Chapitre 3

Il y a deux ans, Lucas a commencé à rentrer plus tard que d'habitude.

Il disait qu'il développait l'entreprise familiale à l'étranger, qu'il était « simplement débordé ».

Mais maintenant, je connais la vérité.

Il était occupé à bâtir l'empire de Béatrice Richard.

La douleur m'a frappée si fort que j'ai dû serrer ma poitrine pour respirer.

« Qu'est-ce qui ne va pas, ma chérie ? » Lucas s'est levé instantanément, sa chaise raclant le sol en marbre. « Tu es pâle. J'appelle un médecin. »

Avant que je puisse parler, la voix de Béatrice a tranché l'air comme du verre brisé.

« Tu joues toujours la femme parfaite ? Ne te comporte plus comme ça, il se lasse vite des jouets fragiles. »

Le bruit de la gifle était assez sec pour faire taire toute la pièce.

La main de Lucas s'est abattue sur la joue de Béatrice si fort que j'ai moi-même tressailli.

« Dis un mot de plus, » a-t-il dit d'une voix calme et glaciale, « et je te ferai taire à jamais. »

Béatrice a pressé une main contre son visage, le regard furieux, mais elle savait qu'il ne fallait pas provoquer Lucas.

Elle est partie sans un mot de plus.

Les rires sont lentement revenus à la table, mais je me sentais froide.

Je pouvais sentir Lucas me regarder, sa main sur la mienne, sa voix douce et inquiète.

« Chérie, qu'est-ce qui ne va pas ? Laisse-moi t'emmener à l'hôpital. »

J'ai retiré ma main. « Ça va. J'ai juste besoin d'aller aux toilettes. »

Mais quand je suis entrée dans le couloir, elle m'attendait.

Béatrice.

« Tu crois vraiment que cette gifle signifie quelque chose ? » a-t-elle dit. « Tu es sa femme, c'est sûr. Mais c'est moi qui lui ai donné des jumeaux. Si je lui dis qu'ils sont malades, il accourra. Tu veux parier ? »

Je n'ai pas répondu. Ce n'était pas la peine.

Parce que quand je suis revenue à la table, le visage de Lucas était déjà pâle de panique.

Il s'est précipité vers moi et a embrassé mon front. « Ma chérie, un imprévu au travail. Je reviens tout de suite, d'accord ? Le manager s'occupe de tout. Amuse-toi bien. »

J'ai agrippé sa manche. « Tu as promis de rester avec moi aujourd'hui, n'est-ce pas ? S'il te plaît, Lucas, reste. »

Quelque chose a brillé dans ses yeux : culpabilité, hésitation, peut-être peur.

Il m'a regardée comme s'il savait que partir lui coûterait quelque chose qu'il ne pouvait nommer.

Mais il a dit doucement : « Je rentrerai ce soir. Je te le promets. »

Et puis, il est parti.

Une demi-heure plus tard, mon téléphone a vibré.

Un message de Béatrice.

Une vidéo.

J'ai ouvert la vidéo, les mains tremblantes.

Lucas était là, nourrissant leurs enfants.

La voix de Béatrice s'est fait entendre dans la vidéo :

« Tu lui as acheté une île, Lucas. Je suis jalouse. Je la veux pour l'anniversaire de nos jumeaux. »

Il a froncé les sourcils. « Non. Cette île était pour Rose et son enfant. »

« Tu lui as offert une île comme une histoire d'amour, » a dit Béatrice doucement. « Donne-moi celle-ci pour que nos fils sachent qu'ils ne sont pas nés dans la honte. »

Et puis, Lucas a hoché la tête.

Béatrice a regardé droit dans la caméra avec un sourire cruel.

« Tu vois ? Même ce qui t'appartient est à moi dès que je le demande. Tu perds. »

Je suis restée assise, figée, le téléphone lourd dans ma main.

Chaque souvenir de la gentillesse de Lucas me transperçait comme du verre.

La façon dont il avait bandé ma main blessée, la façon dont il m'avait portée jusqu'à la maison sous la pluie...

Tout ce qu'il avait fait pour moi, il pouvait le faire pour Béatrice.

J'en avais assez.

Demain, je partirais. Pour de bon.

Cette nuit-là, Lucas est rentré et m'a trouvée déjà au lit.

