All Chapters of Entre ses griffes : Chapter 11 - Chapter 20

AlyssaUne semaine s’écoule, lourde et cotonneuse. Les repas avec Silas sont devenus notre rituel, notre champ de bataille privé. Chaque dîner est un round, une tentative de plus de sa part pour démanteler un pan de mon identité. Et je sens mes défenses s’effriter, une à une, comme des falaises rongées par une mer acide.Ce soir, il ne m’attend pas dans la salle à manger. Alma me conduit vers une autre aile du manoir, une que je ne connais pas. La décoration change, devient plus personnelle, plus… intime. Des photographies en noir et blanc de villes inconnues, des sculptures abstraites aux angles agressifs.Nous nous arrêtons devant une porte simple, en bois clair. Alma l’ouvre et s’efface.— Il vous attend à l’intérieur.Je franchis le seuil et retiens un cri.Ce n’est pas une chambre. C’est une bibliothèque, mais conçue par un architecte fou. Les murs sont recouverts de livres du sol au plafond, mais au centre de la pièce, plusieurs panneaux de miroirs inclinés sont disposés de faço

Alyssa---Ses lèvres sur les miennes sont un point de non-retour. Ce n'est pas un baiser de romance, mais un transfert de pouvoir. Quand il se retire, l'empreinte est plus brûlante que n'importe quelle gifle. Je ne bouge pas. Le monde a basculé sur son axe, et je suis en train de trouver un nouvel équilibre dans le vertige.Il ne dit rien. Il tourne les talons et s'éloigne dans l'obscurité du couloir, me laissant sur le balcon, le goût de lui sur ma bouche et le chaos dans ma poitrine.Je reste là un long moment, les mains agrippées à la balustrade de pierre froide, à fixer les lumières lointaines. Houston. Ma vie d'avant. Elle me semble aussi irréelle et inaccessible qu'un décor de cinéma. L'Alyssa de là-bas est morte. Elle a été dissoute dans les larmes de la chambre des miroirs.Quand je rentre enfin dans ma chambre, le miroir me renvoie l'image d'une étrangère. Une femme aux yeux trop grands, vêtue de soie noire, avec la marque invisible d'un homme cruel sur la bouche. Je ne vois

AlyssaLa galerie est devenue un lieu hanté. Même vide, elle résonne encore de l'écho du tango, de la chaleur de son corps contre le mien. Je reste là, immobile, les bras enlaçant mon propre torse pour remplacer l'étreinte dont il m'a privée. Le collier-serpent pèse soudain dix fois plus lourd. Il n'est pas un symbole de possession, mais un rappel de ma propre trahison intérieure. Une partie de moi a aimé cette danse. La confession intérieure résonne plus fort que n'importe quel cri.Je le hais à cet instant plus que jamais. Pour avoir fait de moi cela. Une femme qui trouve un frisson dans sa propre cage dorée.Je ne dors pas de la nuit. Chaque fois que je ferme les yeux, je sens la pression de sa main dans mon dos, l'effleurement de son souffle, le vertige des voltes. Mon corps, ce traître, garde la mémoire vive de chaque contact. Au petit matin, des cernes mauves soulignent mes yeux dans le miroir. Mais derrière la fatigue, il y a cette froide lucidité. J'ai vu le jeu. Maintenant, i

AlyssaLe goût de lui me hante. Un mélange de café fort, de pouvoir brut et de cette note subtile et mortelle de datura. Je passe ma langue sur mes lèvres, encore et encore, comme pour l'effacer ou, plus troublant, pour m'en souvenir. Le jardin des poisons est devenu le théâtre de ma chute. J'ai plié. Non par peur, mais par une empathie perverse pour le démon lui-même.Les jours suivants sont un exercice d'équilibre précaire. Je m'attends à ce qu'il revienne, qu'il exige davantage, capitalisant sur ce baiser qui n'est ni une victoire ni une défaite, mais un armistice dangereux. Mais Silas se fait à nouveau insaisissable. Il est un maître dans l'art de la tension, sachant que le silence après une tempête est souvent plus déstabilisant que la tempête elle-même.Je reprends mes "visites" à l'infirmerie. Miguel, le garde mutilé, me regarde maintenant avec une crainte teintée d'une loyauté inexplicable. Je suis celle qui a ordonné son salut, mais aussi celle qui se promène librement, porta

AlyssaLa porte close résonne encore dans mon dos, un écho métallique à la fêlure qui s’est propagée en moi cette nuit. Je reste immobile, les paumes moites pressées contre le bois lisse, comme si je pouvais empêcher le monde de Silas de contaminer davantage l’air que je respire. L’odeur de lui, le cigare et le danger, est incrustée dans les fibres de ma robe, dans mes pores.Je me retourne, dos au battant, et laisse mon regard parcourir la chambre. Une cage dorée. Chaque objet, du vase en cristal au tableau ancien, me rappelle ma condition. De trophée. De pion. Le mot claque dans ma tête, une gifle.Je marche jusqu’au miroir, mes pas silencieux sur le tapis épais. La femme en rouge me fixe, son visage pâle encadré par le chignon sévère. Le serpent d’or autour de son cou semble serrer un peu plus fort. Je vois la peur au fond de ses yeux, une bête traquée. Mais je vois autre chose, aussi. Une lueur. Celle dont il a parlé. La trace empoisonnée du pouvoir.Il a raison.La pensée fuse, c