All Chapters of SOMBRE TÉNÈBRE : Chapter 101 - Chapter 110

NahiaL'air frais de la nuit me frappe le visage comme une gifle salvatrice. Après l'odeur de renfermé, de sueur et de mort de la cellule, c'est une brûlure glacée et pure. Je respire à fond, un premier vrai souffle qui déchire mes poumons, chassant symboliquement les miasmes de ma prison.Mais la liberté n'est pas un champ ouvert. C'est une clairière entourée de forêt, baignée d'une lune froide et impersonnelle. Ténèbre me porte toujours, ses bras un berceau de fer. Sombre est à quelques pas, scrutant les ombres, son arme une extension mortelle de son bras. Le silence est revenu, mais il est différent. Il n'est plus lourd de menace immédiate, mais chargé de tout ce qui vient de se passer. De tout ce qui a été brisé.Ténèbre s'arrête finalement, au centre de la clairière. Il se baisse avec une précaution infinie et me dépose doucement sur un tronc d'arbre tombé, recouvert de mousse. Le contact du bois humide et vivant à travers la toile fine de mon vêtement est une nouvelle secousse d

NahiaLa forêt devient notre cathédrale. Les branches nues sont les voûtes d'un sanctuaire silencieux, baigné par la lueur laiteuse de la lune. La douleur est devenue un compagnon familier, une corde tendue à l'intérieur de moi qui vibre à chaque pas. Mais elle ne me domine plus. Elle m'ancre. Elle me rappelle pourquoi je suis ici, pourquoi je respire encore.Nous arrivons dans une clairière plus vaste, dominée par un rocher plat et sombre, luisant de rosée. Il ressemble à un autel primitif. Ténèbre s'arrête et se tourne vers moi. Son regard a changé. La colère est tombée, laissant place à une gravité profonde, presque solennelle.— Asseyez-vous, Maîtresse, dit-il, en indiquant le rocher.Sa voix n'est plus un ordre, mais une invitation rituelle. Je m'exécute, la pierre froide transperçant la couverture et mes vêtements légers. Le froid me réveille, aiguise mes sens. Sombre vient se placer à la gauche de Ténèbre, formant un demi-cercle face à moi. Leurs silhouettes se découpent sur la

NahiaLe sang sur ma paume palpite, un écho douloureux et vivant du serment. Chaque pas qui nous éloigne de la clairière résonne comme un battement de cœur nouveau. Leur sang sur mon front. Mon sang dans ma main. Leurs ombres marchent derrière moi, et je sens le poids de leur regard. Ce n’est plus le même regard.— La plaie doit être nettoyée.La voix de Ténèbre est neutre, pratique. C’est la voix du guerrier, du protecteur. Je hoche la tête, trop submergée par l'émotion pour discuter.Quand nous entrons dans le loft, une sensation étrange m'envahit. L'air n'est pas seulement stérile et climatisé. Il est... vivant. Une douce musique classique filtre du salon, et une odeur de gâteau tout juste sorti du four caresse mes narines. Une odeur de cannelle et de pomme, celle de mon enfance.— Qu'est-ce que...Je m'avance, le cœur soudain affolé. Et je la vois.Debout près de la table de la cuisine, un tablier autour de la taille, un sourire radieux aux lèvres, se tient ma mère. Ses joues sont

NahiaLe soleil du lendemain est trop vif. Il découpe des angles crux sur les murs blancs du loft, rappel brutal que la bulle de douceur a éclaté. Ma mère, encore ensommeillée, sirote son thé dans la cuisine, mais son regard posé sur moi est teinté d'une inquiétude que la tarte aux pommes ne peut plus dissimuler. La forteresse se referme. Le poids du titre, du serment, retombe sur mes épaules, plus lourd après cette accalmie.Je me retire dans ma chambre, prétextant une migraine. La vérité est plus sombre, plus enfouie. Le contact de ses bras hier, si pur, a réveillé l'écho d'un autre contact, brutal, volé. Le fantôme rôde. Il souille le souvenir de la promenade, ternit le goût de la cannelle. Je suis recroquevillée sur mon lit, les draps en désordre, les poings serrés sur l'oreiller. Je lutte pour ne pas sombrer, pour ne pas laisser les images remonter. Mais c'est plus fort que moi. L'odeur de l'alcool et du tabac froid. La douleur déchirante. Le rire gras. L'impuissance.Je ne veux

NAHIALa journée s'annonce lumineuse, d'une clarté presque insolente après les semaines passées dans la pénombre protectrice de la demeure. Maman a déclaré ce matin, avec une détermination que je ne lui connaissais pas, qu'elle voulait "s'amuser". Ces mots, prononcés sur le ton léger d'une mère ordinaire, résonnent comme un défi lancé à notre réalité.—Dans le hall,l'atmosphère est électrique. Maman enfile une veste avec des gestes vifs, son visage animé d'une excitation juvénile.— Alors, les garçons, on se fait une journée shopping ? Du vrai ! Des boutiques, des cafés, des rires ! Aucune tragédie aujourd'hui, c'est décrété !Sombre esquisse un grand sourire, ses yeux pétillant de malice. Il se tourne vers son frère, un défi taquin dans le regard.— Tu entends, Ténèbre ? Aucune tragédie. Même pas une petite. Pas d'explosions, pas de poursuites, pas de corps à traîner. Juste... des soldes.Ténèbre, adossé au chambranle de la porte, examine sa montre connectée d'un air sceptique. Ses