Nous n'avions jamais dormi séparés auparavant. J'allais toujours l'attendre, même à l'aube, lui aussi.

Mais cette fois, je ne supportais pas de voir son visage.

Il s'est allongé près de moi et m'a serrée contre lui, respirant contre ma nuque.

« Tu m'as tellement manqué, » a-t-il murmuré. « Ça ne fait que quelques heures, mais c'était comme des années. Si tu me quittais un jour, je ne pense pas que je pourrais vivre. »

« Vraiment ? » ai-je murmuré, les yeux fermés.

Il a embrassé mon épaule. « Au fait, à propos de cette île, j'ai appris qu'elle ne pouvait pas nous apporter la bonne chance. J'en ai acheté deux autres. Nous en choisirons une ensemble, d'accord ? »

J'ai souri faiblement dans l'obscurité. « Fais ce que tu veux. »

Il a hésité, sentant une pointe de froideur dans ma voix.

« J'ai fait quelque chose de mal ? » a-t-il demandé doucement.

« Non. Je suis juste fatiguée. » J'ai pris une inspiration tremblante. « Notre anniversaire approche. Demain après-midi, je prends un jet privé. J'ai commandé ton cadeau à l'étranger, je veux aller le chercher moi-même. »

« Tu es enceinte, ma chérie. C'est un vol de quinze heures. Laisse-moi y aller à ta place. »

Je me suis tournée vers lui et ai souri, comme avant. « Non. Je veux le faire moi-même. »

Cela l'a touché, comme toujours. « D'accord. Comme tu veux. »

Le lendemain matin, il m'a préparé le petit-déjeuner avant de partir travailler.

Avant qu'il ne sorte, je lui ai tendu une enveloppe scellée.

« C'est pour toi, » ai-je dit doucement. « Mais il faut l'ouvrir dans deux jours. »

À l'intérieur, il y avait deux choses : mon rapport de grossesse et la vidéo de Béatrice.

Au moment où il apprendrait la nouvelle que mon jet s'était abîmé dans l'Atlantique, il l'ouvrirait.

Il saurait ce que sa trahison lui avait coûté.

Il saurait qu'il avait tué la femme sans laquelle il prétendait ne pas pouvoir vivre.

Et je voulais qu'il vive chaque jour en se souvenant de cela.

Quand il est parti, j'ai fait mes valises et suis partie pour l'aéroport.

À mi-chemin, mon téléphone a vibré de nouveau.

Un message de Béatrice.

« Hôtel DeLuxe. Il est là. Ne rate pas le spectacle. »

Je n'aurais pas dû y aller. Je savais ce que j'allais trouver.

Mais j'y suis allée quand même.

C'était l'anniversaire de leurs jumeaux.

Les aînés de la famille Moreau, les membres les plus importants de la famille, étaient tous rassemblés autour de Béatrice.

Les serveurs l'appelaient « Madame Moreau ».

Lucas ne les a pas corrigés.

Il lui a juste souri. Ce sourire doux et familier m'appartenait autrefois.

Même ses parents ont souri. « Sans Béatrice, » a dit sa mère fièrement, « la famille Moreau n'aurait pas d'héritier pour porter notre nom. »

« Lucas, promets-moi que tu prendras bien soin d'elle. »

Lucas a souri. « Quand est-ce que je l'ai mal traitée ? Tout ce que Rose possède, Béatrice le possède aussi : bijoux, vêtements, tout. »

Quelque chose en moi a craqué.

Chaque mot doux qu'il avait dit, chaque baiser, chaque promesse...

Tout a explosé en moi, ne laissant que des cendres.

Tout le monde le savait.

Tout le monde sauf moi.

Il n'y avait plus rien à défendre.

Plus rien à pardonner.

Alors que je me tournais pour partir, j'ai jeté un dernier regard en arrière.

Il riait, son bras autour des épaules de Béatrice.

J'ai mumuré : « Au revoir, Lucas Moreau. Plus jamais. »

Quelques heures plus tard, alors qu'il jouait avec les jumeaux, son téléphone a sonné.

« Monsieur Moreau, » la voix de son assistant a balbutié, « le jet de votre femme... s'est abîmé. Juste après la frontière atlantique. Il n'y a aucun survivant. »

Lucas s'est figé. Il est devenu livide.

« Qu'est-ce... que tu viens de dire ? »