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Grâce
Je n’ai jamais aimé faire de vagues.
C’est presque une règle. Me fondre dans le cadre. Rester discrète, élégante, effacée juste ce qu’il faut. Ne pas déranger. Ne pas dériver.
Je vis comme on retient son souffle : en silence.
Je suis mariée à Silvio depuis cinq ans. Cinq années calmes. Lisses. Un mariage bien rangé.
Il est un homme bien, oui. Sérieux. Prévisible. Gentil, parfois. Absent, souvent. Il m’aime dans les gestes utiles : une porte tenue, un SMS rapide, un "tu as besoin de quelque chose ?" lancé sans même détourner les yeux de l’écran.
Mais il ne me regarde plus.
Il ne me voit plus vraiment.
Peut-être qu’il ne m’a jamais regardée autrement que comme un choix sûr. Une femme posée, sans risques. Une épouse paisible, correcte, irréprochable.
La vie à ses côtés est une ligne droite, sans détour, sans vertige.
Notre quotidien ressemble à notre lit : toujours fait, toujours lisse, sans pli, sans excès.
Et moi, je m’y suis glissée. Par facilité. Par peur, peut-être.
Je croyais que c’était suffisant.
Mais un cœur qu’on maintient trop longtemps sous l’eau finit toujours par battre plus fort.
Par se débattre.
Puis il y a Noura.
Ma meilleure amie. Ma belle-sœur. La sœur de Silvio.
Elle, c’est l’éclat. Le désordre joyeux. Le feu d’artifice.
Elle rit avec le ventre, elle pleure sans honte, elle aime fort, comme si l’amour ne pouvait jamais blesser.
Elle me secoue, me bouscule, me rappelle à moi-même.
Je l’aime. D’un amour loyal, solide.
Je la protège. Même d’elle-même.
Même… de ce qu’elle refuse de voir.
Florent.
Son mari. Le danger tranquille.
Il ne parle jamais trop. Ne fait jamais un geste déplacé.
Mais il regarde.
Et ce regard… je le sens encore sur ma peau, même quand il n’est plus là.
Dès le premier jour, j’ai su.
Il y avait quelque chose dans sa façon de me fixer. Une intensité silencieuse, comme un piège sans mouvement. Une promesse vague, indéfinissable, mais là, dans l’air, entre chaque battement de cils.
Moi, j’ai souri.
J’ai fui.
J’ai évité.
Mais Florent est resté.
Insistant sans insister. Patient. Présent.
Une tension latente, toujours là, même dans les gestes les plus anodins.
Je me suis raconté des histoires. Je me suis dit que j’exagérais. Que c’était dans ma tête. Que je manquais d’attention.
Mais plus je le fuyais, plus je le sentais proche.
Une ombre constante dans mes silences.
Chaque dîner partagé est devenu un exercice d’équilibre. Une danse d’évitement.
Il frôle ma main en me tendant un plat.
Il me parle doucement, mais ses mots ont un poids que je ne sais plus ignorer.
Il m’observe sans détours, même quand tout le monde rit.
Et moi… je m’échappe. Un verre d’eau. Une porte à pousser. Un prétexte.
Mais il est toujours là. Même derrière mes paupières closes.
Et ce soir… ce soir, c’est pire.
Silvio est en déplacement.
Noura est montée plus tôt, fatiguée. Elle m’a embrassée sur la joue. Elle m’a souri comme une sœur, douce et légère.
Elle ne sait rien.
Elle ne voit rien.
Et c’est précisément ça qui me brise.
La maison s’est tue. Un silence lourd, presque poisseux. Comme si l’air lui-même savait.
Je descends, pieds nus, chercher un verre d’eau.
La lumière est déjà allumée.
Florent est là.
Il est adossé au comptoir. Bras croisés. Immobile.
Il me regarde comme s’il savait exactement ce que je suis venue chercher — et ce que je redoute de trouver.
Je m’arrête net.
— Tu ne dors pas ? je murmure.
Sa voix est douce. Maîtrisée. Trop maîtrisée.
— Je t’attendais.
Mon ventre se noue. Mon souffle devient instable. Je sens déjà l’orage au creux de mes reins.
— Florent… il ne faut pas.
