All Chapters of L'héritage des ténèbres: Chapter 11 - Chapter 20

SofiaLe goût de la cendre ne quitte pas ma gorge.On a quitté le port, mais le sang est resté sur nos peaux. Pas seulement celui de Victor. Le nôtre aussi. Celui que les mensonges, les trahisons et les silences ont fait couler.Luca conduit sans un mot. Ses mains serrent le volant à s’en blanchir les jointures. Je l’entends respirer fort, comme s’il se battait avec lui-même.Je regarde la mer au loin. Froide. Noire. Comme le reste.— Tu vas finir par parler ? je demande enfin.— Tu veux que je dise quoi ?— Je veux la vérité. Toute.Il serre les dents. Sa mâchoire se contracte.— Tu ne peux pas la supporter.— Essaie-moi.Il arrête la voiture. Brutalement. Et se tourne vers moi. Ses yeux brillent d’un feu que je connais trop bien : celui qui précède la chute.— Le jour où tu as fui, j’étais là. Je t’ai vue monter dans cette voiture. J’aurais pu t’arrêter. J’aurais dû. Mais j’ai menti à Dante. Je lui ai dit que je t’avais perdue dans la foule. Que tu étais introuvable.— Pourquoi ?—

SofiaJe ne dors plus.Pas depuis trois nuits.Depuis cet instant figé dans le temps, où Marcus a replanté son regard dans celui de Luca, comme une lame qu’on n’a jamais vraiment retirée. Depuis qu’il a osé me parler avec cette même arrogance glaciale, comme si je lui appartenais encore, comme si mon corps et mon âme lui étaient dus. Et surtout, depuis que Mila, mon unique sœur, a disparu dans le silence, entre les griffes de cet homme que je croyais enterré pour de bon. Enfermée, torturée peut-être, ou pire encore.Je m’assois lentement sur le bord du lit. Chaque mouvement réveille une douleur vive dans mes côtes. Les éclats de l’explosion me rappellent que je suis en vie. Mais ce n’est rien, rien comparé à ce vide brûlant qui palpite dans ma poitrine, cette sensation de ne pas avoir été assez rapide, assez forte, assez... moi.Derrière moi, Luca est allongé.Du moins, il fait mine de dormir.Je le connais trop pour être trompée par son immobilité. Il est éveillé. Son souffle est tro

LucaL’odeur du sang sèche à peine que les vautours accourent déjà.Je suis dans l’ancien repaire d’un des lieutenants de Marcus. Un salon éventré par les balles, les murs marqués de griffes de violence. Des meubles renversés, des vitres brisées, une odeur de poudre qui colle à la gorge. Le silence est presque religieux. Les hommes de Dante déplacent les corps avec une méthode clinique, sans un mot. Même la mort, ici, est soumise aux ordres.Je reste figé, au milieu de ce chaos figé, mon arme toujours dans la main. Le calme qui précède la tempête. Et je sais qu’elle approche. Elle est là, suspendue, sur le fil du monde.Et elle entre.Sans prévenir. Sans escorte. Sans peur.Isabella.Vivante.Chaque cellule de mon corps se fige.Ses talons claquent contre le marbre fissuré comme des coups de marteau dans un cercueil. Son regard traverse la pièce comme une lame. Elle n’a rien perdu de sa majesté, ni de sa froideur légendaire. Son manteau noir tombe autour d’elle comme un suaire, sa tre

DanteLa pièce est froide. Crue. Un ancien local de maintenance désaffecté sous l’un des entrepôts abandonnés. L’odeur de rouille, d’humidité et de sang séché s’incruste dans les murs. Une ampoule nue pend au plafond, balancée lentement par le souffle d’un ventilateur fêlé. Les ombres dansent. Tremblent. Prient.Il est là. Marco. Ligoté à une chaise en métal, torse nu, sa peau constellée de bleus et d’éraflures. Il ne crie plus depuis des heures. Son regard divague entre lucidité et délire. Ses lèvres sont fendues, ses narines bouchées de sang coagulé.Mais ce n’est pas la douleur qui l’a brisé.C’est mon silence.Je suis resté là. Quarante-trois minutes. Immobile. À le regarder. Sans un mot. Sans un geste. Juste… là.L’homme le plus fort finit toujours par se noyer dans le silence. Il supplie pour un mot, même une insulte. Le cerveau humain n’est pas fait pour l’attente.Je m’agenouille, lentement, en face de lui. Le contact du béton glacial sous mon genou est presque apaisant.— Tu

ISABELLAJe suis là, seule dans cette obscurité souterraine, l’air vicié me piquant les poumons. Les échos du tumulte à l’extérieur résonnent encore dans ma tête, le bruit des explosions, des cris. Mais ici, c’est le silence. Le silence lourd, oppressant, comme une pression contre ma poitrine.Je me relève lentement, mes mains tremblantes effleurant la surface rugueuse du sol. Je suis blessée, oui. Mais plus que tout, je suis brisée. Mon âme, ma volonté, tout semble se dérober sous mes pieds, comme un terrain meuble sur lequel je m’effondre sans cesse.Je devrais être fière de ma résistance, non ? Pourtant, chaque moment de lutte contre Dante, chaque rejet de sa présence, me semble futile. Je hais cet homme. Je le hais de tout mon être. Mais… il est en moi, il fait partie de ma vie. Une partie de moi ne peut pas l’ignorer. Une partie de moi l’a toujours recherché, même lorsque je courais dans l’espoir de fuir son emprise.C’est une malédiction.Je serre les poings.Je sais que le pire