MasukEmelyne haussa les épaules, l’air de dire que tout était déjà joué.
— Monsieur Wright choisira la mère porteuse comme il choisit une pierre précieuse : à la loupe, en scrutant la moindre imperfection. Et il attendra d’elle la même perfection. Même s’il ne compte pas la garder… du moins, c’est ce qu’il croit.
Romy sentit un frisson lui traverser la colonne.
Une pierre précieuse.
Un ventre à louer.
Elle, dans tout ça ?
Comment elle pourrait O-S-E-R aller lui proposer ça ?
Se présenter devant lui en mode : Bonjour monsieur Wright, je vous ai préparé un café… et au passage, si vous cherchez un utérus, j’en ai un disponible ?
Elle aurait préféré mourir de honte.
Littéralement.
Rien que l’idée lui donnait la nausée : franchir cette porte, soutenir son regard, imaginer prononcer ces mots absurdes, obscènes, humiliants.
Elle n’était pas une pierre.
Pas un objet.
Pas qu’un ventre.
Pas une option sur catalogue.
Et jamais — jamais — elle n’irait frapper à sa porte pour ça.
La seconde fille sortit, déçue comme la première, et Romy dut aller chercher la troisième. Sans doute la plus âgée des quatre : un visage d’ange, des hanches étroites, un air doux. Cette fois-ci, Romy ne resta pas à rêvasser en ouvrant la porte. Pourtant, elle dut admettre qu’Emelyne avait raison : il la regardait. Mais peut-être l’avait-il toujours regardée… et ce n’étaient que les paroles de sa collègue qui lui montaient au cerveau.
Elle ressortit et Emelyne soupira, marmonnant :
— Mesdemoiselles, vous êtes trop fades pour monsieur Wright… mais merde, faites-vous une raison. Un peu d’orgueil, partez avant de le rencontrer.
Elle fit une grimace si grotesque que Romy éclata de rire. Pas un rire discret. Un vrai, un sonore.
Emelyne lui lança de gros yeux immédiatement. C’était sûr : on les avait entendues derrière la porte.
— Zut… marmonna Romy.
— Détends-toi, t’as juste ri un peu fort !
L’interphone sonna.
— Emelyne, dites à Romy de nous ramener du café et du lait !
— Oui monsieur, de suite. Elle y va.
Emelyne coupa l’interphone, leva les yeux au ciel.
— Oh, “Romy par-ci, Romy par-là”… je suis pas sûre qu’il se rappelle de toutes les vacataires qui ont bossé ici.
— Ça suffit, Emelyne, grogna-t-elle en se levant.
Elle souriait encore en allant chercher le café. Mais, en marchant, elle repensait quand même à ça.
Proposer son ventre.
Elle soupira : jamais elle n’oserait.
Dans le couloir, sur les chaises réservées aux clients, les deux dernières prétendantes au “ventre” étaient assises. L’une pleurait, déçue.
Romy alla jusqu’à la machine et fit couler le café dans le second broc posé à côté.
Quand elle se retourna, elle vit que la femme qui était dans le bureau sortait avec les deux autres filles. Son visage était fermé, presque dur, et en passant devant Romy, elle l’ignora complètement.
Elle alla rejoindre les deux premières candidates, s’arrêta devant elles et sortit son classeur. Elle le feuilleta rapidement, l’air agacé, cocha quelque chose du bout du stylo… puis referma le classeur avec un claquement sec.
— J’ai d’autres clients pour vous, mesdames !
La fille au piercing renifla, outrée :
— Non mais… il était sérieux avec son régime à la con ?
La femme – celle qui les accompagnait depuis le début – leva les yeux au ciel, blasée.
— Mesdemoiselles, c’est un client qui paie cher. Il a donc de grosses exigences. Très grosses. Et si vous n’êtes pas capables de suivre… libre à vous d’aller voir ailleurs.
— Et justement, c’est ce que vous allez faire, mesdemoiselles. Aller voir ailleurs. Parce que si déjà un régime alimentaire vous traumatise… vous n’irez pas loin avec monsieur Wright. Bonne journée. Je vous rappelle dés que j'ai du neuf.
