All Chapters of Les trois reines sauvages : Chapter 31 - Chapter 40

SeleneLa pluie a cessé, mais l’odeur de l’herbe mouillée demeure, entêtante, presque sacrée. Elle colle à la gorge comme un souvenir d’enfance, comme un parfum ancien qui murmure que tout peut recommencer. Mes pieds s’enfoncent légèrement dans la terre assouplie, et chaque pas résonne comme un battement de cœur dans ce matin suspendu.Le ciel s’est lavé de ses colères. Il s’ouvre au-dessus de nous, vaste et silencieux, encore un peu tremblant. Et pourtant, dans ce calme inattendu, il y a comme une respiration retenue. Le monde n’a pas encore tourné la page, mais il tient le crayon entre ses doigts. Et nous… nous sommes l’encre, le trait hésitant qui ose redessiner les contours.Je reviens au sanctuaire. À ces pierres posées à la hâte, dérisoires peut-être, mais vivantes. Thalia est déjà là. Le vent fait danser ses mèches folles autour de son visage dur, concentré. Elle n’a pas besoin de me voir pour savoir que je suis là. Il y a entre nous ce fil invisible que les guerres n’ont pas r

AmaraLe matin est froid. Le genre de froid qui s’insinue sous les couches de tissu, qui s’infiltre dans les os et qui rappelle que l’hiver n’est jamais bien loin. Mais il y a, sous ma peau, un reste de chaleur qui n’appartient pas au feu.C’est autre chose. Quelque chose de plus ancien. De plus intime.Je sens encore la trace de ses mots. De ses yeux. De ses doigts qui n’ont presque pas touché ma peau, mais qui ont laissé une empreinte plus profonde que toutes les brûlures.Je me lève avant les autres. Mon cœur bat trop fort, trop vite, comme s’il essayait de me parler à travers chaque pulsation.Je ne sais pas ce que je fais. Je ne sais plus ce que je veux.Mais je marche.Vers l’eau. Vers la forêt. Vers un peu d’espace entre moi et ce qu’il fait naître en moi.L’air est vif. Le sol craque sous mes pas. Chaque souffle que je prends semble crier dans le silence du matin.Je ne m’éloigne pas vraiment. Juste assez pour respirer. Juste assez pour que l’écho de sa présence devienne suppo

AmaraJe suis allongée sur lui.Sa poitrine monte et descend sous ma joue.Son cœur bat encore vite, comme s’il n’avait pas fini de m’aimer.Ou comme si, au contraire, il commençait à peine.L’herbe est tiède sous nos corps nus.Le ciel s’est ouvert au-dessus de nous, noir et vaste, constellé d’étoiles anciennes.Et je n’ai plus peur.Pas cette nuit.Ses doigts dessinent des cercles sur ma colonne.Lents. Patients.Comme s’il voulait me graver dans sa mémoire.Comme si chaque caresse était une ancre pour que je ne parte jamais.EryxElle ne parle pas. Et moi non plus.Mais ce silence n’est pas vide.Il est plein.Plein d’elle. De nous.De ce qu’on vient de se donner sans détour.Je respire l’odeur de sa peau, celle de la mousse, de l’humus, de la terre encore chaude de notre étreinte.Et je sens que j’ai changé.Que quelque chose s’est brisé en moi, pour laisser place à autre chose.Quelque chose de vivant.De terriblement vrai.Je n’ai jamais rien connu d’aussi vrai.Pas dans le sang

AmaraJe suis enveloppée de chaleur, de sueur et de souffle. Nos corps se mêlent encore, lents, rythmés par un désir qui ne faiblit pas. Il n'y a plus de distinction. Il n'y a plus de séparation entre nous. Chaque mouvement, chaque contact, chaque soupir semble se fondre dans le suivant, une continuité parfaite et infinie.Je suis sur lui, sur eux. Une pièce du puzzle qui prend forme sans fin. Mes lèvres, mes mains explorent, découvrent, réclament, alors que leur peau contre la mienne me fait frissonner, me fait frémir.Je sens la pression de sa main, forte et ferme sur mon dos, l’autre glissant lentement, explorant ma courbe, ma peau, la douceur de mes bras. Chaque geste qu’il fait est empreint de ce pouvoir qu’il exerce sur moi, ce pouvoir qui ne fait pas de moi une victime, mais une complice. Et quand ses lèvres trouvent la courbe de mon cou, je me laisse aller à un gémissement. Une réponse à l’appel silencieux qu'il a lancé.Thalia n’est plus à mes côtés. Elle est contre lui, leur

AmaraLe calme est devenu presque suffocant, un silence oppressant qui flotte autour de nous. Après les mots échangés, les regards chargés, une étrange tranquillité s’est installée, presque irréelle, comme si nous nous étions enfermés dans une bulle, protégés des fureurs du monde extérieur.Mais rien ne dure éternellement.Je m’appuie contre un arbre, les bras croisés, perdues dans mes pensées. Le vent souffle doucement, et tout semble presque trop paisible. Thalia est là, près de moi, mais elle garde ses distances, ses yeux fuyant les miens, pourtant je sais qu’elle est toujours présente, que l’ombre de ce que nous avons vécu hier flotte entre nous. Eryx, lui, semble plus distant, tout aussi perdu dans ses propres réflexions. Un étrange poids pèse sur nous, lourd de tout ce qui est non-dit, mais aussi de ce que nous venons de franchir ensemble.Soudain, un bruit. Un craquement. L’air devient plus lourd. Ce n’est pas naturel.Je relève la tête, mes sens en alerte, mes muscles tendus c