêvé.Un rêve flou.Une chambre d’hôpital noyée dans la lumière froide.Des machines qui respirent à la place d’un corps.Et une voix d’enfant. Rieuse. Inquiète.Qui m’appelait par un nom que je ne connaissais pas.Sorellina.Puis un prénom.Sandro.Je me suis réveillée en sueur, les draps collés à ma peau.Les battements de mon cœur étaient ceux d’un compte à rebours.J’ai saisi mon téléphone. Les mains tremblaient.Comme si je m’apprêtais à appeler

AlessiaIl dort de nouveau.Pas dans l’oubli. Pas dans la fuite.Il dort avec ce poids dans les yeux cette lucidité neuve qui fait mal, qui mord jusque dans les rêves.Je n’ose pas le lâcher.Je sens encore ses doigts refermés sur les miens tout à l’heure, comme une déclaration silencieuse. Une manière de dire : je suis revenu.Lorenzo est là. Il ne s’est pas éloigné.Il s’est installé dans l’ombre, une chaise renversée contre le mur, et il fume dans le silence. Pas pour se détendre. Pour garder le contrôle.Il est comme ça, Lorenzo : chaque geste est une tension contenue.Je me lève, lentement, et je le rejoins.— Merci.Il écrase sa cigarette. Ne dit rien tout de suite.— Ce que tu viens de faire… ça n’a pas de prix, j’ajoute.— Ce n’est pas pour toi que je l’ai fait.Je le regarde. Puis je murmure :— Non. C’est pour moi… mais pas celle que tu croyais connaître.Il me fixe. Vraiment. Ses yeux n’ont jamais été aussi nets.— Tu changes, Alessia.— Je redeviens.Il hoche la tête. Une