เข้าสู่ระบบLilith
L'endroit sent la sueur séchée, la rouille et la pluie ancienne. Je marche sans bruit dans l'entrepôt désaffecté, mes pas absorbés par l'immensité vide. Chaque sens est en alerte. Il est là. Adossé à un pilier, comme une extension des ténèbres. Azazel. Il n'a pas l'air d'avoir été affecté par mon retard. Son attente est une certitude, pas une attente.
— La ponctualité est une vertu de ceux qui doutent de leur valeur, dis-je, ma voix résonnant faiblement sous la haute verrière.
Il tourne la tête, et ses yeux captent la faible lumière, luisant comme du métal poli.
— Et le retard est un jeu pour ceux qui craignent de montrer leur empressement. Tu as eu besoin de ce temps. Je le sais.
Il a raison, et cette vérité me pique comme une épine. Je m'arrête à distance, assez près pour sentir le champ de force qui émane de lui, cette chaleur non humaine qui glace mon sang.
— Tu as parlé d'un marché. De monnaies qui ne sont pas la violence simple. J'écoute.
Il se redresse et vient à ma rencontre, sans hâte. La distance entre nous devient une frontière palpable, chargée d'électricité.
— Le pouvoir que tu exerces ici est terrestre, Lilith. Il est fait de peur, de balles et de loyautés achetées. Il est limité, comme ceux qui le détiennent. Je t'offre de transcender cette condition. De gouverner non seulement cette ville, mais l'ombre qu'elle projette sur le monde.
Un frisson me parcourt l'échine, un mélange d'avidité et d'alerte suprême.
— Transcender ? C'est un mot pour poètes et fous.
— C'est un mot pour ceux qui osent. Chaque vie que tu prends, Lilith, chaque âme que tu envoies de l'autre côté laisse une énergie derrière elle. Une résonance. Actuellement, elle se dissipe, perdue dans le bruit du monde. Je te propose de la canaliser.
Il fait une pause, laissant les mots s'imprégner dans l'air froid.
— À chaque fois que tu tueras, l'âme de ta victime ne trouvera pas le repos. Elle deviendra mienne. Et en contrepartie de ce tribut, je te donnerai une parcelle de puissance. Pas seulement de la force brute ou de l'influence. De la véritable essence du pouvoir. La capacité de modeler le réel selon ta volonté. De plier les esprits, de corrompre les âmes pures, de voir dans les cœurs les plus noirs. Tu deviendras une reine, non pas d'un territoire, mais d'une loi fondamentale : celle de la domination.
Le sol semble se dérober sous mes pieds. Ce n'est pas une proposition. C'est une damnation. Et la partie de moi qui a été brisée, qui a soif de tout brûler pour se réchauffer, se tend vers cette offre comme une fleur vénéneuse vers le soleil.
— Mon âme ?
Un sourire lent étire ses lèvres.
— Non. Pas la tienne. Pas encore. Ce sont les leurs que tu m'offriras. Ton nom, ton secret, tu me les as laissés en gage. Mais le paiement principal, ce sont elles. Les âmes de ceux que tu abats. Tu deviendras ma chasseresse, et chaque mort sera une offrande qui t'élèvera.
Je veux le tuer ; je veux qu'il m'embrasse ; je veux le voir tomber à genoux. La litanie infernale tourne dans ma tête. L'image est claire, terrifiante et séduisante. Chaque balle, chaque coup de couteau ne sera plus un acte de survie ou de colère, mais un rituel. Un sacrement pervers qui me rendra plus forte.
— Et si je cesse ? Si je décide que le prix est trop lourd ?
Il rit, un son bas et vibrant qui semble faire trembler les murs.
— On ne se retire pas d'un pacte avec le néant, Lilith. Une fois que tu auras goûté à cette puissance, tu ne voudras plus t'en passer. L'arrêt serait comme cesser de respirer. Et tu es trop vivante pour cela. Tu as trop faim.
Il a mis le doigt sur la plaie béante. Ma faim. Celle qui ne peut être rassasiée.
— Montre-moi.
Je n'ai pas conscience d'avoir pris la décision, mais les mots sont là, suspendus entre nous.
— Montre-moi ce que cette puissance a à offrir.
Azazel lève une main. Il m'effleure l'espace entre nous. Soudain, le monde change. Les ombres s'animent, se tordant en formes de cauchemar et de promesse. Je sens la texture du pouvoir comme une extension de ma propre volonté. Je peux sentir la peur des rats dans les murs, la lassitude du béton. Je sais que je peux, d'un simple effort de pensée, les tordre, les modeler. Je peux ordonner à l'ombre de se solidifier. Je sens la fragilité de la vie comme un fil que je tiens entre mes doigts.
