All Chapters of ENTRE CROC ET TÉNÈBRE: Chapter 21 - Chapter 30

KaelLe matin s'annonce dans un halo pâle, mais pour moi, il n'y a pas de lumière. Chaque rayon qui se glisse à travers les rideaux me brûle, me rappelle la fragilité de ce monde auquel je ne devrais pas appartenir. Dans la chambre, tout est figé, suspendu dans une éternité silencieuse, où les battements de mon cœur résonnent dans mes oreilles, presque trop forts pour être supportés. Le souvenir de la morsure, de cette faim que j'ai assouvie, brûle encore en moi.Elle est toujours là, allongée, sans conscience, les cheveux en désordre, ses lèvres presque parfaites, comme si le temps s’était suspendu autour d’elle. Et pourtant, tout est changé. Un simple geste, un acte presque intime, a changé l’équilibre de tout ce qui nous lie. Mais le pire, c’est que je sais qu’elle ne le saura jamais. Elle ne saura jamais la vérité. Et cela me déchire.Je me lève lentement, mes pieds se posant sur le sol froid. Le vent glacial de l’extérieur effleure ma peau. Mais c’est l’intérieur de mon être qui

KaelElle dort. Enfin. Et pourtant, son sommeil est agité, traversé de frissons, de soupirs, de murmures étouffés. Je la regarde, assis sur le bord du lit, le regard happé par chaque mouvement de son corps, chaque sursaut qu’elle ne maîtrise pas. Elle rêve encore, je le sais. Peut-être de moi. Peut-être de ce que j’ai fait. Peut-être de cette frontière que j’ai franchie sans retour possible.Je passe une main tremblante sur son front, chassant une mèche collée à sa peau. Sa température est étrangement chaude. Trop chaude. Comme si quelque chose bouillonnait en elle, une réaction chimique à ce que je lui ai transmis. Mon poison. Mon essence. Mon mal. Et malgré cela, elle dort. Elle s’accroche à ce semblant de paix que je suis incapable de lui offrir.Tu ne m’avais rien demandé. Et pourtant, je t’ai prise. Pas ton corps. Mais ton âme. Ton avenir. Tu ignores encore ce que cela implique. Et moi, je n’ai plus le courage de t’en priver.Je me lève. Chaque pas éloigné d’elle est une lutte. J

KaelLa nuit n’est plus silencieuse. Elle vibre. Palpite. Chaque pierre, chaque poutre, chaque bribe d’air semble chargée d’électricité. Comme si la maison elle-même sentait que l’équilibre est rompu. Que quelque chose approche. Que quelque chose s’ouvre.Je n’ai pas fermé l’œil. Je l’ai regardée dormir, ou du moins essayer. Elle tourne, frémit, gémit parfois. Son corps la trahit. Il ne comprend plus ce qu’il est. Il réclame le sang, mais pas pour survivre. Pour s’ancrer. Pour muter. Pour choisir.Moi, je reste assis. Dos au mur. Comme à l’époque où j’étais un soldat sans cause. Mes armes sont étalées sur le sol. Couteaux en argent, fioles de feu liquide, chaînes noires imprégnées d’obsidienne. Des reliques d’un monde où j’étais plus bête qu’homme. Aujourd’hui, je sais. Et ça ne suffit plus.Elle se redresse. Ses cheveux tombent autour de son visage, lourds de sueur et de fièvre. Mais ses yeux. Ses yeux brillent.— Je ne peux plus dormir. J’ai l’impression d’étouffer.— C’est normal.

KaelLa lumière perce à peine entre les feuillages quand nous atteignons les frontières du sanctuaire.Les arbres semblent s’incliner sur notre passage, comme pour cacher ce qui s’avance, ou pour le bénir.Aelya marche devant moi. Elle ne chancelle pas. Ne tremble pas.Elle brûle. Elle règne.Et moi… je suis là. Témoin. Gardien. Peut-être condamné.Son odeur remplit l’espace. Sauvage, ancienne, indomptable.Elle ne parle pas. Elle n’a pas besoin.Chaque pas résonne dans la terre comme un avertissement.Un murmure court dans les arbres. Une onde. Une alerte.Les racines vibrent. Le vent change de direction.Ils savent qu’elle approche.— Ils sont là.Une voix brise le silence comme une flèche dans l’air.Quelqu’un sort de l’ombre, le regard fixé vers l’est. Un arc à la main.La respiration est stable, mais les doigts tremblent, imperceptiblement.Seressa l’accompagne. Sa paume posée sur le sol.Elle ne parle pas. Elle écoute. Elle sent les battements de la terre comme d’autres entenden

AelyaIls s’avancent. Un à un.Pas d’hésitation, pas de doute dans leurs pas. Ils savent ce qu’ils viennent chercher.Ce ne sont pas les Anciens qui me défient encore, non. Pas tout de suite.Ce sont ceux qui ont grandi dans leurs lois. Ce sont ceux qui ont cru que leur place était écrite dans le sang, la hiérarchie, le confort. Ce sont ceux qui m’entourent d’un regard empli de peur. Pas de peur de ma puissance. Non. Une peur plus profonde. Une peur du changement, de l’instabilité. De la vérité que je représente.Ils me regardent comme une tempête. Parce que je viens détruire tout ce qu’ils croyaient sûr.Et je les vois, un par un, trembler sous la surface. Ils ne me connaissent pas encore, mais ils savent. Ils savent que le vent souffle ailleurs.Le premier s’avance.Il s’appelle Yoren. Grand, massif, les bras couverts de cicatrices, les yeux injectés de colère et de perte. La mémoire de son frère, ce jeune loup dévoré dans le cataclysme de l’union brisée entre dragons et loups, le r