Il s’avance. Un seul pas. Mes jambes veulent fuir, mais restent ancrées.
Je suis figée. Entre peur et désir. Entre raison et vertige.
— Tu le dis… mais tu ne bouges pas, dit-il, tout bas.
Il a raison. Je ne bouge pas.
Je serre le verre entre mes mains. Mes phalanges blanchissent. Mes épaules se tendent.
— Tu es le mari de Noura. Je suis… mariée. Tu le sais.
— Et toi, tu sais ce que tu ressens, réplique-t-il. Tu te caches derrière les mots. Tu fais semblant. Mais moi, je le vois.
Il est devant moi maintenant. Si près. Trop près.
Son odeur me trouble. Un mélange de peau chaude, de linge propre, et de quelque chose d’inavouable.
Je ferme les yeux. Une seconde. Pour me retrouver. Me reprendre.
Il lève la main. Frôle ma mâchoire. À peine.
Et c’est comme si toute ma peau se contractait.
Je sursaute.
Un choc électrique.
Je recule. Enfin.
D’un pas. Un seul. Mais c’est assez.
Je respire fort. Trop fort.
— Florent… je ne peux pas. Je ne veux pas. Tu comprends ?
Un silence.
Il me regarde. Intensément. Et dans ses yeux, rien ne faiblit.
Pas de honte. Pas de colère.
Juste une certitude tranquille : ce n’est pas fini.
— Ce n’est pas le moment, dit-il simplement.
Et dans sa voix, il y a tout : le respect de ma limite… et l’attente. L’obsession.
Je repose le verre sur le plan de travail. Je ne peux pas boire.
Je tourne les talons.
Je remonte.
Chaque marche est une brûlure.
Chaque marche me rappelle que je suis encore en train de choisir.
Et que peut-être… demain, je ne saurai plus comment résister.
LinaLe regard d'Ervan me transperce avant même que ses doigts ne frôlent ma joue. Nous sommes dans ma chambre, l’air épais, chargé de cette tension qui ne nous quitte jamais. Les murs semblent trop proches, le lit derrière moi trop présent. Lui, debout à quelques centimètres, les épaules raides sous sa chemise impeccable, la mâchoire verrouillée comme s’il retenait quelque chose de brutal. Moi, dos contre le mur, la robe collée à ma peau moite, le cœur battant à un rythme qui n’a rien de normal.Il se penche vers moi. Je sens son après-rasage, bois et épices, cette odeur sombre qui me fait toujours vaciller.— Ne fais pas ça.Sa voix râpe ma nuque. Un doigt glisse sur ma joue, lentement, jusqu’à mon menton qu’il relève sans douceur, m’obligeant à croiser son regard.— Pas maintenant.Je détourne les yeux. Pas par provocation. Parce que s’il me regarde trop longtemps, il verra tout. La colère. Le désir. Cette guerre qui me déchire.— Je ne fais rien.Je mens. Ma voix tremble. Il le sa
LinaIl grogne contre ma peau, le son vibrant contre mon sein, avant de passer à l’autre, lui offrant le même traitement. Mes cuisses se serrent l’une contre l’autre, désespérées, mais c’est pire que tout. Le frottement du tissu de ma culotte contre mon clito déjà gonflé me fait presque jouir sur-le-champ.— Tu es si réactive, murmure-t-il en relevant la tête, ses lèvres brillantes de salive. Comme si tu avais attendu ça toute ta vie.Je ne réponds pas. Je ne peux pas. Parce que c’est vrai.Ses mains glissent le long de mon ventre, tracent des motifs invisibles sur ma peau, avant de s’arrêter à la taille de ma culotte. Il hésite une seconde, une seule, avant de tirer d’un coup sec. Le tissu se déchire presque. Je sursaute, mais il est déjà à genoux devant moi, ses doigts agrippant mes hanches pour m’empêcher de reculer.— Regarde-moi, ordonne-t-il.J’obéis.Et puis sa bouche est là.Sa langue me lèche d’un seul coup, large, plate, du bas de ma fente jusqu’à mon clito, et je crie. Vrai
