All Chapters of L'ombre du maître : Chapter 31 - Chapter 40

ÉlodieL’appartement paraît trop silencieux, comme si les murs retenaient leur souffle, attendant l’explosion. Je sens chaque seconde s’étirer, lourde, presque insoutenable.Je reste debout, les mains toujours crispées autour de la clé USB que Camille m’a remise. Ce petit objet froid entre mes doigts est un poids insupportable : chaque pixel de données qu’il contient est un bout de vérité, un puzzle qui se défait et se refait à mesure que j’essaie d’y voir clair. Comme si chaque révélation détruisait une illusion, une confiance, une part de moi.Le passé me pèse, me colle à la peau comme une ombre tenace. Je sens encore la brûlure du message de Damien, ses mots lancés comme un défi, une menace voilée : « Ne me cherche pas ». Pourtant, c’est exactement ce que je suis en train de faire. Je n’ai plus le droit d’hésiter, de reculer. Le silence n’est plus une option, ni la fuite.— Tu comptes faire quoi, Élodie ? La voix de Camille perce le silence, plus douce qu’un reproche, mais pleine d

ÉlodieLa porte du bar se referme derrière moi avec un claquement sourd, et l’air semble se charger d’une lourdeur inhabituelle. Damien est là, immobile, presque figé dans la faible lumière tamisée. Son regard me transperce, comme s’il m’attendait depuis une éternité, ou comme s’il redoutait ce moment autant que je le désire. Son visage buriné, creusé par les batailles passées, s’adoucit pourtant d’une lueur que je croyais disparue celle d’un homme qui brûle encore d’une passion intacte.Je sens mon cœur s’emballer, un tambour sourd contre ma cage thoracique. Chaque battement me rappelle que je suis vivante, mais aussi vulnérable. Il s’avance d’un pas, puis un autre, réduisant peu à peu la distance qui me sépare de lui. Le silence entre nous est épais, chargé de souvenirs, de non-dits, de regrets.— Tu sais, souffle-t-il en s’approchant, j’ai attendu ce moment bien plus que tu ne le crois.Sa voix est basse, rauque, vibrante d’une intensité qui me déstabilise. C’est un murmure qui eff

CamilleJe marche sans vraiment savoir où je vais. La nuit a étendu son voile sur la ville, mais à l’intérieur, mon monde est en flammes. J’ai vu Élodie se perdre dans les bras de Damien, ce Damien dont je croyais naïvement qu’elle pouvait s’éloigner. Ce n’était pas un simple faux pas, ni un instant de faiblesse. C’était une fracture profonde, une faille béante entre ce que nous étions et ce qu’elle choisit désormais.Mes mains tremblent, mes doigts s’emmêlent dans mes cheveux, je serre les poings jusqu’à ce que mes ongles s’enfoncent dans ma paume, cherchant une douleur réelle qui me rappelle que je suis vivante. Je suis trahie, oui, mais plus encore : je suis brisée. Parce que, au fond, je sais que je l’ai laissée tomber. Je ne lui ai pas tendu la main assez fort, assez vite. Et maintenant, elle brûle.Je passe devant un café encore ouvert, la lumière jaune des réverbères crée des halos flottants dans la brume nocturne. Je m’arrête un instant, regarde mon reflet dans la vitre, et je

ÉlodieLe matin ne se lève pas. Il refuse. Comme moi. Comme lui.Le plafond me fixe avec son indifférence blanche et lisse. Il ne se passe rien, mais tout hurle en moi. Mon souffle est calme, mais à l’intérieur, je me débats. J’ai dormi ? Je n’en suis pas sûre. Ou alors à peine. Une demi-conscience saturée de culpabilité, de sueur froide et d’un désir qui me colle encore à la peau.Je suis restée. Bien sûr que je suis restée.Pas parce que je l’aime je ne suis même plus sûre de savoir ce que c’est, aimer mais parce que je ne sais plus comment partir. Parce que quelque chose en moi a claqué, dans un bruit mat et irréversible, et que tout ce que je croyais solide s’effondre en silence. Je suis restée parce que c’était plus simple que d’affronter ce que j’ai fait.Damien est à côté de moi. Ou plutôt derrière. Il dort, ou fait semblant. Son torse monte et descend doucement, avec une régularité mécanique. Je devine ses cheveux en bataille sur l’oreiller. Il a toujours eu l’air d’un adolesc

CamilleLe silence s’était installé entre nous, lourd, presque palpable, mais je sentais ce léger frémissement, ce souffle ténu d’espoir qu’aucune des deux ne voulait encore nommer à voix haute. Alors j’ai décidé de ne plus attendre, de ne plus laisser les ombres s’étendre. J’ai posé ma main sur ta joue, lentement, délicatement, comme pour réveiller ce qui dormait encore en toi.Tu as fermé les yeux un instant, puis tu les as ouverts, cherchant quelque chose dans mon regard. Peut-être un refuge, ou une raison. Je n’avais que mes mains et mon désir d’être là, entière, sans condition.Je me suis penchée, doucement d’abord, puis avec plus d’assurance, mes lèvres effleurant ta peau, glissant sur ta mâchoire, caressant ta nuque. Tu as frissonné, et ton souffle s’est accéléré, se mêlant au mien dans une danse silencieuse.— Camille... murmures-tu, ta voix cassée, fragile.Je t’ai répondu par un baiser, profond, brûlant, qui voulait dire : je ne te laisserai pas tomber, pas ce soir, pas jama