All Chapters of ENTRE CROC ET TÉNÈBRE: Chapter 101 - Chapter 110

AelyaLes jours suivants s’étirent, simples et clairs comme des draps fraîchement lavés.Je me réveille à des heures normales. Je mange quand j’ai faim. Je n’attends plus que la nuit tombe pour respirer. Je ne redoute plus le matin comme une agression.Je réapprends le calme.Pas celui qu’on subit en silence, recroquevillé sur soi, le cœur en mode survie. Mais celui qu’on choisit. Celui qu’on apprivoise. Celui qui s’offre quand on accepte d’exister sans être en alerte constante.Kael est toujours là. Présent sans être étouffant. Il se lève avec moi, travaille parfois dans le salon, m’attend pour déjeuner. Il m’écoute sans poser de questions inutiles. Parfois, il pose une main sur ma nuque, une caresse muette, un appui.Et je crois que c’est ça, sa plus grande force : il ne veut rien réparer. Il me laisse le temps de le faire moi-même.Je range l’appartement. Pas comme un exutoire. Comme un soin. Chaque étagère nettoyée, chaque pile de livres triée, c’est une part de moi que je réintèg

AelyaJe suis là contre lui.Je ne suis pas en train de me protéger.Je ne me tiens pas droite comme un mur. Je ne surveille pas les issues. Je ne prépare pas une fuite imaginaire. Je respire. C’est tout. Et c’est immense.Son bras m’enveloppe. Sa chaleur me traverse. Sa main effleure ma nuque comme on caresse un souvenir précieux.Il ne cherche rien.Il m’offre tout.Ce silence est plein. Vibrant. Il contient l’écho de tout ce que nous avons traversé. De tout ce que nous n’avons jamais su dire. Il est comme un pont invisible entre lui et moi, fait de regards qui n’ont jamais cessé de se chercher.Je ferme les yeux. Je glisse un peu plus contre lui.Il ne bouge pas. Il m’attend.— Tu m’as manqué, je souffle. Même quand tu étais là.Je ne sais pas pourquoi je le dis. Peut-être parce que c’est vrai. Peut-être parce que c’est maintenant ou jamais.Il ne répond pas tout de suite.Mais je le sens se tendre un instant. Puis il m’embrasse sur le front.— Je sais. Toi aussi.Je lève les yeux

AelyaL’odeur m’alerte avant le bruit.Ce n’est pas une effluve banale. C’est une empreinte. Une trace laissée dans le sol, dans les arbres, dans les souvenirs.Un parfum de cendre et de forêt. De cuir tanné, de sueur ancienne, de territoire.Un avertissement, pas une invitation.Je me lève nue. Encore empreinte de lui. Le sang de Kael pulse dans mes veines.Il brûle, doux poison. Présence sourde. Serment silencieux.Je suis pleine de lui. Et il est partout sur moi.Kael ouvre les yeux.Il ne me parle pas. Il n’a pas besoin.Je sais qu’il a senti. L’odeur. L’anomalie dans l’air. La friction d’un monde qui revient frapper à la porte.Il se redresse, s’habille sans hâte. Chacun de ses gestes est un acte de guerre déguisé en élégance. Il bout, sous la surface. Mais il ne déborde pas.— Tu le connais ? Sa voix est grave, calme, tendue comme une lame sous velours.Je hoche la tête, les mâchoires serrées.— Il s’appelait Dahran. Mon Alpha. Avant que je rompe.Avant que je brûle les chaînes.

AelyaLa nuit avance, lourde, silencieuse, comme une mer calme qui masque la tempête sous sa surface.Mais elle ne peut nous rattraper.Nous avons quitté La Pierre comme on quitte un champ de bataille,le corps marqué, le cœur déchiré, mais l’âme enragée.Pas un mot ne traverse l’air figé entre nous pendant le trajet.Pourtant, nos corps parlent à leur manière, plus fort que n’importe quel cri.La mâchoire de Kael se crispe, tendue comme un arc prêt à se briser.Mes ongles s’enfoncent dans la peau de ma paume, douleur muette, rappel vivant du feu qui couve sous ma peau.Nous avons tenu.Tenus debout devant les siècles qui pèsent comme des chaînes invisibles,tenus face à leurs jugements glacés,tenus face aux menaces prêtes à nous déchirer.Mais cette paix volée est plus fragile qu’un souffle.Quand enfin nous franchissons la porte du domaine, je sens son regard sur moi, brûlant, affamé,comme une flamme obstinée qui refuse de s’éteindre, même au cœur de la nuit.Le claquement sec de

Dans les profondeurs oubliées du domaine,là où même les ombres semblent porter le poids des siècles,la pierre respire un froid ancien, un silence pesant qui engloutit le temps.La Gardienne s’avance, invisible aux vivants, intangible aux morts.Sa silhouette n’est qu’un effleurement dans l’air,un soupir dans le couloir figé d’un monde souterrain.Elle ne fait pas que marcher elle glisse, elle rase les murs comme une sentence.Chaque pas semble effacer le précédent,comme si elle n’avait jamais été là,comme si sa venue était une hallucination du passé.Et pourtant, elle est là.Plus réelle que jamais.Ses doigts frôlent les pierres gravées de symboles oubliés,échos d’un ancien pacte scellé dans le sang et le silence.Des noms interdits y sont enfouis.Des promesses, aussi.Brisées, trahies.Ce soir, elle n’est pas seule.Dans une alcôve dissimulée entre les replis du couloir,un homme se tient debout, comme s’il attendait ce moment depuis des siècles.Il ne bouge pas.Pas encore.