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Chapitre 2

Author: dainamimboui
last update Last Updated: 2025-04-14 17:19:20

La nuit s’était installée depuis un moment, enveloppant la ville d’un calme profond, presque oppressant. Viel avait passé le reste de sa soirée à se noyer dans ses pensées, une routine qu’il connaissait bien. Une fois son dîner fini, il se leva lentement, comme si chaque geste nécessitait un effort supplémentaire. Son esprit tourbillonnait encore autour des directives données par Marc, mais plus profondément, il y avait cette autre question, cette douleur persistante qui le suivait partout : Pourquoi suis-je ainsi ?

Il se rendit dans la salle de bain, éteignant les lumières du salon derrière lui. En entrant dans la pièce froide, il laissa échapper un long soupir. Il ferma la porte derrière lui, s’assurant qu’il serait seul, qu’il ne serait dérangé par rien ni personne. Dans le silence de la salle de bain, il s’approcha du miroir, les yeux fuyants, comme s’il redoutait ce qu’il allait voir.

Il se déshabilla, ses gestes lents et précautionneux, comme un automate, en partie détaché de son propre corps. Ses vêtements tombèrent au sol, laissant apparaître sa silhouette frêle et délicate. Il passa ses mains sur son torse, sentant encore la compression du bandage autour de sa poitrine. Chaque matin, il portait ce fardeau, ce masque invisible qui lui permettait de se sentir à peu près normal. Mais ce soir, c’était différent. Le poids de la journée, du travail, des attentes, de ses propres peurs, tout cela se concentrant en un seul endroit.

Il leva la tête, croisant son regard dans le miroir. Les yeux verts qui se posaient sur lui étaient fatigués, marqués par des années de lutte contre lui-même. Il se força à respirer profondément. Tout à coup, un vertige le prit, une chaleur intense envahit son corps.

Il avait toujours évité de se regarder en détail. Ce n’était pas tant qu’il détestait son corps, c’était bien pire que ça. C’était la honte. La honte de ce qu’il était. La honte d’être celui qu’il ne pouvait pas changer.

Il se regarda dans le miroir, détaillant chaque courbe, chaque trait, chaque partie de son être, comme si c’était la première fois. Mais ce n’était pas la première fois. Non. Il savait ce qu’il allait voir. Il savait, mais il n’arrivait pas à l’accepter. Le reflet qu’il apercevait était celui de quelqu’un qui ne pouvait être que fragmenté, un amalgame de masculinité et de féminité qu’il ne pouvait jamais vraiment réconcilier.

Il se baissa, ses mains tremblantes le guidant vers son bas-ventre. Et là, le choc. Ce corps, ce corps qu’il portait depuis toujours. Il avait toujours cherché à l’ignorer, à l’ignorer autant qu’il le pouvait, mais ce soir, tout semblait devenu trop lourd. Il baissa les yeux et les vit : deux sexes. Une réalité qu’il avait toujours tentée de cacher, de fuir, mais qui était là, devant lui. La réalité du syndrome de Klinefelter. L’horreur de sa propre existence.

Il n’avait jamais pu se l’avouer, mais il savait, au fond de lui, que c’était cette partie de son corps qui le dégoûtait le plus. C’était l’inacceptable. C’était l’abomination. Il était un homme, mais en même temps, il était une femme. Deux corps dans un seul, un seul corps qui ne savait pas comment se définir.

Ses jambes se dérobèrent sous lui. Il s’effondra, ses genoux frappant le sol froid de la salle de bain. L’inconfort physique du carrelage n’atteignit même pas la profondeur de sa douleur. Les larmes commencèrent à couler, silencieuses, lourdes, comme une pluie battante. Son cœur se serra sous la souffrance, et son esprit se noya dans un tourbillon d’auto-détestation. Il se laissa aller à pleurer, à pleurer ce qu’il était, ce qu’il ne pourrait jamais changer. Pourquoi était-il ainsi ? Pourquoi ne pouvait-il pas être normal ? Pourquoi la vie l’avait-elle fait naître avec cette monstruosité, avec cette différence qui le condamnerait à l’isolement à jamais ? Quel abomination… » souffla-t-il entre deux sanglots, comme si ces mots pouvaient alléger le fardeau. Mais rien n’y fit. Rien ne pouvait alléger cette douleur qui lui rongeait l’âme.

Les heures passèrent sans qu’il s’en rende compte, mais il resta là, prostré sur le sol, le corps plié sous le poids de sa propre existence. Son reflet dans le miroir lui renvoyait une image brisée, une image qu’il ne voulait pas voir, mais qu’il ne pouvait plus fuir.

Les larmes se tarirent enfin, mais la douleur demeurait. Il se releva lentement, épuisé par cette confrontation violente avec lui-même. Il prit une longue inspiration, son corps secoué par de légers tremblements. Il se tourna vers la douche, la laissant couler pour apaiser ses pensées tourmentées, pour essayer d’effacer, même temporairement, ce qu’il venait de vivre.

Le bruit de l’eau chaude frappant sa peau lui rappela combien il était seul, et combien il se sentait déconnecté de tout. Il ne savait pas combien de temps il resta là, sous l’eau, mais il finit par sortir, se regardant à nouveau dans le miroir. Ses yeux étaient rouges, ses joues encore humides des larmes versées. Mais il savait que le matin, la réalité serait toujours là. Cette peur de soi, cette honte qu’il n’arrivait pas à effacer.

Pourtant, il fallait continuer. Parce que la vie ne s’arrête jamais, même quand tout semble si insupportable. Il s’essuya doucement, se redressant avec un dernier regard sur le miroir avant de quitter la salle de bain, son esprit tourmenté mais déterminé à ne pas se laisser engloutir par la nuit.

Demain, il recommencerait. Parce qu’il n’avait pas le choix.

Le lendemain

Le matin se leva avec une lenteur qui reflétait l’état de Viel. Il n’avait pas bien dormi, ou plutôt il n’avait pas trouvé le courage de se reposer véritablement. La douleur de la veille, la honte qu’il avait ressentie, ne s’était pas dissipée avec la nuit. Elle était là, prête à l’envahir à nouveau dès qu’il ouvrirait les yeux. Mais il n’avait pas le choix. La routine l’appelait, comme chaque jour. La vie continuait, implacable.

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