Share

L'attentat

Keran AKWA

Je suis devant mon ordinateur entrain de me casser la tête afin de déterminer la meilleure stratégie à adopter pour contenter les potentiels collaborateurs. Au bout d’une heure à tourner en rond je décide d’appeler Eliane pour lui demander conseil.

** Appel téléphonique **

-Coucou ma puce.

-Ça va ? tu n’as pas bonne mine. Demande-t-elle inquiète.

-Ne t’en fait pas trop pour moi. Tu sais que lorsque je ne vous ai pas prêt de moi je ne fais que travailler.

-Et je t’ai dit maintes fois de lever le pied, tu dois pouvoir te reposer…

-Je sais amour, je sais mais ce n’est pas pour cela que je t’ai appelé. La coupe-je voyant qu’elle se met en colère.

-Hum ok et c’est quoi le problème ?

Je bloque sur un projet. En fait nous aurons à faire à des investisseurs étrangers dans quelques semaines. Mon équipe et moi devons donc monter un projet assez solide pour les convaincre de signer. Ils ont envie de créer une succursale de leur société au Cameroun. Nous ne trouvons rien qui me plaise assez pour que valide, alors j’ai besoin de ton aide.

-Je vois… Ils font dans quoi ?

-Dans l’art. C’est une société qui se charge de la promotion des artistes.

-Ok dans ce cas, je vous propose de faire quelque chose d’innovateur qui reflètera le modernisme mais qui gardera l’authenticité du pays. Mettez l’accent sur les petits motifs, vous pouvez faire sur l’un des murs du bâtiment une mosaïque faite justement par un artiste local.

-C’est une bonne idée, je vais explorer cette piste. Merci chérie.

-Je t’en prie. Et tu n’as pas besoin de te stresser, tu es le meilleur architecte du pays.

-C’est ça flatte moi.

-Je suis sérieuse.

-Si tu le dis.

-Ok. Je vais devoir te laisser bébé.

-Pourquoi si vite ?

-Ange vient d’arriver, en plus elle m’a rapporté un plat de eru (plat typique du nord-ouest)

 -La nourriture t’a même fait quoi l’enfant ci ?

-Oui je t’aime fort bisous. Dit-elle en faisant mine de n’avoir pas entendu ma remarque. Puis elle raccroche.

** Fin de l’appel **

Ange et Eliane sont amis depuis des années. Ça me fait plaisir de les savoir ensemble surtout lorsque je suis si loin.

Je me replonge dans mon travail toute la journée et lorsque j’arrive à mon appartement, il beaucoup trop tard pour faire quelque chose à manger. Je n’ai pas pensé à me prendre quelque chose sur le chemin donc je vais dormir comme ça parce que je n’ai plus de force.

** trois mois plus tard **

Le contrat vient d’être signé. Je soupire de soulagement car à cet instant précis la pression baisse. Nous nous serrons les mains et les dirigeons vers la sortie non sans avoir assuré une fois de plus à nos collaborateurs notre professionnalisme.

Une fête est prévue dans nos locaux pour féliciter toute l’équipe pour le travail abattu. Nous buvons et profitons de l’ambiance qu’il y a dans la salle. A un moment, je décide de me retirer pour appeler ma femme ; elle y est pour beaucoup dans ce succès car elle m’a conseillé à chaque étape et m’a donné des idées et des stratégies très efficaces.

Je lance l’appel mais personne ne décroche ; je la relance deux fois de plus sans succès et suppose qu’elle est occupée, elle me rappellera sûrement plus tard. Je me joins donc à mon équipe et nous continuons les réjouissances.

Ange FOTSO

Depuis hier soir je n’ai aucune nouvelle d’Eliane. Nous étions sensées passer la soirée en face time à parler de tout et de rien mais particulièrement de ma relation avec Jules. Elle essaye depuis des mois de caser avec lui car à son avis, il est le « mec parfait » mais bon moi tout ce que je recherche pour le moment c’est un plan cul ; je ne veux m’engager avec personne… Bref, je suis inquiète car elle n’aurait jamais manqué une soirée de commérage délibérément. Je suis au volant en direction de chez elle, j’essaye une nième fois de la joindre sans succès ce qui m’angoisse encore plus. Je me gare enfin après quarante cinq minutes de route et je m’empresse d’aller vers le gardien qui me laisse entrer car étant une habituée des lieux. Je lui demande si sa patronne est sortie travailler aujourd’hui et il me répond négativement, elle n’a pas bougé depuis qu’il a pris ses fonctions ce matin.

