Il se leva précipitamment, n’ayant même pas pris le temps de préparer un petit-déjeuner. Ses pensées étaient en désordre, mais une chose était certaine : il devait arriver à l’heure à Elsia Bank. C’était un impératif. Travailler, se concentrer sur ce qu’il savait faire, c’était ce qui lui permettait de tenir. Il n’avait pas le droit de faillir, pas dans ce domaine. Son esprit, encore marqué par la veille, s’accrocha à cette pensée.
Il enfila son manteau et ses chaussures sans un regard dans le miroir. Il avait encore du mal à affronter l’image qui lui était renvoyée, à affronter le visage du Viel qui ne parvenait jamais à se sentir à sa place. Il sortit rapidement de chez lui, attrapant son sac en passant. Le taxi était déjà là, garé devant son immeuble. Il monta sans un mot, murmura à peine un salut au chauffeur, et se laissa emporter dans les rues encore désertes de la ville. La route jusqu’à la banque parut interminable, mais ses pensées se concentrèrent sur les instructions de Marc qu’il avait griffonnées la veille. Demain serait un jour décisif. Il devait être prêt. Lorsque le taxi s’arrêta devant Elsia Bank, Viel sortit sans traîner. Il n’avait pas le temps de tergiverser. La journée de travail l’attendait. Le hall de la banque était toujours aussi imposant, rempli de cet air d’urgence et de perfection qui caractérisait cet endroit. La lumière fluorescente, les collègues qui se croisaient dans une effervescence constante, tout cela était d’une froideur qu’il connaissait bien. Viel passa devant les guichets, longeant les bureaux bien ordonnés, avant d’arriver dans le grand espace où il retrouvait Hubert. Son collègue était déjà là, bien installé à son bureau, un sourire jovial sur le visage. Hubert était l’un des rares à ne jamais juger Viel, à toujours lui parler avec une certaine légèreté qui semblait le détendre, même s’il n’en montrait rien. C’était un jeune homme dynamique, un peu plus vieux que lui, qui avait cette capacité à faire oublier les tensions qui régnaient dans la banque. « Salut Viel ! » lança Hubert en levant les yeux de son écran, une énergie contagieuse dans sa voix. « Comment tu vas ce matin ? » Viel, qui s’était arrêté quelques secondes devant le bureau d’Hubert, le salua d’un signe de tête, un léger sourire sur les lèvres, mais son cœur battait un peu plus vite à chaque mot prononcé par son collègue. Il détestait cette facette de lui qui se crispe face à la gentillesse. Il détestait être vu, être perçu. Mais Hubert ne semblait pas avoir remarqué. Il continuait de sourire, les yeux pétillants, et cela faisait du bien à Viel, même s’il ne le laissait pas paraître. « Ça va… », répondit-il, sa voix encore un peu rauque. Il n’était pas tout à fait prêt à parler de son état. Pas encore. Peut-être jamais. Hubert haussait les épaules, comme si la réponse importait peu. « J’espère que t’es prêt pour le dossier du client XYZ ! Marc a mis une pression de malade là-dessus. Il paraît qu’il attend des chiffres bien propres pour la réunion de vendredi. » Viel acquiesça, ses pensées immédiatement tournées vers le travail. Oui, il avait déjà bien commencé à se préparer. Tout ce qu’il avait à faire était de s’assurer que chaque donnée était impeccable, chaque graphique aligné, chaque point parfaitement clair. C’était la seule chose qu’il savait faire avec certitude : le travail. Pas de place pour les erreurs. « Oui, je suis prêt. » La réponse sortit sans effort, comme un automatisme, mais au fond, il se sentait étrangement épuisé à l’idée de passer la journée là-dedans, dans ce flot incessant de chiffres et d’attentes. Il y avait des jours où il se sentait hors de son propre corps, une pièce du puzzle qui ne s’intégrait jamais tout à fait. Hubert, bien