All Chapters of Hassan et Lalla Tislin: Chapter 11 - Chapter 20

La voix doréeLe vent, depuis des jours, soufflait sans colère.Il passait dans les ruelles comme un vieux visiteur revenu voir ses souvenirs.Le puits respirait toujours — lentement, régulièrement —et parfois, au milieu de la nuit, on entendait un rire d’enfant se mêler à son souffle.C’était celui de Younes.Depuis qu’il portait la spirale dorée, il ne rêvait plus comme les autres enfants.Ses rêves étaient faits de sons :le bruit du vent sur les pierres,le murmure des herbes dans les champs,et, parfois, des voix…celles qu’il n’avait jamais connues.Un soir, il demanda à son père :— Père… pourquoi j’entends des gens qui parlent dans le vent ?Hassan le regarda longtemps avant de répondre.— Parce que le vent garde tout ce que le monde dit.— Même les morts ?— Surtout eux.Younes resta pensif.— Et si je leur réponds ?— Alors ils t’écouteront. Mais attention… le vent répond toujours.La nuit suivante, la vallée s’endormit tôt.Un ciel lourd, sans lune, couvrait les montagnes.

Le secret du ventLa nuit tomba comme une page qu’on referme avec lenteur. Dans Afella, personne n’osait parler trop fort depuis que la voix dorée avait traversé la vallée. On marchait plus doucement, on posait les jarres comme si la terre avait des oreilles — et elle en avait, désormais. Hassan, lui, sentait dans sa paume la spirale battre avec une régularité nouvelle, moins flamboyante qu’autrefois, plus profonde, comme si le vent s’était installé en lui pour de bon.Ce soir-là, Younes ne vint pas s’asseoir au bord du puits. Il s’éloigna au contraire, suivant un sentier que les chèvres n’empruntaient plus depuis la grande saison sèche. — Où vas-tu ? demanda Hassan. — Là où commence le souffle, répondit l’enfant sans se retourner. Il ne parlait pas plus fort qu’un brin d’herbe, et pourtant sa voix semblait agrandir l’air.Ils montèrent. Au-dessus d’eux, les étoiles se donnaient la main. La montagne, sous la lumière, avait le visage d’un vieillard heureux. Ils atteignirent u

Les pierres consentiesLe septième jour passé, la vallée reprit un souffle plus large.Les camions de la Société des Barrages et Ressources avaient descendu la piste, promettant de revenir “répondre” au cycle des saisons. Mais une partie de la ville resta : trois tentes, une table pliable, quatre ingénieurs, et Maya qui avait choisi de prolonger sa mission. Elle disait en souriant que “les meilleures données sont celles qui se laissent approcher”, et qu’ici, tout commençait à peine.Au matin, Hassan monta vers la terrasse du figuier pour vérifier les murets. Le vent tenait sa promesse de douceur. On aurait dit que la vallée s’était allégée d’un poids invisible. Younes marchait à ses côtés, la spirale dorée sous la peau battant au rythme régulier d’un cœur double : le sien, et l’autre.— Aujourd’hui, dit Maya en les rejoignant au pied de la terrasse, je voudrais poser deux capteurs.— Sur quelles pierres ? demanda Hassan.— Celles qui… (elle hésita) acceptent.Le mot n’était pas scient

Chapitre XVIII — Les veines du silenceLe lendemain de la crue des promesses, la vallée d’Afella semblait flotter dans une paix brûlante.Pas une paix immobile — non — une paix dense, qui vibrait comme si le silence lui-même respirait.Les pierres, les terrasses, même l’ombre des oliviers avaient une épaisseur nouvelle. On aurait dit que le monde avait gagné un deuxième souffle pendant la nuit.Hassan sortit tôt, avant que le soleil n’ouvre complètement le flanc de la montagne.Il portait encore, dans la paume, la sensation du grand souffle de la veille —cette montée silencieuse qui avait relevé les promesses comme on relève des pierres.Mais quelque chose l’inquiétait : la vallée attendait encore.Younes marchait devant lui, pieds nus, guidé par un instinct que personne ne comprenait vraiment.Il s’arrêta souvent, comme s’il écoutait un battement sous la terre.Chaque fois qu’il posait la main sur une pierre, la spirale dorée sous sa peau vibrait d’un ton très faible, presque comme

Le printemps vint chargé de bruit. Après l’été des accords et l’automne des réparations, Afella sentit revenir une activité plus familière : des visiteurs, des convois légers, des marchands curieux qui n’avaient jamais su pourquoi ils n’avaient pas marché ici avant. La ville avait tenu sa promesse de revenir, mais elle n’était plus la même ; elle venait avec des valises pleines d’outils, des cases pleines de dossiers, et surtout, avec des gens qui regardaient la vallée comme on regarde un coffret précieux.On parlait de nouvelles routes, de petites lignes électriques “respectueuses”, d’un marché qui, disent-ils, “donnerait de l’activité”. Delmas était revenu, poli et fatigué, tenant à jour un dossier plus épais. Il parlait moins de chiffres maintenant : il écoutait. Maya était restée ; elle était devenue une passeuse, une qui savait nommer les choses sans les réduire. Elle allait et venait entre les tentes, les pierres consenties et les bureaux municipaux, traduisant la tenue en procé