C'est enivrant. Plus fort que n'importe quelle drogue. Plus satisfaisant que n'importe quelle vengeance. C'est être un dieu.
Puis la sensation s'estompe, aussi brusquement qu'elle est venue. Elle me laisse vide et tremblante, avec un besoin criant au creux de l'estomac. Le vertige est plus intense que tout.
Je lève les yeux vers lui, haletante. Mes doigts serrent le manche de mon couteau pour m'ancrer à une réalité qui semble soudain bien trop fade.
— Alors ? murmure-t-il, son visage n'est plus qu'à quelques centimètres du mien. Veux-tu signer notre accord d'encre et de sang ? Veux-tu que chaque mort devienne une prière à ton ascension ?
Je regarde sa main tendue. Il n'y a pas de parchemin, pas de plume. Seulement l'intention, pure et tranchante. Je sais ce que cela signifie. Chaque vie que je prendrai désormais sera un vol. Un meurtre et un sacrilège.
Je pose ma main dans la sienne.
Un choc nous traverse tous les deux, comme une décharge électrique doublée d'une brûlure de glace. Un symbole fugace, complexe et ancien, brille d'une lueur ardente à la surface de ma peau, au creux de mon poignet, avant de s'estomper, ne laissant qu'une sensation de froid permanent.
Le pacte est scellé.
Azazel exhale, et son souffle sur mon visage sent l'encens et l'ozone.
— La première est toujours la plus significative. Qui sera la première offrande, Lilith ? Qui aura l'honneur d'allumer la braise de ton nouveau règne ?
Je retire ma main, le poignet encore vibrant. La braise dans ma poitrine n'est plus une simple étincelle. C'est un feu qui demande à être nourri. Je tourne les talons et marche vers la sortie, sentant son regard sur mon dos comme une caresse brûlante.
— Ne t'inquiète pas, dis-je sans me retourner, ma voix retrouvant une froideur d'acier, teintée d'une excitation nouvelle. Je connais déjà son nom.
Je franchis les portes de l'entrepôt et rentre dans la nuit de la ville, mais la ville n'est plus la même. Chaque réverbère, chaque fenêtre sombre, chaque passant anonyme est devenu une potentialité. Une ressource. Le monde est une vaste réserve de chasse, et j'en suis la reine, liée à un dieu sombre par un contrat écrit dans les âmes que je vais voler.
Et quelque part, au creux de ma poitrine, la braise affamée se met à ronronner, impatiente.
LilithLa veille du couronnement, la ville est un corps nerveux. Des barrages militaires, des drones en essaims silencieux, une atmosphère de couvercle posé sur une casserole en ébullition. Ils croient contrôler la sécurité. Ils ne font que décorer la cage.Dans la chambre forte, on m’apporte la tenue. Ce n’est pas une robe. C’est une armure. Du cuir noir mat, travaillé de fils d’or qui forment des runes que je suis la seule à comprendre. Des plaques discrètes, pare-balles, se moulent à mes hanches, ma poitrine. La cape, lourde, d’un rouge sang, est doublée d’un tissu pare-lames. Azazel a veillé lui-même sur sa confection. Chaque couture est une incantation de protection. Chaque fibre, imprégnée de notre volonté commune.Je me tiens nue devant le miroir, et on m’habille. Des femmes aux yeux baissés, des mains qui tremblent en ajustant les sangles. Elles sentent le froid qui émane de moi, la présence autre. Une d’elles, en attachant une bretelle, effleure la marque laissée par Azazel s
LilithEt le pouvoir, le vrai pouvoir terrestre, commence à couler vers moi.Le Parti, orphelin, paniqué, se tourne vers la seule figure stable : moi. La veuve du héros. Celle qui partageait ses nuits et ses secrets. Ils me voient comme un symbole, un pont vers sa mémoire. Ils ne voient pas la prédatrice.Azazel, désormais, n’est plus un spectre. Il est mon ombre portée, mon conseiller occulte. La nuit, dans les appartements privés que j’occupe désormais au palais, il se matérialise.— Ils ont peur, murmure-t-il, passant derrière moi tandis que je regarde la ville scintiller. Sa main effleure ma nuque, un contact de glace et de braise qui me fait frissonner. La peur est le ciment des trônes. Utilise-la.Sa présence n’est plus seulement mentale. Elle est charnelle. Une nuit, alors que les derniers conseillers nous ont quittés, il me fait face. L’air est lourd, chargé d’ozone et de menace.— Tu as goûté à son âme. Mais tu n’as pas encore goûté à la mienne, dit-il.Il avance, et cette fo