LinaLa pénombre enveloppe ma chambre comme un voile épais, filtrant les derniers rayons du soleil couchant à travers les rideaux tirés. L’air est lourd, chargé d’une tension électrique qui me fait frissonner malgré la chaleur étouffante. Je suis assise sur le bord du lit, les doigts crispés sur le tissu froissé de ma robe d’été, trop légère, trop transparente. Pourquoi je l’ai mise, celle-là ? Une question stupide. Je connais la réponse. Parce que je savais. Parce que je l’ai voulu.La porte s’entrouvre sans un bruit, comme si le bois lui-même retenait son souffle. Mes épaules se raidissent, mais je ne me retourne pas. Je ne peux pas. Pas encore. Pas avant qu’il ne soit trop tard pour reculer.Ses pas sont feutrés, presque imperceptibles, mais je les sens vibrer dans chaque terminaison nerveuse de mon corps. Il s’approche. L’odeur de son parfum, boisé, épicé, avec cette pointe de tabac froid qui me fait toujours tourner la tête, m’enveloppe avant même que ses doigts n’effleurent mon
EvanJe mens avec une facilité déconcertante. C’est devenu une seconde nature. Mentir à Jade est comme respirer. Mentir à Lina… c’est un sport. Un art. Elle, au moins, sait que je mens. Elle voit les ficelles. Cela rend le jeu bien plus excitant.Je l’ai observée ce matin. Les cernes sous ses yeux. La pâleur de son visage. La façon dont elle évitait tout contact, même visuel. Elle est détruite. Pas par la violence, mais par la révélation. La révélation de sa propre faiblesse. De son désir pour le loup dans la bergerie.C’est parfait.La fragiliser était nécessaire. Maintenant, elle sait. Elle sait qu’elle n’est pas aussi forte qu’elle le croit. Qu’elle n’est pas immunisée contre moi. Le mépris est toujours là, je le sens. Mais il est mêlé à la peur, et à quelque chose d’autre… de la fascination. Une fascination répugnée, mais réelle.Le plan initial reste le même : protéger mon image, mon couple avec Jade, mon intégration dans cette famille confortable. Lina était une menace. Elle l’e
LinaLe soleil perce à travers les lattes des volets, striant le lit de bandes de lumière crues. Je suis éveillée depuis des heures, immobile, les yeux grands ouverts fixant le plafond. Mon corps est un champ de ruines. Chaque muscle est douloureux, chaque nerf à vif, comme si on m’avait battue. Mais les pires blessures sont invisibles. Elles brûlent à l’intérieur, honteuses et profondes.La nuit a été un long cauchemar de veille. Chaque fois que je fermais les yeux, je le revoyais. Sa silhouette dans l’ombre. Sa main sur ma peau. La chaleur de sa langue. Le son de ma propre voix, brisée par le plaisir. Je me suis levée à l’aube pour prendre une deuxième douche, froide celle-là, frottant ma peau jusqu’à ce qu’elle soit rose et douloureuse, essayant de me laver de lui. En vain. La sensation est gravée. L’odeur de son savon, mêlée à celle de mon propre désir traître, semble imprégnée dans les murs.Un bruit dans le couloir. Des pas légers. Jade.Mon cœur se serre à s’arrêter. La culpabi
LinaLe retour est un brouillard. La voiture de Théo, l'odeur de son après-rasage trop doux, le bruit du moteur… tout semble étouffé, lointain. Mon corps est encore une plaie vive, chaque nerf vibrant du choc de la confrontation avec Evan. La victoire dans les toilettes du bar a un goût de cendres. C’était une retraite, pas une défaite pour lui. Je l’ai senti.Devant ma porte, Théo me sourit, doux, prévisible. Il se penche et pose ses lèvres sur les miennes. C’est un baiser gentil, pressant, plein d’une intention tendre. Je devrais m’y accrocher. Je devrais y chercher un refuge, un antidote. Mais mon sang reste de glace. Ma peau est sourde. Il n’éveille rien, si ce n’est une vague gratitude teintée de culpabilité. Je réponds par politesse, par devoir, par l’espoir fou que quelque chose, enfin, s’enflamme.— À demain, Lina ? murmure-t-il contre ma bouche.—À demain, Théo.Je monte l’escalier, chaque marche un poids supplémentaire. La maison est silencieuse, endormie. La chambre de Jade