Les deux filles échangèrent un regard vexé, récupérèrent leurs sacs, et partirent d’un pas raide, leurs talons claquant comme un dernier acte de fierté.
Une fois seules dans le couloir, Romy sentit un sourire lui échapper malgré elle.
Elle n’y pouvait rien : voir ces filles sortir la tête basse, ça lui donnait… un drôle de sentiment.
Un mélange de soulagement et de vertige.
Soulagement, parce que clairement, aucune n’avait fait l’affaire.
Vertige, parce qu’une pensée folle, stupide, dangereuse se glissa dans son crâne :
Et moi ?
Comment elle pourrait proposer un truc pareil ?
S’avancer vers lui, l’air professionnel, et lui dire :
“Bonjour monsieur Wright, vous voulez du lait avec votre café… et accessoirement, un bébé ?”
Elle faillit rire toute seule.
Quelle horreur.
Jamais de la vie.
Et pourtant…
Cette idée, née des mots venimeux d’Emelyne, rampait encore dans son esprit comme un petit serpent vicieux.
Elle baissa les yeux sur le broc de café qu’elle tenait, se racla la gorge, essaya de remettre son cerveau en place.
Non. C’était impossible.
Elle n’avait pas l’audace, ni le courage, ni même la logique pour un truc pareil.
Mais au fond d’elle, un murmure persistant soufflait :
Alors pourquoi il te regarde comme ça, hein ? Pourquoi toi ?
Romy secoua la tête, chassant cette voix.
Elle n’était pas là pour penser à ça.
Elle était là pour ramener du café et du lait. Point.
Et pourtant…
Sa main trembla légèrement sur la poignée du broc.
ROMYJe restai encore quelques secondes immobile, incapable de bouger.Comme si mes jambes avaient décidé de me lâcher sans prévenir.Mon cœur battait trop vite. Beaucoup trop vite pour une situation qui, en théorie, ne me concernait pas vraiment.Ne me concernait pas…Quelle blague.Je finis par me redresser et m’éloignai du bureau de Caleb, mes pas un peu trop rapides, presque fuyants. J’avais l’impression que tout le couloir pouvait lire sur mon visage ce qui se passait dans ma tête. Comme si c’était écrit en gros : elle hésite.— Alors ? lança Émeline dès qu’elle m’aperçut.Sa voix me ramena brutalement à la réalité. Elle était appuyée contre le comptoir, les bras croisés, ce sourire en coin que je connaissais trop bien. Celui qui voulait dire je sais… même quand elle ne savait rien.— Alors quoi ? répondis-je en haussant les épaules.Mauvaise idée. Très mauvaise idée.Elle me détailla de la tête aux pieds, lentement, comme si elle analysait une scène invisible.— T’as cette tête-
Le couloir désert s’étendait comme une faille entre deux mondes.Romy y resta adossée, le dos collé au mur froid, les doigts agrippés à la bouteille d’eau qu’Émelyne lui avait tendue. Elle ne l’avait même pas ouverte. Elle ne pouvait pas. Pas encore. Pas avant d’avoir digéré ce qui venait de se passer.Il m’a vraiment demandé ça ?La question tournait en boucle dans sa tête, obsédante, étouffante. Elle revoyait Caleb, assis derrière son bureau, les avant-bras posés sur l’acajou noir, le regard aussi froid que calculateur. Est-ce que vous accepteriez ? Pas une question. Un défi. Une provocation. Comme s’il savait déjà qu’elle était en train de se fissurer, de se laisser envahir par une idée qui n’aurait jamais dû germer.Émelyne la dévisageait, un sourcil levé, les bras croisés.— T’es écarlate. Qu’est-ce qu’il t’a fait ?Romy détourna les yeux, fixant un point invisible sur le sol.— Rien.— Ouaiiiis.Émelyne lui tendit la bouteille d’eau, mais Romy ne la prit pas tout de suite. Elle