sûr, ne sembla pas remarquer les tourments silencieux qui traversaient l’esprit de Viel. Il se leva et s’approcha de son collègue avec un air taquin. « Alors, on s’attaque à ce dossier ensemble ? Ou t’as décidé de bosser tout seul, comme d’habitude ? » dit-il avec un clin d’œil. Viel sourit légèrement, bien que ce soit plus une réaction mécanique qu’une véritable expression de bonheur. Il savait que Hubert était une bonne personne, il l’appréciait sincèrement. Mais il n’arrivait pas à se laisser aller. Il n’arrivait jamais à être vraiment lui-même, jamais à se libérer du poids qu’il portait. Le regard d’Hubert sur lui, l’air enthousiaste de ce dernier… tout cela lui semblait si étranger. « On peut y aller ensemble », répondit-il enfin, essayant de masquer la tension qui envahissait ses muscles. « Faisons-le à deux. » Ils s’assirent ensemble devant les ordinateurs, les deux absorbés par les chiffres et les graphiques. Le monde autour d’eux sembla s’éteindre, et pour un moment, Viel se perdit dans le travail. C’était un terrain qu’il connaissait bien. Dans ce monde de chiffres, il n’y avait pas de place pour les jugements. Pas de place pour les différences. Il était juste un employé parmi d’autres, un collaborateur à la tâche. Mais dans son cœur, il savait que cette tranquillité était éphémère. Il savait qu’il ne pourrait jamais être complètement tranquille, pas tant qu’il ne trouverait pas un moyen d’accepter ce qu’il était, ce qu’il ne pouvait pas changer.Maxime se redressa, l’air surpris, presque choqué par l’agression de Viel. Il n’avait pas compris. Il n’avait aucune idée de l’ampleur de ce qui venait de se produire, du chaos qu’il avait involontairement provoqué. Viel s’empara de son téléphone, secouant l’écran devant lui.“Regarde ! Regarde ce que tu as fait ! Regarde les photos et les vidéos ! Tu te fous de moi ? Tout le monde me regarde maintenant comme une blague. C’est quoi ton jeu, Maxime ? C’est amusant, n’est-ce pas, de voir quelqu’un comme moi dans cette situation ?”Les images étaient là, sur l’écran de son téléphone, des clichés intimes qui n’auraient jamais dû être partagés. Viel avait l’impression que chaque seconde passée avec Maxime, chaque détail de cette nuit avait été réduit à une simple distraction pour lui. Les rires et les moqueries résonnaient dans sa tête. C’était ce qu’il devenait aux yeux des autres.Maxime resta là, sans savoir comment réagir. Il avait l’air désorienté, un peu perdu. Il fixa les photos et
Des images de leur nuit ensemble, dans différentes positions, intimes, capturées dans des moments qu’il aurait préféré oublier. Ces photos n’étaient pas des clichés innocents, elles étaient sales, exposées à la vue de tous. Son cœur rata un battement. Il cligna des yeux, croyant que la réalité lui échappait. Mais non, les images étaient bien là. Elles étaient partout.Les murs étaient tapissés de ces photos choquantes. Ses mains tremblèrent alors qu’il avança lentement, chaque pas un poids supplémentaire sur ses épaules. Il sentit les regards se poser sur lui, les murmures qui se faufilaient derrière lui comme des couteaux invisibles. Il pouvait entendre les voix derrière lui, chuchoter des mots qu’il préférait ne pas entendre : “Regardez-le… C’est ce qu’il fait… Avec cet homme … C’est dégoûtant.”Viel se sentait soudainement pris au piège, comme un animal exposé dans un zoo. Il n’arrivait plus à respirer, les murs semblaient se rapprocher de lui, et l’air devenait lourd. Il se sentit