Je me dirige à l’intérieur de la maison, je ne la vois ni au salon ni à la cuisine. Je crie son nom mais je n’ai aucun retour ; j’entreprends donc de la rechercher dans leur chambre et lorsque j’y suis, le spectacle qui me fait face est des plus effrayants.

Elle est allongée devant moi, le corps raide et les yeux dont on ne voit plus que le blanc supposant une convulsion ; sur sa bouche, des traces de sang. A cet instant, je suis comme figée ; je ne peux bouger aucun membre et ma bouche refuse de crier à l’aide. Je ne sais combien de temps je suis resté figée à contempler cette scène macabre mais à un moment j’ai eu la force d’appeler le gardien à l’aide. Les prochaines actions se feront en un temps record ; entre la stupéfaction du gardien et le transfert d’Eliane à l’hôpital. Je suis toujours en état de choc et je me demande ce qui a bien pu se passer. C’est le gardien me notifiant son départ qui me sort de mes spéculations ; il ne peut laisser trop longtemps son poste vacant.

Je me souviens que je n’ai pas encore appelé Keran et je m’empresse de composer son numéro.

Keran AKWA

Mes employés ont proposé un after dans un snack mais j’ai décliné leur offre car trop fatigué. Je me dirige vers mon hôtel, la première chose que je fais à l’arrivée est d’appeler ma femme qui ne décroche toujours pas ; à ce moment, je commence vraiment à être inquiet. Je décide de prendre une douche d’abord ensuite je contacterai Ange. Elle en sait forcément plus que moi.

Je mets mes vêtements lorsque mon téléphone sonne, je m’empresse de le prendre pensant que c’est ma femme. Je décroche sans prêter attention au nom qui s’affiche sur l’écran et la nouvelle qu’on m’annonce me glace le sang. Ma femme ? Ma femme est entre la vie et la mort ? Comment ? Pourquoi ? Je n’aurais jamais dû la laisser seule aussi longtemps. Tout est de ma faute… Putain qu’est-ce que je fais ? Je vais prendre le car. Non. Je vais prendre l’avion je pense que c’est plus rapide. Merde je dois réserver mon billet et le prochain vol est prévu pour demain midi… Je ne suis pas en état de conduire. Merde, merde, merde. Qu’est-ce que je fais ?

Je rappelle Ange pour qu’elle me dise qu’elle plaisantait, je nourris l’espoir qu’elle me fasse une farce mais elle me répète la même chose que tout à l’heure : « Keran, Eliane est entre la vie et la mort. Dépêche toi de venir, les médecins ne sont pas du tout optimistes ». Ces mots résonnent en moi comme un écho, j’ai l’impression d’avoir sa voix dans ma tête. Je ne sais pas quoi faire, je pleure car je suis perdu ; ma femme c’est mon repère.

Finalement, je décide de me rendre à l’agence de voyage et prendre un car en direction de Yaoundé. Par chance, je trouve qu’il reste une place disponible et cinq minutes plus tard, nous sommes en route.

Je n’arrive pas à régulariser les battements de mon cœur, je me souviens que ma femme nous incite toujours à prier surtout lorsque nous sommes mal alors je me résous à m’adresser au Seigneur : « Papa, je sais que je ne suis pas un fervent chrétien. Je sais que je ne viens à toi que sous les recommandations d’Eliane mais aujourd’hui j’ai besoin de toi. Il se dit que Tu accomplis des miracles, fais le dans ma vie s’il-te-plaît. Ma femme te sert et elle est entre la vie et la mort, je ne sais pas ce qui s’est passé mais je t’en supplie sauve la. Ne me la prend pas, je l’aime beaucoup trop et je ne supporterai pas une vie où elle n’est pas. Comment fera notre fille sans sa mère ? Seigneur, s’il le faut prend moi à sa place. Tu le sais que je donnerai ma vie pour elle. ».

J’arrive à Yaoundé et j’appelle Ange pour qu’elle m’indique l’hôpital où elle est internée. Je m’y rends au pas de course. J’arrive dans sa chambre et je m’effondre, la voir connectée à toutes ces machines me fait froid dans le dos ; j’ai l’impression de perdre ma femme. J’ai l’envie de hurler mais qu’est-ce que cela va changer ?

Je vais vers Ange qui me fait un briefing de la situation. Elle m’explique ce qui s’est passé de la maison à l’hôpital et je reste sans voix. Je décide d’aller vers le médecin en charge de son cas pour qu’il me dise de quoi souffre ma femme.

Inconnu

-C’est fait. Elle est à l’hôpital et il est certain qu’elle ne s’en sortira pas.

-Tu en es sûre ?

