Todos os capítulos de CAPTIF DE LA REINE NOIRE : Capítulo 51 - Capítulo 60

VITTORIALe petit déjeuner est un rituel sacré. La nappe de lin immaculée, la porcelaine fine, l'argenterie qui capte la lumière du matin. Chaque détail est une affirmation de notre ordre, de notre contrôle. Et ce matin, le rituel a une saveur particulière. Une saveur de victoire.Adrien est assis en face de moi. Il mange avec une lenteur mécanique, les yeux rivés sur son assiette. Les cercles sous ses yeux témoignent d'une nuit blanche, mais sa posture est différente. La tension qui le déchirait a cédé la place à une quietude inquiétante. Comme les cendres chaudes après un incendie.— Tu as bien dormi ? demandé-je en beurrant une toast.Il lève les yeux. Son regard n'est plus celui de l'homme traqué. Il est plat. Résigné. Acceptant.— Non. Mais j'ai dormi.— C'est un début.Je tends la main et effleure la sienne. Il ne frissonne plus. Il accepte le contact. Comme il a accepté le reste.— Lorenzo viendra ce soir. Il veut te parler de la cérémonie.— La cérémonie ?— Ton intronisation.

VITTORIALa lune est pleine, une pièce d'argent suspendue dans un ciel de velours noir. Je l'observe de la terrasse, les bras croisés contre la fraîcheur de la nuit. En contrebas, les jardins de la villa s'étendent, un domaine d'ombre et de silence. Mon domaine.Adrien me rejoint. Il ne fait plus de bruit quand il marche. Il a appris. Comme il a tout appris.— C'est fait, dit-il simplement.Sa voix est calme, mais elle porte le poids de l'acte. L'opération contre le Corse, Bastien, s'est déroulée comme il l'avait prévue. Rapide, propre, efficace. La belle-sœur est rentrée chez elle, tremblante mais intacte. Le message a été délivré. Nous aurons la réponse de Bastien avant l'aube.— Je n'ai jamais douté.Je me tourne vers lui. Le clair de lune sculpte les angles de son visage, durcis par les semaines qui viennent de passer. Il n'y a plus de conflit en lui. Seule une détermination froide, aussi tranchante qu'une lame.— Lorenzo veut te voir demain. Il a des projets. Pour toi.— Des proj

VITTORIALe grand salon de la villa D'Amato déborde de lumière et de rires feints. Des cristaux étincellent, des robes de couturier tournoient, le champagne coule à flots. C'est notre première grande réception depuis… la transformation. Le vernis est plus épais, plus brillant que jamais. Personne ne peut soupçonner les fondations de boue et de sang sur lesquelles cette élégance est construite.Au centre de tout cela, il y a Adrien.Il porte l'élégance comme une armure. Sourire charmant, poignée de main ferme, regard qui captive. Il parle économie avec les banquiers, art avec les collectionneurs, philanthropie avec les évêques. Ils le voient comme l'avenir : l'ancien procureur intègre, rallié à une grande famille, promis aux plus hautes fonctions. Un symbole de rédemption.Moi, je les observe depuis l'écart, un sourire énigmatique aux lèvres. Ils sont si fiers de leur perspicacité, si contents d'être invités dans l'intimité des D'Amato. Ils ne voient pas les corbeaux qui veillent dans

VITTORIALe bureau est silencieux, baigné seulement par la lueur bleutée de l'aube. Les gratte-ciel de la ville percent la brume matinale comme des tombes de verre et d'acier. De cette hauteur, tout semble propre, ordonné. Une illusion.Adrien est debout près de la baie vitrée, une silhouette sombre se découpant sur le ciel pâlissant. Il tient une tasse de café noir, mais il ne boit pas. Il observe. Comme un général étudiant un champ de bataille avant l'assaut.— Ils dorment encore, dit-il sans se retourner. Ils rêvent que le monde est safe. Que la justice les protège.Sa voix est devenue cela : un instrument tranchant, qui décrit le monde non tel qu'il est, mais tel que nous le voyons. Nu, cruel, et malléable.— Ils vont se réveiller, dis-je en me levant pour le rejoindre.Je pose ma main sur son dos, sentant les muscles tendus sous le tissu de sa chemise. Une énergie brute, contenue, prête à être libérée. Mon œuvre. Mon partenaire.— La fondation D'Amato-Valois est officiellement la

VITTORIALe gala de la Fondation D'Amato-Valois est un chef-d'œuvre d'hypocrisie. Des lustres en cristal, des fleurs blanches, des conversations feutrées. L'élite de la ville est là, buvant notre champagne et mangeant nos canapés, se congratulant de leur propre générosité. Ils ne savent pas qu'ils financent leur propre asservissement.Adrien circule parmi eux, souverain. La robe écarlate lui va si bien. Elle ne symbolise plus la justice, mais la pourpre impériale. Il serre des mains, échange des sourires, et chaque geste est un piège qui se referme.Je me tiens près de la scène, souriante, observant la mascarade. Mon regard croise celui de l'inspecteur Rinaldi, posté près des portes. Il n'a pas été invité, bien sûr. Il est venu quand même. Le chien tenace. Il observe Adrien avec une intensité presque palpable. Il sent la corruption, il la hume, mais il ne peut pas encore la prouver.Demain, tout changera pour lui. Demain, il deviendra un héros. Et après-demain, un paria.Soudain, une