LilithJe souris, un sourire triste et doux.— Je veux te montrer à quel point tu peux me faire confiance. À quel point nous ne faisons qu'un.Je me lève et je viens derrière lui. Je pose mes mains sur ses tempes.— Ferme les yeux. Vois à travers les miens.Il obéit, confiant, amoureux.Et alors, je lui ouvre mon esprit.Pas entièrement. Juste un flot contrôlé. Je lui montre des images. La simulation de l'attentat, mes hommes payés pour être neutralisés. Je lui montre mes manipulations dans son cabinet, les âmes faibles que j'ai tordues. Je lui montre Azazel, non pas dans sa forme démoniaque, mais comme une présence, un partenaire dans l'ombre. Je lui montre chaque mensonge, chaque manipulation, chaque goutte de pouvoir que j'ai soutirée, le tissant dans un récit pervers d'un amour si absolu qu'il justifie toute trahison.Je lui montre tout cela, non pas avec cruauté, mais avec une tendre mélancolie, comme si je lui confiais le secret le plus précieux et le plus tragique de mon âme.J
LilithLa lune de miel est une opération militaire. Nous sommes dans une villa isolée sur une falaise surplombant une mer démontée, un décor parfait pour un drame. Valerius la voit comme un refuge idyllique. Moi, je la vois comme un laboratoire, une arène close.Le premier soir, alors qu'il me serre contre lui devant la cheminée, ivre de bonheur et de vieux brandy, je commence.Je pose ma main sur sa tempe, un geste qu'il prend pour une caresse. Je ferme les yeux et j'ouvre le conduit. Le fil noir qui nous relie depuis l'église pulse soudain, passif devient actif. Ce n'est plus une simple sensation, c'est une vanne que je tourne.— Tu es mon roc, Lilith, murmure-t-il, son souffle chaud contre mon cou.— Je le sais, chuchoté-je.Et je bois.Ce n'est pas une gorgée discrète comme avec les autres. C'est un torrent. Sa confiance en moi, aveugle et totale, est un nectar sucré et épais. Je l'aspire, et la sensation est si enivrante que ma tête tourne. Un soupir lui échappe, qu'il prend pour
LilithLe monde se met à genoux. Littéralement. La nouvelle de mes fiançailles avec le Président Valerius est une onde de choc qui balaie les marchés, les médias et les cercles du pouvoir. Je suis partout : la mystérieuse bienfaitrice, la beauté fatale qui a sauvé la vie du président et a capturé son cœur. On dissèque mon passé, un chef-d'œuvre de fiction que j'ai patiemment tissé au fil des années. On s'extasie sur mon élégance, on chuchote sur ma fortune, on spécule sur mon influence. Ils ne voient que l'écrin. Ils sont aveugles à la lame.Valerius, lui, se métamorphose. La solitude qui le ronge s'est dissipée, remplacée par une confiance nouvelle, presque arrogante. Il voit en moi son pilier, son talisman. Il me consulte pour tout, des dossiers économiques aux remaniements ministériels. Mes "conseils", toujours teintés de la sagesse perverse d'Azazel, sont des ordres déguisés. Je deviens l'éminence grise couronnée, l'épouse officieuse de la nation.Mais chaque nuit, je paye le prix
LilithLe pouvoir nouvellement acquis est un vin épais dans mes veines. Chaque âme que je prends pour Azazel laisse en moi un résidu de puissance, une énergie noire qui aiguise mes sens et affûte ma volonté. Mais comme il l'avait prédit, un seul goût rend accro. La petite reine de sang d'une ville ? C'était hier. Aujourd'hui, je veux un trône à l'épreuve des balles et des lois.Mes nouveaux sens, affinés par la magie noire du pacte, me guident vers les faiblesses du monde. Je traque non plus avec un couteau, mais avec une intuition démoniaque. Et je la sens, de loin, la faille la plus prometteuse : le Président Valerius.Je l'étudie. Veuf. Charismatique. Assoiffé de stabilité après un premier mandat tumultueux. Il est entouré d'une cour de sycophantes, mais son âme crie sa solitude et sa peur de l'effondrement. Une peur que je peux apaiser. Une faille que je peux combler.Je ne le rencontre pas dans un salon mondain. Trop prévisible. Je crée une situation. Une attaque terroriste simul