-M’as-tu déjà vu faire les choses à moitié ? Il faudrait un miracle pour qu’elle sorte vivante de cet hôpital.

-Waouh ! Je croise les doigts pour que tout ce passe comme prévu.

-Ne t’en inquiète pas. Je m’assurerais personnellement qu’elle passe de cette salle pour la morgue.

Charles MOUTOMBA

Je n’ai pas revu Eliane depuis la dernière fois au restaurant. Elle me manque énormément mais toutes mes tentatives pour la revoir ont été vaines donc j’ai décidé de lui laisser de l’espace.

Etant tout seul, je ne fais rien d’autre que de bosser et de parler avec ma fille que je m’arrange à appeler chaque soir de la semaine.

Camille doit se rendre dans son village pour une cérémonie et elle n’ira pas avec Maëlle ; donc pour les deux prochaines semaines c’est moi qui la garderai. J’ai terminé ce soir au boulot et avant d’aller chercher ma fille, je m’arrête dans une boulangerie pour lui prendre les pains au chocolat dont elle raffole. J’arrive quelques minutes plus tard à leur appartement et je les trouve déjà prête ; elles n’attendaient plus que moi apparemment.

-Bonsoir et désolé du retard. Dis-je

-Bonsoir, ne t’en fais pas j’ai encore du temps avant le départ.

-D’accord… Je te trouve très belle Camille, le divorce te va bien.

-Merci. J’aimerais en dire autant de toi mais tu n’as pas bonne mine. Tu es sûr que tout va bien ?

-J’ai quelques petits soucis mais bon ça va. Ne t’inquiète pas pour moi.

-J’espère que tes soucis ne te feront pas mettre de côté la petite.

-Arrête Camille, on parle quand même de ma fille…

-Papa, vous allez encor crier ? Dit Maëlle en venant vers nous.

-Mais non trésor. Maman et moi on discute juste.

-C’est vrai ça maman ?

-Oui princesse, ton papa et moi avons juste quelques choses à nous dire.

-Mais à chaque fois que vous parlez vous criez et puis papa est fâché et maman aussi. Fit-elle triste

Je me suis mise à son niveau et j’ai pris son visage en coupe. Voir ses yeux emplis de larmes me fend le cœur ; je la prend dans mes bras et lui dis que je l’aime très fort.

-Moi aussi je t’aime papa.

-Je suis désolé de te faire pleurer trésor, je te promets que ta maman et moi n’allons plus crier.

Je n’eus pour seule réponse que ses bras qui me serraient très fort.

Après cela, j’ai pris les affaires de ma fille et les ai installés dans la voiture. Elle a fait un dernier bisou à sa mère et nous avons pris la route.

La scène de tout à l’heure me hante. Je refuse que mon trésor ait cette image de nous, je refuse qu’elle ait peur qu’une dispute éclate lorsque je me retrouve avec sa mère mais il faut avouer que nous ne faisons que ça. Je jette un œil au rétroviseur et je la vois endormie, elle est si innocente ; elle n’a pas à subir nos problèmes. Je me promets intérieurement de la protéger et la laisser en dehors de nos différents.

Nous arrivons à la maison quelques minutes plus tard et je vais coucher la petite qui ne s’est toujours pas réveillé, ensuite je check les messages que j’ai reçu depuis tout à l’heure ; il n’y a aucun d’Eliane, j’en viens à me demander si la scène du restaurant a réellement eu lieu tellement son indifférence me surprend.

Keran AKWA

Les dernières vingt-quatre heures ont été les plus éprouvantes de ma vie. Eliane n’est toujours pas sortie d’affaire, les médecins ne me disent rien pour le moment. J’ai informé nos familles ce matin et tout le monde a rappliqué. Je lis l’inquiétude et l’incompréhension sur les visages et surtout celui de sa mère… 

Ce n’est qu’après des heures d’attente que le médecin en charge de son cas me fait appel dans don bureau, car dit-il, la situation est trop délicate et il doit me donner les détails en privé.

Lorsque nous sommes seuls, il s’assied dans sa chaise et m’invite à faire de même. Je sens qu’il cherche comment me parler et ne supportant plus le suspens, je lui demande ce qui se passe avec ma femme.

-Eh bien monsieur Akwa, nous avons pu stabiliser l’état de votre femme mais nous ne pouvons rien vous garantir à ce stade.

-Je vois… Et qu’a-t-elle ? Lançai-je après un moment de silence.

-C’est justement la raison pour laquelle je vous ai pris à part.

-Dites-m’en plus.

-En fait, tout porte à croire que votre femme a été empoisonnée.

-Comment ça ? Empoisonnée ? Mais par qui ? Et pourquoi ?

