All Chapters of Entre ses griffes : Chapter 21 - Chapter 29

AlyssaL'odeur de cordite est incrustée dans mes narines, un parfum âcre et métallique qui ne me quitte plus. Elle se mêle au souvenir du recul de l'arme, une secousse violente qui a ébranlé bien plus que mon épaule. Elle a ébranlé des fondations que je croyais inamovibles.Je passe la journée dans un état de vigilance accrue. Chaque bruit me fait sursauter. Chaque ombre semble bouger. Je ne suis plus la captive terrifiée, ni la femme en colère. Je suis un animal qui a senti l'odeur du prédateur rival et qui, pour la première fois, a appris à montrer les dents.Silas est absent. Le manoir est silencieux, mais c'est un silence lourd, tendu. Les gardes sont plus nombreux, leurs regards plus aiguisés. L'orage qui menace dans le ciel a déjà éclaté dans le cœur de cet empire.Quand la nuit tombe, lourde et chaude, on me sert le dîner dans mes appartements. Alma, le visage fermé, évite mon regard. Le mot s'est propagé. La docteur. Le stand de tir. Je ne suis plus seulement la maîtresse du P

AlyssaL'aube n'apporte pas la paix, mais le lourd bilan du carnage.Le soleil se lève, pâle et sans chaleur, sur un domaine transformé en morgue à ciel ouvert. L'air, jadis parfumé aux jasmins et aux orangers, est maintenant un mélange nauséabond de fumée, de poudre à canon et de ferraille brûlée. Et dessous, une autre odeur, plus discrète et plus terrible, commence à poindre : celle de la mort.Je suis Silas dans la cour principale. Mes jambes sont lourdes, mes paupières picotent, mais une étrange lucidité me tient debout. C'est l'après-choc, le calme glacial qui suit la tempête d'adrénaline. Je viens de passer des heures à panser, à suturer, à lutter contre la mort dans ma petite infirmerie de fortune. Maintenant, je sors pour être confrontée à son visage victorieux.Les hommes de Silas, certains bandés, d'autres couverts de suie et de sang séché, alignent des corps devant le perron. Ce ne sont pas les siens. Ce sont les hommes d'El Lobo. Des conquistadors modernes tombés aux porte

AlyssaLe retour vers le manoir est un voyage silencieux à travers une nuit devenue miroir.Le calme qui s’est installé en moi n’est pas un apaisement.C’est une glaciation. Les sentiments violents ont été capturés, emprisonnés sous une couche de cristal transparent et froid. Je vois tout à travers elle, déformé, magnifié, insensible.Le cheval avance d’un pas régulier sous moi. Je n’ai plus à lutter. Il sent la reddition dans mon corps, la fin des secousses. Silas ne dit rien. Il chevauche à côté, une présence massive et consciente. Il a gagné. Il le sait. Je le sais. Cette connaissance flotte entre nous, tangible comme l’odeur persistante de cendres et de terre humide.Les lumières du manoir apparaissent, trouées dans la masse sombre de la jungle. Un faux refuge. Ma prison. Mon berceau.Dans la cour, des hommes s’affairent en silence. Ils s’arrêtent pour observer notre retour. Leurs regards glissent sur Silas avec un respect craintif, puis sur moi. Avant, je lisais de la pitié, de la

AlyssaL’eau est brûlante.Elle frappe ma peau comme une pluie de fines aiguilles,rougeoie mes épaules, mon dos, la courbe de mes seins. Je la laisse couler, aussi immobile qu’un pilier sous une cascade. La vapeur envahit la salle de bain en marbre froid, créant un brouillard qui efface les angles, les miroirs, les limites. Je cherche à me brûler. À brûler la sensation de ses mains, de ses lèvres. À lessiver la terreur et l’exaltation qui se sont nouées en un seul nœud dans mon ventre.Mais l’eau ne lave rien. Elle ne fait que ramollir, pénétrer. Elle ouvre les pores, elle permet à tout de s’enfoncer plus profondément.Mes pensées, enfin libérées de l’immédiateté de sa présence, se précipitent vers le monde d’avant. Ce monde qui me semble être celui d’une autre, une femme naïve dont je me souviens avec une pitié méprisante.Chloé.Le nom émerge du brouillard, accompagné d’une douleur vive et nette. Ma meilleure amie. Ses rires trop forts, ses conseils maladroits et pleins d’amour, son

AlyssaLe jour se lève, froid et gris, et avec lui, une résolution nouvelle.Il m’a vue trembler.Il m’a entendue avouer. Il croit m’avoir conquise, ou du moins, m’avoir poussée au bord de l’abîme où il réside.Il se trompe.La vérité est plus simple, et plus compliquée à la fois : je lui appartiens déjà, et il m’appartient déjà. Ce désir qui m’a arraché les mots de la gorge n’est pas un drapeau blanc. C’est une arme.La sienne.La mienne.Et je ne sais pas encore qui va s’en servir en premier.Je me lève. Mon reflet dans le miroir de l’armoire me surprend. Les yeux cernés, mais secs. La bouche, une ligne mince et pâle. Je ressemble à une survivante, oui. Mais pas à une victime.Pas aujourd’hui.Je m’habille avec soin. Une robe sobre, fermée jusqu’au cou. Je coiffe mes cheveux en un chignon sévère qui tire sur mes tempes. Je veux être une forteresse. Une façade de marbre.À l’intérieur,le chaos. La peur, l’excitation, la honte, la terrible, merveilleuse attente.Je l’écrase.Je l’enter