Il se leva finalement, jetant un coup d’œil à l’heure sur l’horloge murale. Le temps semblait se dilater, comme si chaque minute passait plus lentement que la précédente. Il se sentit soudainement déconnecté de son propre corps, comme si un voile se mettait entre lui et la réalité.Avec un soupir, il se dirigea vers la porte, sans vraiment savoir pourquoi il allait. Il savait que Maxime attendait, mais que pouvait-il lui dire ? Qu’il était perdu ? Que tout ce qui se passait lui échappait et qu’il ne savait plus qui il était ? Les mots lui manquaient.En arrivant devant le café laissé par Maxime sur la table, il hésita un instant. Était-ce là un geste sincère, ou simplement un autre moyen pour Maxime de le manipuler ? Viel se sentait fatigué, fatigué de devoir constamment jongler avec ses émotions, ses mensonges et ses désirs contradictoires.Il s’assit lentement, fixant la tasse de café sans la toucher. La chaleur émanant du liquide contrastait avec le froid qui s’était installé dans
Viel rentra chez lui plus tard dans la journée, la tête lourde et l’esprit embrouillé par tout ce qui venait de se passer. Chaque pas qu’il faisait le menait un peu plus loin dans ses pensées, mais aussi dans le tourbillon de confusion qui l’envahissait depuis la nuit dernière.Il n’avait pas revu Maxime depuis qu’il était parti précipitamment de chez lui, ne sachant même pas si celui-ci avait remarqué son départ ni ce qu’il en pensait. Après tout, Maxime avait été aussi distant que lui. L’idée de lui faire face de nouveau semblait plus que difficile. La culpabilité l’envahissait à chaque instant.Il entra dans son appartement, referma la porte derrière lui avec un bruit sourd et s’éteignit dans la pénombre du hall. Les lourds rideaux étaient fermés et la lumière était faible, une ambiance morose qui semblait épouser parfaitement son humeur. Le silence dans la pièce était presque assourdissant, comme si tout, autour de lui, attendait qu’il prenne une décision.Il s’approcha de la tabl
Lorsque Viel ouvrit les yeux, la lumière douce du matin filtrait à travers les rideaux épais de la chambre. Il mit quelques secondes à reconnaître l’endroit. Ce n’était pas chez lui. Le lit était plus grand, les draps plus soyeux… et l’odeur dans la pièce, un mélange de parfum boisé et de linge propre, lui rappela immédiatement où il était.Et avec qui.Il baissa les yeux vers son propre corps, nu sous les draps froissés, puis vers la place encore chaude à côté de lui. Le souvenir de la veille s’imposa à lui comme une marée violente : les regards échangés, les mots doux, les gestes hésitants devenus assurés. Le corps de Maxime contre le sien. Leur respiration mêlée. Le plaisir. La chaleur.Et soudain, la culpabilité.Il se redressa lentement, rabattant le drap sur lui comme pour se protéger de ses propres pensées. Tout son corps lui semblait lourd, imprégné de cette nuit qu’il ne pouvait pas effacer, mais qu’il n’arrivait pas non plus à regretter.— Merde…, murmura-t-il en passant une
Il ne savait pas ce que l’avenir leur réservait. Il ne savait même pas si ce qu’il ressentait pour Maxime avait un nom. Mais il savait que ce soir, ici, sous les étoiles, il n’était plus seul. Et c’était déjà énorme.Maxime se leva lentement de sa position accroupie devant Viel, le regard empli d’une douceur rare, presque intime. Il tendit une main, l’invitant silencieusement à le suivre. Viel, encore perdu dans ses pensées et ses sentiments contradictoires, regarda cette main tendue un instant avant de la prendre doucement.Il n’avait pas besoin de mots. Le simple geste suffisait à signifier qu’il acceptait de se laisser guider, de se laisser aller. Après tout, Maxime n’était pas comme les autres. Il ne cherchait pas à contrôler, ni à manipuler. Il offrait simplement de l’espace, de la compréhension et, peut-être, un peu d’évasion.Maxime le conduisit vers l’intérieur, sans précipitation. Leurs pas résonnaient doucement dans la maison, et Viel sentit une étrange sensation de calme en