Trahie par l’amour

« Éric… »

Derrière moi, j'ai entendu l'exclamation étouffée de Margaux. Elle serrait son ventre, le visage crispé de douleur.

Le corps d'Éric s'est figé. Sans réfléchir, il m'a repoussée pour se tourner vers elle, puis l'a soulevée dans ses bras.

Je n'ai pas eu le temps de me rattraper : j'ai vacillé, l'épaule cognant violemment contre le mur. La douleur m'a arraché des larmes.

Tout en soutenant Margaux, Éric m'a lancé d'une voix précipitée :

« Claire, l'état de Margaux est plus urgent. Je l'emmène voir le médecin. Rentre à la maison, je t'expliquerai plus tard ! »

Sans un regard pour moi, il a pris Margaux dans ses bras et s'est précipité vers l'infirmerie, en criant à tue-tête : « Docteur ! »

Je suis restée là, appuyée contre le mur, les larmes brouillant ma vue.

La dette de vie, le statut officiel d'épouse du chef, et maintenant cet enfant qui les liait… Éric, tu ne pourras plus jamais te détacher de Margaux.

Alors, comment pourrions-nous encore avoir l'avenir ?

Je me suis forcée à avancer, pas après pas, jusqu'à sortir de l'hôpital, puis je suis montée dans la voiture.

Le chauffeur m'a demandé, d'une voix hésitante :

« Madame, on rentre à la villa des Valmont ? »

Je me suis laissée tomber contre le dossier, vidée de toute énergie :

« Non. Conduisez-moi d'abord au bureau des passeports. »

Deux heures plus tard, j'avais mon passeport et une demande de visa pour le pays A. L'employée m'a expliqué :

« Pour le visa, il y a un délai d'attente. Vous pourrez le récupérer dans sept jours. »

« Sept jours… »

Je l'ai répété, presque pour moi-même :

« Dans sept jours, je n'aurai plus aucun lien avec Éric. »

En rentrant à la villa des Valmont, j'ai commencé à faire mes valises.

Il y avait partout des traces de moi, des objets accumulés au fil des années, des souvenirs qui me liaient à lui.

Pour son travail, Éric a voyagé dans de nombreux endroits. Et partout où il est allé, il m'a offert des sacs hors de prix, des bijoux et d'autres articles de luxe.

Trois pièces entières de la maison ne servaient qu'à abriter ses cadeaux, comme un musée de son amour.

Chaque recoin de cette maison respirait « nous ».

Chaque mois, nous prenions des photos, ces petits clichés enfantins qui tapissaient tout un mur.

Chaque anniversaire, chaque date importante, il m'offrait une bague sertie de diamants ; ma boîte à bijoux, à trois étages, en est remplie jusqu'au dernier compartiment.

Et puis il y avait ces figurines en édition limitée, ces pièces de collection introuvables qu'il traquait pour me les offrir.

Chaque détail, chaque objet dans cette maison, témoignait de l'attention qu'il me portait, de ce que je prenais pour de l'amour.

Avant l'arrivée de Margaux, je croyais que nous vieillirions ensemble.

J'ai essuyé mes larmes. Un à un, j'ai arraché nos clichés du mur et les ai jetés dans la poubelle.

Les cadeaux qu'il m'avait offerts, je les ai tous rangés dans des cartons et les ai mis de côté.

Je me suis juré de tout lui rendre avant mon départ.

Alors que je rangeais encore mes affaires, le bruit a soudain envahi le rez-de-chaussée.

Je suis sortie dans le couloir et me suis penchée par-dessus la rambarde. En bas, dans le hall, je n'ai vu que des domestiques qui déposaient des caisses remplies de bijoux et de parures lourdes dans le salon.

Margaux, debout au milieu du hall, a secoué doucement la tête en direction d'Éric, le regard plein de tendresse.

« C'est trop, Éric… J'ai juste dit que ça me plaisait, tu n'étais pas obligé d'acheter toute la salle des ventes. »

Éric, les yeux rivés sur elle, a répondu d'une voix tendre :

« Tout ce qui compte, c'est que ça te rende heureuse. Si tu es sereine, l'accouchement se passera bien. »

Puis ses yeux ont croisé les miens, là-haut, figée contre la rambarde. Son visage s'est durci.

« Pardonne-moi, Claire. Margaux n'allait pas bien après sa visite médicale, alors je l'ai emmenée à une vente aux enchères. Dis-moi ce qui te ferait plaisir ; je t'y emmènerai aussi, la prochaine fois. »

J'ai marqué une pause avant de répondre doucement :

« Tes cadeaux me suffisent. Achète pour Margaux, elle en a plus besoin que moi. »

Il a ouvert la bouche, prêt à répliquer, mais Margaux a glissé sa main dans la sienne et, d'une voix faussement fragile, a murmuré :

« Je me sens si fatiguée… Je crois que le bébé veut que je me repose. Tu peux m'accompagner à la chambre ? »

Immédiatement, Éric s'est penché vers elle, alarmé :

« Doucement, surtout, ne trébuche pas ! Pourquoi tu ne m'as pas dit plus tôt que tu étais épuisée ? Si tu t'écroulais… »

Sans un mot de plus pour moi, il l'a soutenue jusqu'à la chambre principale.

J'ai senti mon cœur se tordre, une douleur sourde et lancinante.

La suite principale, c'était censé être notre chambre nuptiale, celle qu'Éric avait décorée avec tant de soin.

Je me souvenais encore de ses mots, prononcés avec ce sourire sérieux qui me faisait fondre :

« Personne ne doit y entrer avant le grand jour. Je veux que ça reste une surprise. Le jour de notre mariage, c'est moi qui t'y conduirai, main dans la main. »

Mais aujourd'hui… cette chambre qu'il avait imaginée pour nous deux, il l'avait déjà donnée à une autre.