Il soutint son regard sans la moindre hésitation, sans fléchir d’un iota. Son expression restait impassible, sérieuse, presque austère. Il ne sourit pas, ne chercha pas à adoucir l’instant par une quelconque légèreté. Il ne recula pas d’un millimètre, comme si cette conversation était la chose la plus naturelle du monde.— Pourquoi pas vous ? répondit-il enfin, en haussant très légèrement les épaules, dans un geste qui semblait dire que la réponse était évidente, presque banale. Je vous observe depuis un certain temps déjà, Romy. Je vous connais suffisamment pour savoir quel genre de femme vous êtes.Il marqua une pause délibérée, pesant chaque mot comme s’il les déposait un à un sur une balance invisible.— Équilibrée. Discrète. Intelligente. Honnête. Tout précisément ce que je recherche chez la personne qui porterait mon enfant.Elle sentit son cœur s’emballer davantage, cognant si fort contre sa poitrine qu’elle craignit un instant qu’il puisse l’entendre. Était-ce un compliment si
Caleb désigna le notaire d’un geste négligent de la main, sans même daigner le regarder directement.— J’ai ici mon ami qui me répète sans cesse que je suis complètement stupide de vouloir recourir à une mère porteuse pour avoir un enfant.Un silence lourd, presque palpable, s’installa alors dans la pièce. Romy sentit son souffle se bloquer dans sa gorge. Le notaire, visiblement surpris par cette formulation abrupte, tourna la tête vers Caleb, attendant manifestement une explication ou une précision. Mais Caleb, lui, ne quittait pas Romy des yeux. Il y avait dans son regard une intensité particulière, profonde, qui la fit frissonner malgré elle.Elle se raidit sur sa chaise, consciente que son cœur battait maintenant plus vite, plus fort. Pourquoi la fixait-il avec une telle insistance ? Qu’attendait-il d’elle exactement ?— Et vous ? demanda-t-il soudain, baissant légèrement la voix, la rendant presque intime, comme un murmure destiné à elle seule.Romy cligna des paupières, déstabil
Romy traversa le couloir d’un pas mesuré, le plateau en équilibre dans ses mains, tout en se répétant intérieurement que ce café accompagné de lait ne changerait absolument rien à la situation. Pourtant, quand le patron exprimait un désir, aussi anodin soit-il, il obtenait toujours satisfaction. C’était une règle implicite dans cette entreprise, une de ces lois non écrites que tout le monde respectait sans discuter. Elle ajusta légèrement le broc chaud contre sa paume, sentant la chaleur se diffuser à travers la porcelaine, et frappa trois coups rapides à la porte du bureau.Sans attendre une réponse explicite, elle poussa la poignée et entra. L’atmosphère de la pièce était chargée, lourde d’une conversation sérieuse. Ni Caleb ni son notaire ne relevèrent la tête à son arrivée. Ils étaient plongés dans leurs échanges, les voix basses et concentrées.— Tu es vraiment certain, Caleb, que c’est bien ce que tu souhaites ? demanda le notaire d’un ton prudent, presque hésitant.— Absolument
Emelyne haussa les épaules, l’air de dire que tout était déjà joué.— Monsieur Wright choisira la mère porteuse comme il choisit une pierre précieuse : à la loupe, en scrutant la moindre imperfection. Et il attendra d’elle la même perfection. Même s’il ne compte pas la garder… du moins, c’est ce qu’il croit.Romy sentit un frisson lui traverser la colonne.Une pierre précieuse.Un ventre à louer.Elle, dans tout ça ?Comment elle pourrait O-S-E-R aller lui proposer ça ?Se présenter devant lui en mode : Bonjour monsieur Wright, je vous ai préparé un café… et au passage, si vous cherchez un utérus, j’en ai un disponible ?Elle aurait préféré mourir de honte.Littéralement.Rien que l’idée lui donnait la nausée : franchir cette porte, soutenir son regard, imaginer prononcer ces mots absurdes, obscènes, humiliants.Elle n’était pas une pierre.Pas un objet.Pas qu’un ventre.Pas une option sur catalogue.Et jamais — jamais — elle n’irait frapper à sa porte pour ça.La seconde fille sorti