-Je n’ai malheureusement pas les réponses à vos questions. Je voudrais juste vous signifier que le poison fait effet depuis plusieurs mois déjà…

-Quoi ?

Il fait fi de ma mine stupéfaite et continu.

-La substance qu’on a retrouvée dans son organisme est un poison lent. D’après les analyses, cela fait cinq à six mois qu’elle le consomme.

-Comment se fait-il que nous n’ayons rien remarqué ? Cinq mois ça fait beaucoup quand même.

-En effet, mais la personne qui est derrière ceci avait bien fomenté son plan. Administré à une faible dose, ce poison est indétectable. Il fait des dégâts progressivement jusqu’au moment fatidique. Néanmoins, la victime pourra ressentir quelques douleurs ou malaises négligeables.

-Ok. Fis-je pour seule réponse.

-Vous comprenez donc que nous devons le signifier aux autorités compétentes.

-Naturellement. Je vais d’ailleurs moi-même faire jouer mes relations pour que ce mystère soit élucidé au plus vite.

-D’accord.

-Je vous remercie docteur.

Je suis sorti de son bureau et j’ai directement contacté Armand, mon ainé, pour qu’il prenne en charge cette affaire. Ce n’est pas exactement sa juridiction mais il saura vers qui se tourner.

Je lui explique brièvement la situation. Il est tout aussi révolté que moi et en fait une affaire personnelle ; il me promet de résoudre ce mystère. Par ailleurs, il m’impose de restreindre les visites et d’établir une sécurité devant sa chambre, car tant qu’elle sera vivante, ses détracteurs ne se calmeront pas.

Inconnu

-Merde ! Merde ! Merde ! Je n’en reviens pas que cette fille ait autant de chance.

-Hey ! Du calme qu’est-ce qui se passe ?

-Tous mes efforts vont tomber à l’eau.

-Six mois putain, six mois de travail gâché.

-Comment ça ?

-Figure-toi que les médecins ont pu stabiliser son état. Tu entends bien que j’allais tout faire pour terminer ce que nous avons commencé.

-Oui… Fis-je en attendant la suite.

-Eh bien, son mari a mis sa chambre sous surveillance et interdit à tout le monde, ses parents y compris, de l’approcher. Elle est couchée là comme une cendrillon attendant patiemment que son prince charmant vienne la délivrer.

-Je n’y crois pas. Comment une seule personne peut avoir autant de chance ?

-Je suis autant sur le cul que toi. Son mari est fou d’elle et à part lui personne n’a le droit d’entrer dans sa chambre.

-Fou d’elle tu dis ? J’en doute.

-Qu’est-ce que tu insinues ?

-Eh bien, avant que tu ne viennes plomber l’ambiance avec ta nouvelle pourrie, je fêtais la meilleure découverte de ma vie.

-Quelle est-elle ?

-Keran ne s’est pas marié par amour. Cette salope d’Eliane ne sait pas qu’elle n’est rien de plus qu’une couverture pour lui.

-Développe.

-En fait, j’ai des documents qui prouvent que monsieur Akwa n’a jeté son dévolu sur Eliane que parce qu’elle était la parfaite petite femme. Je porte mon verre de cognac en bouche avant de continuer. Tu es sans ignorer qu’il vient d’une famille très influente et de ce fait, il se devait d’épouser une femme ayant de l’avenir. Mais notre cher Keran cache un secret des plus sombres, en fait se marier à une femme sans histoire lui permettait de cacher ses penchants sexuels.

-Comment ça ? Il est gay ? Dit-elle surprise.

-Non pas du tout. Monsieur Akwa est un grand masochiste mais ce n’est pas tout, il a également une aversion pour le mariage et la vie de famille ; c’est une personne libérale qui aiment les relations sans lendemain.

-Pourquoi s’est-il marié alors ?

-La politique et l’argent.

-Comment ? Je ne te comprends pas.

Figure-toi que le père de Keran a décidé qu’il serait son héritier après que Armand son ainé ait abandonné les affaires familiales pour se lancer dans l’armée. La seule condition pour accéder à la tête de cet empire était de prouver qu’il était assez mature et pour se faire, il devait fonder une famille ; c’est à ce moment qu’Eliane entre en scène.

-Je vois. Mais quel est le rapport avec la politique ?

-Je sais de source sûre qu’il veut se lancer dans la politique ; et donc, il prépare le terrain en se créant une image parfaite selon les standards de cette société.

-Comment as-tu eu toutes ces informations ?

-J’ai mes relations.

Related chapter

Latest chapter

DMCA.com Protection Status