Chapitre 2

Je n'ai pas dormi cette nuit-là.

Chaque fois que je fermais les yeux, je me réveillais en pleurant. À l'aube, je suis restée assise, les genoux repliés contre ma poitrine, fixant l'obscurité jusqu'à ce que le ciel devienne gris.

Quand Lucas est rentré le lendemain matin, j'ai fait semblant de dormir.

Il a enlevé son manteau, a attendu que le froid quitte son corps, puis m'a serrée dans ses bras. Je pouvais sentir son cœur battre, régulier et fort, contre mon dos.

« Chérie, regarde, » a-t-il dit doucement en ouvrant sa tablette.

Une photo d'une île s'affichait sur l'écran : sable blanc, eau bleue, c'était le genre de paradis dont on parlait dans les livres.

« Je viens de l'acheter, » a-t-il dit d'une voix presque enfantine. « C'est pour notre enfant. Et ce n'est pas tout, j'ai commencé à construire des parcs d'attractions dans tout le pays.

Chacun portera le nom de notre enfant. Quand nous en aurons enfin un, je ferai une fête de cent jours. Toute la ville va célébrer ça. »

Il avait l'air si fier de lui, et il semblait avoir fait plein de projets pour un avenir, mais je savais bien que cet avenir ne se réaliserait jamais.

Il parlait sans s'arrêter, et il lui a fallu une bonne minute pour réaliser que je n'ai pas dit un seul mot.

Puis il m'a entendue sangloter.

Il s'est tourné vers moi et s'est figé. Mon visage était trempé de larmes.

« Mon dieu, qu'est-ce qui ne va pas ? »

Il a paniqué instantanément. Lucas Moretti, l'homme qui avait autrefois affronté les hommes armés d'une famille rivale sans ciller, tremblait parce que je pleurais.

Si j'avais une once de douleur, il la porterait cent fois plus. C'était lui, du moins c'est ce que je croyais.

J'ai forcé un petit sourire et me suis essuyé les yeux.

« Ce n'est rien, » ai-je dit. « Je viens de regarder un film. Le mari a trompé sa femme. »

Il s'est détendu, un sourire tirant ses lèvres. « Alors tu n'as rien à craindre. Le reste du monde peut tromper, mais pas moi. Jamais moi. »

Il a pris mon visage dans ses mains. « Je resterai avec toi toute la journée. Dis-moi ce que tu veux manger. Je cuisinerai. »

J'ai secoué la tête. « Ça va. Je déjeune avec des amies. Tu devrais aller travailler. »

Il a hésité, mais Lucas n'a jamais aimé me contredire.

Alors il m'a suivie.

Quand nous sommes entrés dans la salle à manger privée, les rires ont rempli l'air.

« Je le savais ! » s'est moquée une de mes amies. « Si Rose vient, Lucas vient aussi. Il ne la quitte jamais des yeux. »

Lucas a ri, détendu et charmant, comme s'il n'était pas l'homme le plus redoutable de la ville.

Il a distribué les cadeaux qu'il avait apportés, un par un, à chaque femme à la table.

Des exclamations ont suivi.

« Oh mon Dieu, c'est la nouvelle collection de bijoux L.T. Ce coffret coûte sept chiffres ! »

« Lucas, tu nous gâtes à chaque fois ! On a cette chance grâce à Rose ! »

Elles avaient raison. Lucas ferait n'importe quoi pour plaire à mes amis, car quand elles souriaient, je souriais aussi. Et il disait toujours que mon bonheur était vital pour lui.

Tout le monde à table me regardait avec une envie évidente.

« Rose, tu as tellement de chance, » a dit l'une d'elles d'un air envieux. « Il t'aime tellement. »

J'ai souri poliment, un sourire qui n'atteignait pas mes yeux.

Elles ne pouvaient pas voir que ma chance me quittait, progressivement et silencieusement.

Les rires résonnaient encore quand la porte s'est ouverte.

Et elle était là.

Béatrice Richard.

Avec ses perles et sa confiance, elle est entrée dans la pièce comme si elle était chez elle.

« Oh, je me suis trompée de pièce ? » a-t-elle demandé avec un rire doux. « Attendez, ce ne sont pas mes anciennes amies de fac ? »

Personne n'a dit un mot. La tension dans la pièce est devenue palpable.

Mais Béatrice ne semblait ni s'en apercevoir ni s'en soucier.

Elle s'est installée sur la chaise juste en face de moi et a jeté un coup d'œil nonchalant aux boîtes cadeaux dans les mains de chacune.

« L.T, » a-t-elle dit avec un léger sourire. « Une marque célèbre. Mais je suppose que la plupart d'entre vous ne le savez pas : c'est ma marque. »

Elle m'a regardée droit dans les yeux en ajoutant : « Mon mari a investi des milliards pour la lancer il y a deux ans. Il a travaillé si dur et a ouvert vingt-six boutiques dans le monde. C'est le meilleur mari qu'une femme puisse souhaiter. »

Son regard s'est tourné vers Lucas, juste un instant, puis est revenu vers moi.

Puis, elle a fait un sourire qui était tranchant comme une lame.

Je ne pouvais plus respirer.