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Chapitre 2 — Le Goût de l’Interdit

Author: Déesse
last update Last Updated: 2025-10-27 00:49:13

Florent

Je l’ai vue reculer.

Un seul pas. Juste assez pour repousser. Juste assez pour que ça ressemble à un refus.

Mais pas assez pour rompre le fil.

Pas assez pour effacer ce qui venait de se passer.

Elle est restée là, devant moi, un peu trop longtemps. Assez pour que le silence devienne une confession.

Assez pour que je sente son trouble. Sa tension. Son désir.

Parce qu’elle peut bien dire non, Grâce. Elle peut bien lutter, reculer, froncer les sourcils avec toute la bonne conscience du monde…

Mais son corps, lui, ne ment pas.

Et moi, je l’ai senti.

J’ai senti son souffle s’emballer.

J’ai senti sa peau frissonner quand ma main s’est approchée de sa mâchoire.

J’ai vu ses lèvres trembler juste avant qu’elle ne les pince pour se retenir.

J’ai entendu ce silence brut entre nous, celui qu’on ne partage qu’avec quelqu’un qui vous regarde vraiment.

Grâce.

La femme de Silvio.

Ma belle-sœur par alliance.

La meilleure amie de Noura.

Autant dire intouchable. Inapprochable.

Et pourtant.

Elle est entrée dans ma vie comme une tension sourde. Rien de spectaculaire. Rien d’immédiat.

Juste cette impression étrange, dès le début, qu’il y avait en elle quelque chose de précieux. De trop contenu.

Une lumière pâle, tenue en cage.

Et moi, j’ai toujours eu envie de voir ce que ça donne, une lumière quand elle brûle vraiment.

Noura ne voit rien.

Elle vit à cent à l’heure, dispersée, flottante. Elle m’aime comme on aime un meuble solide : utile, rassurant, toujours là.

Mais elle ne me regarde plus depuis longtemps.

Avec elle, je suis un rôle à tenir. Un mari modèle. Un sourire poli aux dîners, un torse à moitié nu les soirs où elle daigne s’intéresser à mon corps.

Mais entre nous, il n’y a plus rien de vivant.

Avec Grâce, c’est tout l’inverse.

Elle ne me veut pas. Du moins, elle s’en convainc.

Et c’est précisément là que réside son charme.

Elle lutte. Elle fuit. Elle se tient droite.

Mais je vois bien que ses barrières se fissurent, jour après jour.

Et je suis patient.

Très patient.

Je n’ai jamais été un homme brutal. Je n’ai pas besoin d’imposer.

Il suffit d’attendre, d’observer, de tendre la bonne corde au bon moment.

Avec Grâce, c’est un jeu d’ombres. Une tension presque artistique.

Je sais exactement quand elle évite mon regard.

Je sais quand elle quitte la pièce pour me fuir.

Et je sais, surtout, qu’elle revient toujours.

Elle fait mine de m’ignorer, mais elle m’écoute.

Elle me devine.

Et parfois, dans ses gestes, dans ses silences, je sens cette faille grandir.

Une fatigue. Une envie qu’elle n’ose même pas nommer.

Et ça me rend fou.

Parce que je la veux, oui.

Mais pas pour une nuit.

Je veux qu’elle s’effondre. Qu’elle cède de tout son être. Qu’elle comprenne que rien de ce qu’elle croyait stable ne tient debout face à ce qu’on partage, elle et moi.

Ce soir, j’ai entendu ses pas.

Elle pensait sans doute me trouver endormi, ou ailleurs.

Elle descendait chercher un verre d’eau ou peut-être un peu d’air, un peu de calme.

Mais moi, j’étais là.

Je l’attendais.

Quand elle m’a vu, elle a eu ce sursaut, ce demi-recul dans les yeux. Et puis… plus rien.

Elle n’a pas fui.

Elle a murmuré "il ne faut pas".

Mais ce n’est pas ce que j’ai entendu.

Ce que j’ai entendu, c’est "je ne sais plus comment faire".

Et moi, je suis entré. Pas physiquement pas encore. Mais j’ai glissé ma voix dans la faille.

Je lui ai dit la vérité.

Elle fait semblant. Elle s’épuise.

Elle crève de solitude à côté d’un homme qui ne la touche plus.

Elle veut rester droite.

Elle veut être bonne. Loyale. Fidèle.

Mais sa peau, elle, réclame autre chose.

Quelque chose de plus brut.

Quelque chose que moi seul lui offre : l’évidence. La brûlure. Le vertige.

Quand j’ai approché ma main de son visage, elle a frissonné.

Quand je lui ai murmuré de me dire de partir, elle n’a pas su.

Et ce petit recul, ce pas tremblant qu’elle a fini par faire, je ne le vois pas comme une défaite.

Je le vois comme le premier aveu.

Elle est remontée.

Elle a fui, oui.

Mais je sais ce que je laisse derrière moi.

Je sais qu’elle ne dormira pas.

Je sais qu’elle gardera les yeux ouverts, dans le noir, à côté d’un mari endormi à des kilomètres d’elle.

Je sais qu’elle pensera à moi. À ce qu’elle aurait pu faire. À ce qu’elle voudra faire.

Moi, je reste là, dans la cuisine.

Le verre qu’elle a reposé est encore tiède.

Et moi, j’ai sur la peau le fantôme d’un contact. Le parfum d’un refus tremblant.

Un refus qui ne tiendra plus longtemps.

Parce que ce que je veux… je l’obtiens.

Et ce que je veux, c’est elle.

Entièrement.

Et quand elle se donnera à moi parce qu’elle le fera, je le sais 

ce ne sera pas une trahison.

Ce sera une délivrance.

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